Le théâtre antique de Carthage, quasi-complet, a vibré aux rythmes entraînants de la guitare et de la basse du jazz master Georges Benson.
Car Benson, cet artiste aux dix Grammy awards s’est donné à fond et a enflammé le public pas encore au courant de l’actualité, avec ses tubes à succès dont «Nature Boy», «Love x Love» ou encore «Give me the night».
Il a également assuré, en compagnie de son groupe, quelques passages de plages instrumentaux. Mais cette soirée qui a débuté avec un hommage aux martyrs de Ghaza à travers la projection du drapeau palestinien s’est malheureusement achevée par le décès de martyrs Tunisiens.
Triste ironie de l’histoire, Georges Benson avait été obligé d’annuler son concert prévu pour la 49e édition du festival l’année dernière suite à l’assassinat du martyr Mohamed Brahmi (25 juillet 2013) et le massacre de 10 soldats tunisiens dans une attaque terroriste au Mont Chaambi (29 juillet 2013), la direction du FIC 2014 a décidé cette année, et à la suite des événements tragiques survenus hier soir et pour la deuxième année consécutive à Kasserine, de réserver 30 % des recettes de ce concert aux familles des martyrs dont le bilan officiel et non définitif avançait un chiffre de 15 soldats tués dans les affrontements avec des groupes terroristes qui ont eu lieu mercredi soir dans la localité de Henchir El-Talla, au Mont Chaambi (gouvernorat de Kasserine).
Mais cette frénésie a été vite oubliée suite à l’infiltration en cours du spectacle de la tragique annonce d’une attaque terroriste au Mont Chaambi qui a coûté la vie à de valeureux soldats. « Je suis très heureux d’être parmi vous encore une fois dans des conditions meilleures que l’année précédente, je souhaite vous communiquer toute la joie que je peux » ce souhait, formulé par l’artiste lors de sa conférence de presse donné mercredi peu avant son concert, n’a été finalement réalisé qu’à moitié.
Un concert maîtrisé
Benson définit sa technicité selon « une approche vieille école » (Old school dans la langue de Shakespeare) avec, au final, l’impression d’un concert spontané avec une facilité déconcertante qui en résulte. Il est vrai que même dans ces albums, les titres sont souvent enregistrés pour l’essentiel le même jour, avec une seule prise pour chaque morceau.
George Benson n’a jamais hésité à faire preuve d’innovation; c’est un explorateur. Pour cet «homme à la guitare», donner une tournure jazz aux classiques de la musique pop – non seulement sur cet album, mais tout au long de sa carrière – est tout sauf tabou. Rien d’étonnant à cela pour celui qui se moque des étiquettes et des contraintes qui les accompagnent.
D’ailleurs, ce genre de Pop Soul/Jazz a souvent été utilisé comme bande-son fadasse de certaines séries télé ou centres commerciaux, voire ascenseurs, mais avec George Benson, nous sommes largement au-dessus. Il a fait de ce style un genre musical à part entière, et l’a élevé au rang artistique en lui donnant ses lettres de noblesse.
Et que dire du « Band » qui l’accompagnait ? Le batteur est extraordinaire, rebondissant derrière un set complet de cymbales qui cachent ses tambours et lui donnent plus l’air d’un tourneur d’assiettes chinoises que d’un drummer. Le claviériste arrangeur a effectué un travail très pro d’écriture et d’arrangements : l’ensemble est d’une efficacité remarquable qui fait apprécier le genre à ceux mêmes, s’il y en a, qui ne l’aimaient pas au préalable. Tout le monde se lève et ondule sur Give Me The Night, et à nouveau sur le dernier morceau On Broadway. Quelques instants de magie musicale dans une atmosphère pesante et oppressante.
Farouk Bahri