Filière laitière : Un équilibre fragile à consolider ?

Notre pays est parvenu depuis plus de dix ans à assurer son autosuffisance en lait, aliment de base pour la population et vital pour la croissance des enfants. Cela n’a pas été simple et rapide, il a fallu mobiliser des capitaux importants, déployer de gros efforts et échafauder des solutions habiles pour mettre en place une filière intégrée, équilibrée et fiable.

Cependant, cet équilibre est fragile, il est sans cesse menacé par des facteurs paramètres, dont la maîtrise nous échappe, car il sont parfois l’objet de dysfonctionnements.

Les évènements qui font mal ces dernières années sont ceux des excédents de lait frais, refusés par les centrales laitières durant la période de la haute lactation (printemps-été), soit en raison de la saturation des centrales, soit à cause de la qualité bactériologique déplorable du lait présenté. Les éleveurs sont donc obligés de détruire ces excédents, ce qui est une perte sèche pour les producteurs et l’économie nationale.

Il faut dire que les centres de collecte et de conservation du lait, qui sont le maillon faible mais indispensable entre éleveurs et centrales, ont besoin de programmes de mise à niveau et de financements.

La filière repose sur 120.000 éleveurs à 80% des petits éleveurs (4 à 5 vaches) qui pratiquent le plus souvent l’élevage hors-sol, faute de disposer de terres cultivées en fourrages verts, d’où le recours aux aliments composés et aux fourrages importés dont le prix s’est envolé sur le marché international, ce qui a remis en question la rentabilité et donc le prix de cession du lait aux centrales laitières.

C’est de là que vient la rupture de l’équilibre : les éleveurs ne se retrouvent plus dans leurs comptes. La compétitivité des élevages de 3 à 4 vaches est faible : la dimension des élevages devrait doubler pour être rentable, outre le fait, qu’une culture de fourrages verts s’impose pour réduire le prix des achats et améliorer la qualité du lait.

Les trois mécanismes de régulation de la filière sont l’exportation, si le marché est approvisionné correctement et s’il y a un excédent on pratique le stockage en prévision des périodes de pointe de la consommation comme le mois de Ramadan. Il y a également la lyophilisation du lait : transformation en poudre, nécessaire pour le yaourt, ce qui permet une longue conservation.

En effet, le seule usine en Afrique est celle de Mornaguia (Tunisie-Lait), mais malheureusement, elle ne fonctionne que rarement, lorsqu’il y a un excédent notoire de lait pour assurer la rentabilité de l’usine. Certes, dès 2014, la mise en marche de la centrale Délice de Sidi Bouzid a permis d’absorber l’excédent mais de nouveau, le problème va se poser dans les années qui viennent.

Les centrales laitières prêchent pour une libération des prix et de l’exportation afin de disposer de marges bénéficiaires confortables pour réinvestir dans la maintenance et la croissance de la capacité de production.

Les industriels veulent organiser et gérer par eux-mêmes le système et concéder à l’Etat un rôle d’arbitre, ce qui équivaut à occulter aussi bien le rôle fondamental des éleveurs qui sont à la base de la pyramide et bien sûr le rôle des consommateurs qui sont la raison d’être du produit. Nous ne devons pas perdre de vue que le prix du lait, est homologué dans ses différentes étapes.

Pour les pouvoirs publics, les objectifs sont les suivants : disponibilité permanente du lait sur le marché, prix maîtrisés et qualité garantie du produit. Ils veulent également faire plafonner la compensation consentie par l’Etat à raison de 265 millimes par litre. Notre pays produit 3 à 4 millions de litres de lait par jour et la production augmente de 8 à 10% par an. Le Tunisien consomme en moyenne 50 litres de lait par an.

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