Bien accueillie par les citoyens, la vague d’arrestations d’hommes d’affaires en lien avec la contrebande et la corruption a inévitablement fini par attirer des critiques, notamment de la part du Front Populaire. Le Chef du gouvernement Youssef Chahed a réaffirmé, ce dimanche 4 juin 2017, la ferme intention de son équipe de poursuivre ce qu’elle a commencé depuis le 23 mai dernier.
« Il pourrait y avoir d’autres arrestations, en plus de celles qui ont d’ores et déjà eu lieu », précise-t-il dans une interview accordée conjointement aux quotidien Assabah et La Presse, dans leur édition du dimanche 4 juin 2017. Youssef Chahed explique que les arrestations interviennent dans le cadre de l’état d’urgence. « Dans ce contexte, dit-il, l’État use de tous les appareils dont il dispose pour se défendre ». Il rappelle que l’un des accusés arrêtés a été traduit devant le Tribunal militaire.
D’autre part, le Chef du gouvernement poursuit en affirmant que les accusés représentent une menace pour la sûreté de l’État, d’où leur arrestation par le ministère de l’Intérieur. « Les tunisiens vont devoir s’habituer et ils s’habitueront », ajoute-t-il encore.
Chahed précise que ces arrestations constituent une étape dans la lutte contre la corruption, mais souligne que la Justice va devoir remplir son rôle dans ce sens. Interrogé, par ailleurs, sur l’argent saisi dans le cadre des arrestations, le Chef du gouvernement affirme qu’ils sera versé au fonds du développement. Une autre partie sera accordé à l’Instance Nationale de Lutte contre la Corruption (UNLUCC). Et Chahed de reconnaître : « la bonne gestion de ces biens saisis est requise », et d’enchaîner, dans cette même optique : « un projet de loi sera élaboré pour organiser les procédures de saisie ».
Une chasse aux corrompus dans une discrétion voulue
Interrogé, d’autre part, sur Chafik Jarraya, le Chef du gouvernement souligne que l’affaire est entre les mains du parquet militaire. « Je ne l’ai vu ni connu », affirme-t-il concernant l’homme d’affaires controversé. Il explique, par la suite, que les enquêtes préliminaires ayant conduit aux récentes arrestations ont pris des mois. Ces dernières, d’après Youssef Chahed, n’ont rien à voir avec les vagues de protestations d’El Kamour. « Les huit personnes arrêtées jusqu’à présent représentent des poids lourds de la contrebande, de gros poissons. Certains d’entre-eux ont entretenu des liens avec les Trabelsi », précise-t-il.
La discrétion, rappelons-le, était de mise dans les récentes arrestations. Chose sur laquelle le jeune Chef du gouvernement est revenu lors de son entrevue du dimanche. Il s’agit d’une discrétion délibérée selon lui. « C’est une politique de lutte contre la corruption. Pour l’heure, face au vide juridique en matière de cette lutte, des mesures législatives seront mises en place. L’Exécutif a adopté une stratégie nationale dans le cadre de cette lutte. La magistrature sera renforcée sur plusieurs plans. Les confiscations vont se poursuivre, au même titre que les arrestations des personnes impliquées », martèle-t-il. Tout s’est déroulé dans la légalité, assure Youssef Chahed, notamment à travers le travail de la commission de la confiscation qui, rappelle-t-il, étudie minutieusement les biens saisis afin de pouvoir déterminer leurs origines.
« Des responsables internationaux m’ont soutenu »
Par ailleurs, le Chef du gouvernement a réagi aux propos de certains observateurs, stipulant que la vague d’arrestations n’était qu’un règlement de comptes entre lobbyistes et barons de la contrebande. « Il s’agit d’une campagne de l’État annoncée depuis l’adoption du Pacte de Carthage », se défend le Chef du gouvernement, qui insiste qu’il s’agit de la priorité de son gouvernement depuis son investiture. « Le sujet a été abordé avec le ministre de la Justice. Celui-ci s’est réuni avec les procureurs généraux et les magistrats du parquet », explique-t-il encore.
Poursuivant sur sa lancée, le Chef du gouvernement rappelle que la lutte contre la corruption est soutenue par le monde entier. « J’ai reçu plusieurs appels de soutien, notamment de la part de dirigeants d’instances internationales. La Tunisie est soutenue dans cette lutte, mais également dans la lutte contre le terrorisme », soutient Youssef Chahed.
Sur le plan politique, il est revenu sur la crise interne de Nidaa Tounes, parti qu’il a rejoint après ses débuts à Al Joumhouri. « Je suis fier de mon appartenance à Nidaa Tounes. Je ne le vise pas, c’est insensé. Mes relations avec les élus du parti sont bonnes », assure le Chef du gouvernement. Il reconnaît, néanmoins, que certaines figures du parti cherchent à « semer la zizanie et la discorde ». « Je reste à égale distance de tous les partis, que ce soit Nidaa Tounes, Ennahdha, Afek et les autres », explique-t-il. Et d’affirmer : « Je suis arrivé au pouvoir pour une mission : garantir la réussite du Pacte de Carthage et remettre le pays sur la bonne voie d’ici 2019. Notre but est également de remporter le combat contre le terrorisme et la corruption. Il faut, à présent, engendrer une nouvelle générale politique. Par ailleurs, pour ma part, je ne me porterai jamais candidat à la présidence de Nidaa Tounes ».