Faire garder son bébé : De la nounou introuvable à la crèche loufoque…

L’arrivée du premier enfant est un chamboulement de la vie de tous les couples et en particulier de l’heureuse maman. Souvent maladroits, sans expérience, trop angoissés, les couples ne savent plus où donner de la tête et c’est la grande confusion quand il s’agit de faire garder «bébé». Enquête

Après deux mois de visites intempestives des parents et amis, quand on sonnera plus à toute heure, quand tous les cadeaux pour le nouveau-né seront déballés, quand les verres vides de «zrir» seront rangés dans l’armoire et qu’il n’y aura plus de dragées, alors ce jour-là, petit bout de chou continuera à vous réclamer toutes les trois heures, mais il faudra désormais reprendre le boulot ! Entre maman, belle maman, nounou, crèche, le cœur balance. Les questions fusent, mais c’est souvent difficile de choisir.

« Femme, maman, maîtresse de maison et je bosse ! »

«La femme est ainsi faite qu’on devine déjà la jeune mère dans la petite fille et qu’on sent encore la petite fille dans la jeune mère. Le premier enfant continue la dernière poupée.» « Post-scriptum de ma vie » Victor Hugo.

Sabrine, maman depuis quelques mois est déjà face à un problème de plus en plus difficile à résoudre : «Je ne peux pas me permettre de prendre un congé sans solde ou d’arrêter de travailler, la vie est trop chère. Avec mon salaire et celui de mon mari, on a déjà bien du mal à boucler nos fins de mois. En plus, l’arrivée de notre bébé a multiplié nos dépenses.

Il fallait alors que je reprenne le travail et pour ça, il faut se résigner à confier son bébé à quelqu’un.» Mais ce quelqu’un, qui est-il ? Et comment le choisir ?

Au secours belle maman !

«Qui mieux que nos parents sauront prendre soin de nos trésors ?» c’est ce que se disent beaucoup de couples… Une solution qui, a priori, a l’air parfaite, mais n’oubliez pas que les apparences sont trompeuses.

«Tout a commencé quand j’ai dit à mon mari que maman allait garder notre enfant … Bien sûr, il m’a dit «et pourquoi pas ma mère à moi ?». Non ! Pas sa mère, pas question ! Je peux dire ce que je veux à ma mère, lui faire des remarques ou l’appeler à toute heure. Ma belle mère, telle que je la connais, se vexera et n’acceptera pas les critiques. Depuis ce jour, nous avons eu beaucoup de conflits mon mari et moi et mon fils de deux ans, dès qu’il fait une bêtise ou un caprice, j’ai droit à «il a appris ça chez ta mère». Pour stopper cette hémorragie, je l’ai mis illico presto à la crèche. C’est maman qui s’est vexée.»  Nous confie Sinda.

D’autres, profitent d’une situation qui leur convient parfaitement. Il s’agit de la solution miracle : une belle mère dévouée, que demander de plus ? Wafa, mère d’une petite fille de quelques mois, nous confie : «moi, maman ne veut pas garder mon bébé, elle n’a plus la patience, et ça tombe bien parce que ma belle mère était d’accord et elle habite à l’étage. C’est une solution qui me convient parfaitement. Elle prépare même la compote et le potage. Moi, je récupère ma petite quand je rentre du boulot et je suis tranquille. L’avantage, c’est que même quand j’ai envie de sortir avec mon mari le soir, ma belle mère garde ma fille. Pas de déplacement, il suffit de monter les escaliers. D’ailleurs, tant qu’elle est en forme, je vais vite faire le deuxième sinon j’aurais de sérieux problèmes pour le faire garder. Et pour tout vous dire, je ne comprends pas les femmes qui n’acceptent pas que leurs belles mamans gardent les petits.»

Grand-mère a tiré sa révérence !

Amèle, 58 ans, mamie de 3 petits enfants évoque son expérience de grand-mère : « j’adore mes petits enfants, et il ne fait pas partie de mon devoir de grand-mère de garder les enfants. J’ai élevé les miens toute seule, je me suis démenée toute ma vie, maintenant je crois que j’ai le droit de me reposer et d’être libre. Je ne peux pas rester toute la journée à la maison, c’est aux jeunes d’assumer un peu. Je suis très cool avec mes petits enfants, on joue, je leur prépare ce qu’ils aiment mais seulement avec leurs parents ou pour un petit moment. Et puis, si je garde l’enfant de ma fille aîné, il n’y a pas de raison que je ne garde pas les enfants de mon fils et les futurs enfants de mon autre fille … C’est un cercle infernal.»

