C'est au cours d’une conférence de presse tenue au Palais Kheireddine-Musée de la ville de Tunis, que le programme de la 32è édition du festival de la Médina (2-21 juillet) a été révélé par sa direction avec à sa tête Zoubeir Lasram.
Le choix du Palais Kheireddine est, somme toute, assez symptomatique de la situation de l’art en Tunisie : beau de l’extérieur et sous les discours enjoliveurs, décevant et marqué parfois de vacuité à l’intérieur… comme l’en atteste la programmation du dernier festival de Carthage.
Programmation sans surprise
La programmation du festival 2014 ressemble, à quelques exceptions près, à celles des éditions précédentes. Malgré les récriminations de la direction arguant qu’il s’agit là d’un programme à même de satisfaire les goûts et les aspirations du public, des choix éclectiques qui n’ont rien d’électrique.
Tango, flamenco, musique spirituelle, derviches tourneurs, et plein d’autres genres musicaux sont les piliers de la 32e édition de ce festival qui date de 1982, devenu le rendez-vous incontournable des amateurs de musique. D’ailleurs même les événements du 14 janvier n’ont pas empêché son déroulement en 2011 et 2012.
Ainsi, comme à l’accoutumée, l’animation nocturne ramadanesque sera assurée, tradition impérissable, par des spectacles de chants, de musique, de danse et de théâtre sont prévus. Et puis, au passage, un retour vers l’avant-révolution artistique semble être de mise puisque cette session verra le retour des figures immuables : Dorsaf Hamdani, Zine Haddad et Zied Gharsa, la chanson tunisienne de variété, le Malouf… malouf et variété en quelque sorte assureront le dessert artistique de cette session.
À la question de savoir pourquoi le festival de la Médina tend-il à se transformer en « festival du théâtre municipal » (en effet, 70% des spectacles du festival se déroulent au théâtre municipal de Tunis et non à la Médina, un comble), la direction répond que l’absence de normes techniques et de lumières dans les autres espaces. Est-il si difficile de placer de la sono et des lumières dans un cadre autre ? Ou bien faut-il y voir, encore, de la paresse et une volonté de céder à la facilité ?
Et faut-il noter que plusieurs lieux, voire des centres culturels de la Médina seront exploités par le festival. Le but essentiel du festival de la Médina n’est-il pas d’animer et de réanimer la ville ? Après la disparition depuis le début des années quatre-vingt du siècle dernier des cafés-chantants et des salles de spectacles dans les quartiers de Bab Souika et de Halfaouine. Outre les lieux connus du festival, un nouvel espace baptisé, l’« Étoile de la Médina », en l’occurrence, accueillera une soirée. Il s’agit de «عطر المدينة » (Le parfum de la Médina) qui interprètera entre autres œuvres, des chansons de Saliha, coïncidant avec le centenaire de sa naissance. Le théâtre est peu présent cette année. Seul le spectacle musico-théâtral «انحب إنغني » (Je veux chanter) est inscrit au programme. On aurait aimé qu’il y’ait plus de représentations théâtrales, même de vaudevilles, dans le cadre enchanteur des espaces culturels de la Médina.
Sentiment d’impuissance
Mais, au-delà des polémiques inhérentes à toute manifestation culturelle, force est de constater que près de trois ans après la Révolution, rien n’a changé. Pour preuve, l’absence de représentations et de soirées au palais Kheireddine tellement symbolique et marqué d’une beauté à couper le souffle s’explique par des squatteurs.
L’épisode, tellement emblématique remontre la période post-14 janvier : l’école juive mitoyenne et la Palais Keireddine partagent les mêmes jardins. Après le soulèvement, l’école juive a été squattée par des familles qui refusent catégoriquement l’exploitation par le festival de « […] cet espace qui est devenu, par la force des choses, le leur. Nous avons fait de notre mieux pour aboutir à un accord avec elles cette année, mais en vain. Si on utilise l’espace sans leur accord, cela risque de dégénérer et de mettre en péril le festival », dit-il amèrement.
