Foire du Livre de Tunis : Une première participation de la Roumanie qui renforce les liens culturels avec la Tunisie

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Pour la toute première fois, la Roumanie s’invite à la Foire Internationale du Livre de Tunis, un événement symbolique qui marque une nouvelle étape dans les relations culturelles entre les deux pays. En visite officielle pour la première fois en Tunisie pour prendre part à la 39e édition de la Foire Internationale du Livre de Tunis qui s’est tenue du 26 avril au 4 mai courant, Liviu Jicman, Président de l’Institut culturel roumain et actuel président du réseau des Instituts culturels nationaux de l’Union européenne (EUNIC) a accordé une interview à Réalités. À travers cet entretien, Jicman partage sa vision de la culture roumaine à l’échelle internationale, tout en soulignant l’importance de cette première participation à la Foire Internationale du Livre de Tunis. Il nous dévoile, également, les initiatives ambitieuses visant à renforcer les échanges culturels entre la Roumanie et la Tunisie, ainsi que les perspectives de coopération dans des domaines aussi variés que la littérature, le cinéma et les arts visuels. .


Propos recueillis par Hajer Ben Hassen

La Roumanie fait son entrée officielle à la Foire Internationale du Livre de Tunis. Quelle importance accordez-vous à cette première participation ?
Je suis particulièrement ravi d’être ici pour cette occasion exceptionnelle. L’Institut culturel roumain déploie une variété de stratégies pour promouvoir la culture roumaine à l’international, et c’est là l’une de nos priorités essentielles. À travers notre réseau de 29 représentations dans le monde, en partenariat avec nos ambassades, ou encore lors de salons littéraires comme celui-ci, nous multiplions les opportunités pour mettre en lumière notre patrimoine culturel, notamment la littérature roumaine.
Parmi nos initiatives phares figure le programme de soutien à la traduction et à la publication (TPS), destiné à encourager les maisons d’édition étrangères à publier des auteurs roumains, à travers des subventions pour la traduction ou des bourses pour les traducteurs. De plus, notre participation à des événements internationaux, tels que cette foire, est une autre manière de renforcer la visibilité de nos écrivains sur la scène mondiale.
Je suis convaincu que cette première expérience à la Foire du Livre de Tunis est extrêmement positive. Pour ces quelques jours, je nourris l’espoir que notre présence suscite un intérêt palpable du public. Nous avons d’ores et déjà eu l’honneur de recevoir la visite de personnalités marquantes sur notre stand, ce qui témoigne d’une belle reconnaissance pour notre initiative.

Qu’est-ce qui vous a motivé à y participer, particulièrement cette année ?
La motivation derrière notre participation est plurielle. Tout d’abord, il y a l’impulsion donnée par l’ambassade de Roumanie, sous la direction de l’ambassadeur Valentin Ciprian Muntean, dont l’initiative dynamique a été déterminante dans ce projet. Ensuite, l’invitation que j’ai reçue des organisateurs pour intervenir ici en tant que représentant du Réseau européen des instituts culturels nationaux a renforcé cette motivation.
Ce qui nous lie à ce pays va bien au-delà des simples affinités géographiques. Nous partageons une histoire commune, notamment dans le domaine de l’éducation, des échanges universitaires, mais aussi un héritage francophone que nous cultivons avec fierté. En tant que nation francophone, la Roumanie a vu nombre de ses auteurs publiés en langue française, et c’est là un pont précieux entre nos cultures.
Je nourris également l’espoir que notre présence ici permettra de promouvoir davantage nos écrivains, et en particulier, qu’elle favorise une meilleure diffusion de la littérature roumaine en arabe. À titre d’exemple, je me souviens des prix décernés par l’Institut culturel roumain de Paris, qui récompensent des écrivains francophones originaires de pays non francophones. Il est à souligner que nous avons eu la chance de compter deux lauréats tunisiens parmi eux. Ces liens historiques, ces échanges intellectuels et ces affinités culturelles nourrissent notre volonté de renforcer encore davantage notre présence ici, en Tunisie, dans un esprit de dialogue et de coopération durable.