Amèle n’est pas la seule à prendre ainsi position. Sabrine, jeune maman active, elle non plus n’a pas trouvé le soutien de ses proches pour la garde de ses enfants. Il fallait donc trouver une autre alternative

«Maman refuse catégoriquement de garder nos enfants et elle nous l’a dit avant le mariage, mais avec le temps, elle a changé d’avis … Elle s’est attachée à eux et les garde de temps en temps. Seulement quelques après midi.» Témoigne Sabrine. «Je suis grand-mère et ma mission est finie !» lance souvent la maman de Sabrine.

La nounou …

Ramener une étrangère à la maison, en tête à tête avec votre enfant, ce n’est pas toujours de tout repos.

« J’ai mis deux ans à chercher une nounou avant de renoncer, j’ai eu droit à la prostituée qui ramenait des mecs assez louches devant chez moi avec des scandales en prime, à celle qui au lieu de faire un effort pour convaincre ma fille de manger son repas, lui donne 4 yaourts …  À celle qui ne lave même pas le biberon et laisse le lait cailler! Sans parler bien sûr des absences et retards alors que tu as une réunion importante au travail. Bref, un vrai cauchemar. » Emira.

Entre celles qui demandent 400 dinars par mois pour 3 misérables séances par semaines (oui, elles appellent ça séance de 3 heures) … celles qui ne travaillent que le jour, celles qui ne vont que dans certains quartiers … Il est un grand tri à faire avant de trouver la perle rare.  Beaucoup de Tunisiens se sont tournés vers les nounous étrangères qui demandent le prix fort pour des services qui laissent parfois à désirer.

« Moi j’ai choisi la formule fille au pair, c’est une jeune fille qui a son bac, qui garde mon fils les demi-journées, quand je travaille. Elle est très sérieuse, ne demande que 300 dinars par mois et en plus, elle apprend beaucoup de choses à mon fils. Il sait compter en français, en anglais et en arabe. » Nous confie Sondès.

Crèche un choix difficile …

Laisser ces enfants à des inconnus, bien que professionnels, est une idée qui angoisse bien des mamans. Une expérience qui est vécue comme une séparation avec l’enfant, une déchirure. Olfa directrice d’une crèche nous confie « À chaque rentrée, j’ai des enfants qui pleurent parce qu’ils viennent pour la première fois et des mamans qui pleurent avec leurs enfants … C’est comme ça toutes les rentrées mais après quelques jours,  les enfants autant que les parents s’habituent. Accompagner son enfant à la crèche devient un moment agréable. ».

Les parents confirment. Chiraz maman d’un petit garçon d’un an et demi nous dit « le premier jour mon fils pleurait, criait, s’agrippait à moi. J’avais vraiment mal de le laisser … Je passais une mauvaise journée, je ne pensais qu’à ça … et puis en deux mois, il s’est attaché aux animatrices et aux enfants et, depuis, quand je l’accompagne, il me fait un signe de la main … et il est rassuré parce qu’il sait que je vais revenir le chercher.»   

Pour que ce moment devienne agréable, il faudrait qu’une relation de confiance s’établisse avec le personnel de la crèche. Certains parents hésitent beaucoup avant de choisir une crèche … Les critères de ce choix sont en priorité la proximité avec le travail et le domicile des parents. « J’ai mis ma fille dans une crèche qui est collée à mon bureau. Ça m’évite de faire un détour aux heures de pointe et ça me permet d’aller jeter un coup d’œil à n’importe quel moment de la journée. Je sais que s’il y a le moindre problème, je suis à trois minutes à pied de la crèche… ».

Second critère ; le cadre, l’espace et l’infrastructure : « je tiens à ce que les salles soient ensoleillées, qu’il y ait un espace de jeu en plein air, de quoi jouer à l’intérieur aussi … c’est très important. »

Troisième critère, la directrice et les animatrices. Un critère insolite, plusieurs mamans ont même parlé de la « tête » des animatrices … « c’est important qu’elles aient une tête sympa, moi je fonctionne au feeling … » surenchérit Samira.

