Faux-fuyants

Entre la nouvelle Troïka au pouvoir et les partis de l’opposition, se joue une  partie de ping pong ennuyante et dont les desseins sont inavoués.  Manifestement, ce sont  les Tunisiens qui vont payer, comme toujours, les pots cassés et les effets pervers dont va pâtir en particulier le processus démocratique qui paraît actuellement grippé. La faute incombe à nos hommes politiques  qui s’accommodent plus du statu quo, que de se prévaloir en acteurs du changement. « La plupart  des hommes, en politique, comme en tout, concluent des résultats de leurs imprudences à la fermeté de leurs principes ». Dans le cas spécifique de la Tunisie, l’incapacité de la classe politique à conduire le changement, à renforcer la construction démocratique et à présenter une alternative, se perçoit de jour en jour dans son décalage par rapport aux réalités et à sa propension à faire une fuite en avant, portant en elle les germes du doute et de l’inconnu. La désaffection des Tunisiens du politique n’est pas le fruit du hasard, elle est la juste réaction à une déception et à une désillusion vis-à-vis d’acteurs qui n’ont pas été en mesure de fournir des réponses, d’interpeller par la qualité du débat qu’ils suscitent et d’être en phase avec le contexte particulier que connaît le pays. Au moment où le nombre de partis a tendance à proliférer anarchiquement, le fossé qui sépare la classe politique des Tunisiens ne fait que s’élargir et la confiance de partir en lambeaux.
Le comble, c’est que nos politiques ont du mal à tirer les bons enseignements de leurs errements, de leurs maladresses et de leur faible ancrage dans la Tunisie profonde. Résultat : face à  leur inaptitude à construire une confiance, ils versent dans des débats démagogiques stériles et dans des calculs politiciens qui enfoncent chaque jour un peu plus le pays dans une crise politique aux conséquences imprévisibles.
Le cercle vicieux dans lequel est pris le processus d’organisation des premières élections municipales post-révolution, est le signe symptomatique de la perversion de notre classe politique,  prête à tout justifier, même par l’innommable. Il est la marque de la  faillite de ceux  qui  cherchent à hypothéquer  l’avenir démocratique du pays et s’obstinent à régler leurs comptes politiques à l’envers et contre tout.
Depuis plus de trois mois, chaque partie se complaît à renvoyer la balle à l’autre pour bloquer  la tenue des Municipales, reportées à trois reprises, qui risquent, cette fois-ci, d’être compromises pour longtemps. Par la faute d’une classe politique  qui cherche à brouiller, chaque fois à la dernière minute, toutes les cartes pour cacher son impréparation et son aversion à affronter le résultat des urnes. Un manque de maturité politique, aussi, d’une classe qui utilise à fond la carte du pourrissement et des luttes fratricides. En défiant le consensus, scellé depuis maintenant quelques mois, le gouvernement, qui a pris l’engagement d’organiser ce scrutin, et les institutions républicaines, qui ont élaboré un calendrier et mobilisé leurs  moyens et les partis qui poussent vers le report, cachent mal leur esprit revanchard. Le caractère surprenant de leur décision, qu’ils ont cuisinée à des fins qui sont loin d’être nobles, l’argumentaire peu solide qu’ils invoquent et le caractère suspect de leur alliance, trahissent leurs desseins.
Au moment où tous les obstacles pouvant entraver objectivement l’organisation de ces élections, semblent  être levés avec l’élection d’un nouveau président de l’Instance supérieure indépendante des élections, l’apaisement du climat au sein du bureau de l’ISIE et les engagements pris par l’ARP d’adopter le projet de loi relatif au code des collectivités locales, la volte-face surprenante de la nouvelle Troïka est loin d’être innocente.  Peut-on logiquement donner crédit aux motifs avancés par les dirigeants d’Ennahdha ou de Nidaa Tounes qui refusent de participer à des élections « dont certains contestent la date et que d’autres menacent de boycotter ? »  Peut-on également les croire quand ils lient leur demande au défaut d’adoption par l’ARP du code des collectivités locales ? De faux-fuyants qui n’échappent à personne, surtout  lorsqu’on sait qu’Ennahdha,  par exemple, a été farouchement contre l’abandon de la date du 17 décembre en claironnant, à qui veut l’entendre, qu’il était tout prêt  pour ce rendez-vous électoral !

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