La ville turque de Konya a accueilli, du 21 au 30 septembre dernier, la 21e édition du Festival international de musique mystique. Cet événement qui s’inscrit dans le cadre des Festivals de la Route de la Culture de Türkiye, a plongé la ville dans une ambiance spirituelle et culturelle extraordinaire. Des milliers de visiteurs se sont donné rendez-vous à la « ville des cœurs » pour profiter d’une série de spectacles époustouflants. Ce festival coïncide avec la célébration de la naissance du célèbre poète et mystique Jalaluddin Rumi ou Mevlana qui a passé la plus grande partie de sa vie à Konya.
Un reportage de Hajer Ben Hassen
L’Agence de promotion et de développement du tourisme en Türkiye (Türkiye Tourism Promotion and Development Agency) a organisé un voyage de presse pour un groupe de journalistes venus de divers médias internationaux. Invitée à participer, Réalités a eu l’opportunité de découvrir les trésors culturels de cette ville emblématique, vibrant au rythme du Festival international de musique mystique qui a offert une expérience inoubliable.
Le coup d’envoi du Festival a été donné sous un ciel illuminé à quelques mètres du célébre musée Mevlana à Konya, un endroit chargé d’histoire, considéré comme la ville de Rumi et de son maître spirituel Shams-ed-Dīn Tabrīzī.
L’ambiance était magistrale, marquée par la récitation de versets du Saint Coran, soulignant l’aspect religieux de l’événement. Ces versets, évoquant l’amour divin et la quête intérieure, ont constitué un prélude symbolique aux performances mystiques à venir.
Parmi les versets récités, on a pu entendre « A Allah seul appartiennent l’Est et l’Ouest. Où que vous vous tourniez, la Face d’Allah est donc là, car Allah a la grâce immense; Il est Omniscient » (Sourate Al-Baqara, verset 115). Ces versets ont enveloppé l’auditoire d’une atmosphère de recueillement, rappelant l’importance de la soumission à la volonté divine. Ces versets auraient inspiré Tabrīzī qui disait « Est, ouest, sud ou nord, il n’y a pas de différence. Peu importe votre destination, assurez-vous seulement de faire de chaque voyage un voyage intérieur. Si vous voyagez intérieurement, vous parcourrez le monde entier et au-delà. »
Plus qu’une simple manifestation culturelle, le Festival international de musique mystique est un hommage vibrant à Mevlana Rumi, dont les enseignements continuent d’inspirer des générations à travers le monde. Pour Rumi, la musique et la danse étaient des moyens d’atteindre une dimension spirituelle plus profonde. «La musique est le son du cœur, la voix de l’âme,» disait-il. Cette philosophie a été mise en lumière lors du festival, où la musique mystique est devenue un chemin vers la vérité universelle, créant un lien direct entre l’humain et le divin.
Rumi voyait aussi dans la musique un puissant vecteur de connexion humaine, illustré par cette citation : «La musique est une fenêtre ouverte sur l’amitié.»
La musique mystique ou la quête spirituelle vers Dieu
Un autre point fort du festival a été la danse des derviches tourneurs. Ces danseurs mystiques, membres de l’ordre soufi fondé par Rumi, exécutaient leurs rotations sacrées, symbolisant la quête spirituelle vers Dieu. Pour Rumi, cette danse était une forme de libération, un dépassement de la douleur humaine.
Les concerts qui ont rythmé le festival étaient imprégnés de cette profondeur spirituelle. Les musiciens, en harmonie avec leur environnement, transmettaient des émotions qui dépassaient le simple plaisir musical. Comme le soulignait Rumi : «Quand les oreilles s’ouvrent à la musique, le cœur s’ouvre à l’amour.»
A titre d’exemple, le spectacle «Chants des Balkans», qui s’est tenu au Centre de Congrès Selçuklu, a ravi le public avec des performances envoûtantes d’artistes talentueux : Dr. Ubeydullah Sezikli (Türkiye), Dr. Abas Jahjai (Macédoine), Mesut Kurtis (Macédoine) et Hafız Burhan Şaban (Bosnie-Herzégovine), ont émerveillé l’auditoire avec un repertoire riche et captivant.
Les artistes ont réussi à transporter les spectateurs dans un voyage musical à travers des mélodies et des chants, à la fois nostalgiques et vibrants, célébrant l’héritage culturel commun de leurs pays et la magie de la musique mystique.
Esin Çelebi, vice-présidente de la Fondation internationale Mevlana et petite-fille de Rumi ( 22e génération), a honoré ce concert par sa présence. À la fin du spectacle, elle a témoigné de son admiration pour la performance des artistes. Sa présence était tel un trait d’union entre le passé spirituel de Rumi et les artistes contemporains.
S’exprimant lors d’une déclaration aux médias dont Réalités, elle a souligné l’importance de la musique en tant que source d’inspiration et moyen de transmettre les cultures des différents pays. Selon elle, les gens ont besoin des messages d’amour, d’unité et de solidarité pour une meilleure compréhension mutuelle.
Bien plus qu’une simple série de concerts, le Festival international de musique mystique de Konya est une véritable invitation au voyage intérieur, en tant que le plus court chemin vers la découverte de l’âme, comme l’avancait Rumi. Mais pas que, ce festival est aussi une opportunité unique de découvrir les différentes facettes de la ville de Konya, avec sa richesse historique et culturelle remontant à plusieurs milliers d’années.
