La situation financière de l’économie tunisienne se complique davantage. En effet, les besoins de financement pour boucler le budget de l’Etat deviennent extrêmement compliqués comme en témoigne la dernière sortie qui n’a collecté que 500 millions d’euros pour une échéance de 5 ans et un taux d’intérêt de 6,75%. Ces conditions reflètent la fragilité de l’économie tunisienne.
En effet, avec un Libor à presque 2%, la prime de risque s’élève à environ 475 points de base. Un niveau très élevé pour une petite économie comme celle de la Tunisie. Le problème, c’est que malgré cette enveloppe, le gouvernement doit encore mobiliser d’autres ressources pour boucler son budget 2018.
La situation de 2019 est encore plus difficile
Le budget de 2019 prévoit 40662 millions de dinars de dépenses (y compris le service de la dette). Les ressources propres (ressources fiscales) s’élèvent à 30520 millions de dinars. La différence (10142 millions de dinars) doit être financée par des emprunts extérieurs et intérieurs. Ces ressources d’emprunt s’ajoutent à l’encours de la dette par la suite. Pour dire simple, aujourd’hui, nous finançons deux tiers de nos dépenses par nos propres moyens et un tiers par emprunts.
Autrement dit, nos ressources propres ne couvrent que les deux tiers de nos dépenses.
Pour l’année 2019 et si les recettes fiscales prévues sont au rendez-vous, le gouvernement doit mobiliser 10142 millions de dinars. Il est prévu de prélever 2350 sur le marché intérieur sachant que l’épargne a baissé à environ 8% du PIB. Le reste du montant, soit 7792, va être mobilisé sur le marché extérieur à travers des prêts multilatéraux et bilatéraux (FMI, BM, AFD etc.), mais aussi, il est prévu une nouvelle sortie pour un montant de 965 millions de dollars. La question qui demeure en suspens est de savoir si nous avons réussi à mobilier 500 millions d’euros cette année avec les conditions citées plus haut et comment nous pourrions mobiliser les 965 M$ en 2019 sachant que la situation économique est de plus en plus fragile et que 2019 sera une année électorale.
La situation budgétaire demeure intenable et il faut, tôt ou tard, prendre des mesures draconiennes car, on ne peut pas poursuivre cette fuite en avant d’une manière infinie. Arrivera le jour où le marché extérieur sanctionnera sévèrement la Tunisie. En effet, le financement sur les marchés internationaux va devenir de plus en plus difficile, voire même quasi impossible. Il ne reste qu’à faire tourner la planche à billet ou tout au moins mener des opérations d’assouplissement monétaire, ce qui aggravera la dépréciation du dinar. Cela est toujours une opération risquée et particulièrement dans le contexte actuel. En effet, et pour renflouer les caisses de l’Etat, le gouvernement et le ministère des Finances plus particulièrement, devraient encore supplier les banques, surtout publiques, d’acheter les Bons de Trésor émis. Mais les banques n’en veulent plus, malgré des taux de rendement élevés. Elles demandent en contrepartie un refinancement auprès de la BCT. C’est un cercle vicieux infernal. Ainsi, le refinancement des banques par la BCT a atteint la semaine dernière le niveau record de 16 milliards de dinars. Le cash est directement utilisé par l’économie parallèle qui échappe à tout contrôle. La liquidité est devenue un produit rare, ce qui oblige la BCT à intervenir et alimenter un risque inflationniste bien réel dès lors que le financement du déficit se fait par la création monétaire. Si ce processus se poursuit, et tout indique qu’il se poursuivra, l’inflation sera à deux chiffres à partir de l’année prochaine.
Mohamed Ben Naceur