« Pour moi, l’équipe et la directrice, c’est primordial. J’ai mis ma fille dans une crèche qui est aussi un jardin d’enfant et club de vacances à El Menzah 6… l’espace est plus que parfait, une villa immense hyper sécurisée et des jeux partout. J’avais vraiment confiance mais, par précaution, j’ai fait des visites surprises à plusieurs moments de la journée et au bout d’une semaine, j’ai compris ma douleur … ou plutôt celle de ma fille. Ce qu’ils font pour les tout petits pour éviter les problèmes et par manque d’effectif, c’est qu’ils les gardent attachées sur les chaises hautes toute la journée sauf à l’heure de dormir. Mon choix était décisif,  j’ai changé de crèche. Une crèche moins « clinquante » mais où il y a des animatrices qui jouent avec les enfants ».

Quand mettre son enfant à la crèche tourne au drame: Tout le monde a entendu parler de l’affaire Yazid.

Yazid Ben Tkaia est décédé à l’âge de six mois et demi étouffé à la crèche faute de soins. Sa maman, Dhouha Ben Tkaya, nous dit « j’ai choisi cette crèche parce qu’elle présentait tout le confort, c’est une micro-crèche spécialisée dans la garde des enfants de 2 mois à 12 mois. Tout était parfait dans cette crèche sauf une chose. Ils donnent le biberon aux bébés avec un cale bébé. Quand j’ai fait la remarque, la directrice de la crèche m’a dit, Madame, laissez-nous faire, ce n’est pas un cale-bébé, c’est un cale biberon.  Ce jour-là, j’avais déposé mon fils à 8h00 à la crèche, je suis allée au travail, je lui ai dit que mon fils avait pris son biberon, donc son prochain biberon est prévu à 11h000. A 12h00, elle m’a appelé, elle m’a dit viens vite à la clinique Yazid s’est étouffé, il est devenu bleu. Elle jure qu’elle ne lui a pas donné de biberon et qu’il s’est étouffé parce qu’il était malade. Moi, je sais que ce n’est pas vrai, mon fils prend son biberon à 11h00 et il n’est pas malade, il avait juste une poussée dentaire. Ensuite, il ne peut pas s’étouffer tout seul ! La directrice a fermé la crèche, éteint son téléphone et désactivé la page facebook de la crèche, moi, tout ce que je veux c’est voir le lit où mon fils est décédé.»

Une crèche néanmoins assez bizarre.

« C’est vrai que cette crèche n’avait pas d’enseignes, ni aucune indication, elle était dans un appartement dans un luxueux immeuble mais elle était tellement bien réputée et il y avait tellement de fans sur sa page facebook que je ne me suis pas doutée une seconde qu’elle pouvait travailler sans autorisation … Elle avait une grande visibilité sur la Toile. Elle demandait 260 dinars par mois. Il n’y avait que des gens d’un certain niveau social… »

Nous avons donc contacté le délégué général à la protection de l’enfance chargé de cette affaire, il s’avère que cette crèche n’a pas d’autorisation. « On ne peut pas tout contrôler, quand les parents voient une crèche sans enseigne, où il n’y a pas le numéro d’autorisation affiché, qui n’a pas de reçu et de papier entête, ils doivent alerter les autorités. Les voisins doivent aussi le faire. Si vous voyez des enfants entrer tous les jours dans un appartement où il n’y a pas d’enseignes, il faut nous alerter. Nous manquons d’effectif, on ne peut pas deviner que dans une maison banale, des crèches sont ouvertes, si les parents ne nous aident pas. Il ne faut pas hésiter à demander le numéro d’autorisation, c’est votre droit ! »

Peut-on se contenter d’une telle réponse ? Les autorités peuvent-elles se permettre de décliner toute responsabilité aussi simplement ?

Mme Dhouha Ben Tkaia, la maman de Yazid, était loin de se douter que la fameuse crèche baby chou au centre urbain nord n’avait pas d’autorisation comme de nombreuses autres qui aujourd’hui encore continuent à travailler illégalement, sans aucune inspection. Après le viol d’une fillette dans un jardin d’enfant de la Marsa, c’est un ange de six mois et demi qui est décédé … Combien de drames faut-il encore pour mettre un peu d’ordre dans ce secteur ?

Yasmine Hajri

 

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