A la découverte de Konya, « la ville des cœurs »
Située au cœur de Türkiye, au centre-sud à l’extrémité méridionale du plateau anatolien, bordée au sud par les monts Taurus, Konya est loin d’être un simple lieu de passage pour les festivaliers. Considérée comme étant la septième ville la plus populaire de Türkiye avec 2,32 millions d’habitants en 2023, elle se confirme progressivement comme une destination touristique incontournable, attirant de plus en plus de touristes, traditionnellement tournés vers Istanbul ou les autres stations balnéaires turques.
Avec une panoplie d’événements culturels tout au long de l’année, Konya devient une destination prisée par ceux qui souhaitent découvrir la culture turque sous toutes ses formes. En plus du Festival international de musique mystique, la ville accueille des expositions d’art, des spectacles de danse traditionnelle et des représentations théâtrales… Elle abrite aussi une multitude de musées, monuments et sites archéologiques, chacun témoignant d’une époque fascinante d’une des plus anciennes villes du monde, connue sous le nom d’Iconium à l›époque romaine. Parmi ces sites et monuments, on mentionne notamment le musée Mevlana, l’église byzantine orientale Aya Elena et d’autres vestiges de civilisations passées.

Musée Mevlana,
Le Musée Mevlana, un voyage au cœur de la sagesse
Avec son célèbre dôme vert symbolisant la verdure du paradis, le Musée Mevlana est le monument emblématique de Konya. Chaque année, il attire des centaines de milliers de touristes en quête de l’histoire inspirante du poète mystique.
À l›origine, le site était un jardin de roses du palais seldjoukide, offert par le sultan Alaeddin Keykubad au père de Rumi, Bahāʾ al-Dīn Walad. Après sa mort en 1231, il fut enterré dans cet espace, et bien que ses disciples aient voulu ériger un mausolée, Mevlana a répondu : «Y a-t-il un meilleur dôme que celui du ciel ?»
Devenu sanctuaire après la mort de Rumi, le musée abrite sa tombe, ainsi que celles de sa famille et de ses disciples. La grandeur des lieux inspire une profonde humilité. Jusqu’à aujourd’hui, de nombreuses personnes éprouvent une grande émotion, et certaines d’entre elles s’effondrent même en larmes en récitant la Fatiha devant les tombes. Le musée comprend aussi des objets et des œuvres de Rumi, des vêtements, ainsi que des artefacts des Mevlevis des périodes seldjoukide et ottomane. Chaque salle évoque un aspect de la vie de Rumi et de son époque.
Konya, berceau de l’humanité
Au-delà de sa réputation en tant que ville de Mevlana, Konya a été le berceau de nombreuses civilisations, depuis la plus ancienne, Çatalhöyük, jusqu’aux Empires romain, byzantin, seldjoukide et enfin ottoman.
Datant des environs de 7400 av. J.C, Çatalhöyük est réputée pour être la première installation connue, la première urbanisation et la première domestication d’animaux. Elle a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012.
L’Empire byzantin a aussi marqué la ville de Konya, notamment à travers la petite ville de Sille, située à environ 15 kilomètres du centre. Avec ses coutumes et traditions, cette ville abrite des monuments historiques, dont l’église byzantine orientale Aya Elena, construite en 327 après J.C. par Hélène, la mère de l’empereur Constantin. Restaurée au fil des siècles, l’Aya Elena demeure aujourd’hui l’un des témoignages les plus emblématiques de l’héritage chrétien de la région.
Les vestiges seldjoukides sont également présents à Konya, avec de nombreuses constructions historiques telles que la mosquée Alaeddin, qui est l’une des plus anciennes de la ville. L’architecture ottomane, quant à elle, a laissé une empreinte significative sur la ville avec ses mosquées et constructions imposantes.
Au-delà de ses monuments historiques emblématiques, Konya se distingue par une offre moderne et captivante qui attire de nombreux visiteurs. Le Musée Panorama de Konya (Panorama Konya Müzesi), avec sa représentation immersive de la vie sociale au XIIIe siècle et de la culture mevlevi, offre une expérience enrichissante à ceux qui souhaitent plonger dans l’histoire de cette grande civilisation. Pour les amoureux de la nature, le Jardin des papillons tropicaux (Konya Tropical Butterfly Garden), avec ses espèces colorées évoluant parmi une végétation luxuriante, constitue une évasion enchanteresse au cœur de la ville. De même, le Centre scientifique de Konya, doté d’installations modernes, inspire la curiosité scientifique à travers des expositions interactives et des activités éducatives. En outre, l’accès facile à Konya représente un atout considérable, grâce à ses infrastructures de transport moderne, comprenant un aéroport international et des liaisons ferroviaires rapides vers d’autres grandes villes turques.

Photo de groupe des journalistes dans l’enceinte de l’église Aya Elena,
située dans la ville de Sille à Konya
Alors que des millions de touristes se concentrent sur Istanbul comme première destination en Türkiye pour ses monuments historiques, d’autres tournent de plus en plus les yeux vers Konya. Il s’agit, désormais, d’une destination incontournable pour ceux souhaitant approfondir leur connaissance de la culture humaine dans son ensemble, et de la culture turque en particulier, tout en cultivant leur propre spiritualité. En Türkiye, on dit souvent : «Promène-toi à Konya et tu verras le monde.» À cela, j›ajouterais : «Promène-toi à Konya et tu découvriras la merveille de l’âme cachée en toi.» Visiter Konya, c’est une véritable transformation. On revient enrichi d’une sérénité profonde, d’une spiritualité renouvelée et de beaux souvenirs. Comme le disait Rumi : «Le voyage redonne de la force et de l’amour à votre vie.» Quoi de mieux que de se rendre dans la ville de Rumi, où chaque pas résonne avec l’écho de la sagesse ?