Sur un autre registre et faisant contre mauvaise fortune, bon cœur, M. Lasram a précisé les points relatifs au budget :
« Nous avons pris en considération le pouvoir d’achat des festivaliers, la plupart des prix des tickets est fixé à cinq dinars quant aux autres, ils sont à 10 ou 20 dinars ».Le budget du festival est modeste, il avoisinerait les 125 mille dinars soit 100 mille dinars accordés par la Municipalité de Tunis et 25 mille dinars accordés par le ministère de la Culture. Une question toute simple nous vient à l’esprit : où sont les fonds débloqués par les sponsors ?
Enfin, malgré notre remarque précédente à l’omniprésence du théâtre municipal dans la programmation du festival, il faut reconnaitre à cette session 2014, la 32e, une volonté de vraiment revenir aux sources. Ainsi, cette année, davantage de spectacles de se dérouleront au sein de la Médina (l’école Bir Lahjar, l’école Achouria, Dar Lasram, l’école al Souleymania, l’espace Nejmet Lemdina), ainsi le festival demeurera fidèle à son esprit et à l’espace qui lui est dédié, à savoir la Médina de Tunis.
C’est donc en présence d’un grand nombre de représentants des médias, que ladite direction informe que les remarques des différentes plumes des journaux culturels ont été prises en compte… si nous pouvons, humblement, émettre une remarque, ce serait de (re)voir le festival de la Médina continuer à réintégrer la Médina et ne plus se cantonner au seul théâtre de Tunis. Et un festival off accessible à tous avec concerts et représentations dans la rue : ce ne serait pas de refus.
Le programme :
• Mercredi 02 juillet au Théâtre Municipal: ouverture du festival avec la troupe nationale de musique et Dorsaf Hamdani
• Jeudi 03 juillet à l’école Bir Lahjar rue du Pacha : “Je veux chanter” (“Nheb Nghanni”) avec Houda Ben Amor et Abdessatar Amamou
• Vendredi 04 juillet à l’école Bir Lahjar rue du Pacha : “Awtar Tarab” (musique tunisienne et orientale)
• Samedi 05 juillet au Théâtre Municipal : soirée musicale arabe “Akd al Yassamine” avec Mohamed Mejri
• Dimanche 06 juillet à l’école Bir Lahjar rue du Pacha : Folklore tunisien soufi
• Lundi 07 juillet au Théâtre Municipal : Malouf algérien avec la troupe Tlemsan et Leila Boursali
• Mardi 08 juillet au Théâtre Municipal : Les Derviches Tourneurs (Turquie)
• Mercredi 09 juillet au Théâtre Municipal : Gospel Life Rejoice (ensemble américain)
• Jeudi 10 juillet : »El Hadhra » de Fadhel Jaziri au Théâtre Municipal et Musique arménienne avec Araik Bartikian et Pierre Bedrossian à l’école Achouria
• Vendredi 11 juillet à Dar Lasram : la Troupe Sidi Bou Saïd (malouf et musique folklorique)
• Samedi 12 juillet au Théâtre Municipal : Mambomania : grand orchestre de mambo et cha-cha-cha
• Dimanche 13 juillet à l’école al Souleymania : Spectacle “Achwak”
• Mardi 15 juillet au Théâtre Municipal : Musique Africaine (Mamadou Diabate et Percussion Mania)
• Mercredi 16 juillet au Théâtre Municipal : “Tango et pas perdus” avec Fatma Lousaifi
• Jeudi 17 juillet : Najet Attia au Théâtre Municipal et “Tango et pas perdus” avec Fatma Lousaifi à l’école Bir Lahjar
• Vendredi 18 juillet : “Spectacle el Hanine” avec Soulef, Mohamed Ahmed Mohsen, el Raïs eyt Safoua à Dar Lasrem et la troupe “Parfum de la Médina” (les oeuvres de Saliha) à l’espace Nejmet Lemdina
• Samedi 19 juillet : Spectacle el Amir (Flamenco Quartet) au Théâtre Municipal et le Spectacle Andaladino (Mariem et Leila) à Dar Lasrem
• Dimanche 20 juillet au Théâtre municipal : Zied Gharsa avec la participation de la Rachidia
• Lundi 21 juillet : soirée de clôture animée par le chanteur Zine Haddad.
Tous les spectacles démarreront à 22 heures.
Farouk Bahri