L’Institut culturel roumain déploie une série d’initiatives en Tunisie. Quelles sont vos priorités dans notre  pays ?
Nous veillons à adopter une approche équitable et ouverte, sans privilégier un domaine artistique spécifique, tout en tenant compte des spécificités du marché culturel local. Il est essentiel pour nous de trouver des points de convergence entre les richesses culturelles roumaines et les attentes du public tunisien. En ce sens, je crois que la littérature représente un secteur clé, car elle permet de tisser des liens profonds entre nos cultures.
Le cinéma roumain, largement reconnu et apprécié à l’échelle mondiale, trouve également une place importante ici. Je suis convaincu que la Tunisie, avec son riche patrimoine cinématographique, constitue un terreau fertile où les productions roumaines peuvent non seulement être admirées, mais aussi trouver leur place dans les débats artistiques locaux.
Par ailleurs, dans le domaine des arts visuels et de l’art traditionnel, nous voyons d’immenses possibilités de collaboration. Les projets communs, qu’ils soient dans la peinture, la sculpture ou l’artisanat, pourraient constituer un terrain d’échange précieux pour approfondir la compréhension mutuelle et célébrer nos héritages respectifs.
Ce sont là quelques exemples des priorités que nous poursuivons, et nous espérons que ces initiatives favoriseront des échanges culturels toujours plus fructueux entre nos deux pays.

Un nouveau programme culturel tuniso-roumain est en cours de finalisation pour la période 2025-2030. Quels en sont les grands axes ?
Effectivement, nous espérons que ce programme sera finalisé cette année. D’après les premiers éléments que j’ai reçus, il couvrira un large éventail de domaines culturels. Parmi les principales initiatives, nous prévoyons des participations communes à des festivals, tant en Roumanie qu’en Tunisie, créant ainsi des ponts artistiques solides entre nos deux pays. Il sera également question d’échanges dans des domaines aussi divers que l’art du spectacle, les arts performatifs et les arts visuels.
Nous avons de nombreux événements culturels majeurs auxquels nous pourrons contribuer et collaborer. Par exemple, des manifestations d’envergure telles que le Festival International de Théâtre de Sibiu, le Festival International du Film de Cluj-Napoca, ou encore le Festival International du Livre de Iași, constituent des occasions idéales pour renforcer nos échanges. Ces événements seront des tremplins précieux pour la coopération culturelle, et je suis convaincu qu’ils offriront de nombreuses opportunités pour intensifier les liens entre la Roumanie et la Tunisie.

Quelles opportunités ces festivals offrent-ils aux artistes ?
La participation des artistes et des représentants tunisiens à ces prestigieux festivals et événements en Roumanie représente une occasion unique de se faire connaître et de tisser des liens avec des publics internationaux. Pour la littérature, des événements phares comme le Gaudeamus et le Bookfest à Bucarest, ainsi que le Festival International de Littérature de Iași, sont des plateformes incontournables pour les écrivains, leur permettant d’élargir leur audience et de s’inscrire dans un réseau littéraire européen.
Dans le domaine des arts visuels, des foires internationales renommées à Bucarest, Timișoara et Sibiu offrent aux artistes tunisiens la possibilité d’exposer leurs œuvres dans des contextes prestigieux, favorisant l’échange et l’enrichissement mutuel. Quant au théâtre et aux arts performatifs, le Festival International de Théâtre de Sibiu, l’un des plus importants du monde, offre une visibilité exceptionnelle aux productions artistiques, tant pour les artistes roumains que pour ceux issus d’autres horizons, y compris la Tunisie.
Enfin, pour les passionnés de musique, le Festival International George Enesco de Bucarest constitue un événement d’envergure, célébrant la musique classique et accueillant des artistes du monde entier. Ce type de festival offre des opportunités considérables de collaboration, et je suis convaincu que des artistes roumains pourront également trouver ici, en Tunisie, des moyens de faire connaître leurs talents.
Il existe donc de nombreuses occasions pour renforcer les échanges culturels et promouvoir à la fois les arts traditionnels et contemporains de nos deux pays. Ensemble, nous pouvons explorer des avenues nouvelles pour présenter les richesses culturelles de la Roumanie et de la Tunisie dans toute leur diversité.

Quel est le potentiel de coopération en matière de cinéma ?
Le potentiel de coopération cinématographique est prometteur. Nous avons présenté en avant-première continentale, à l’Institut français, le film « La Couronne de Roumanie », un exemple de la qualité du cinéma roumain qui jouit d’une reconnaissance internationale. Cette présentation souligne l’importance de faire découvrir la richesse du cinéma roumain au public tunisien. De plus, des opportunités de collaboration s’offrent à nous, notamment à travers des coproductions en Roumanie, où des mécanismes économiques ont été mis en place pour encourager les productions internationales, notamment via des incitations fiscales attractives, comme le remboursement des taxes et impôts pour les producteurs qui choisissent la Roumanie comme lieu de tournage.

La traduction est au cœur de la diplomatie culturelle. Comment comptez-vous encourager la traduction croisée entre le roumain et l’arabe ?
L’Institut culturel roumain met en œuvre plusieurs programmes pour promouvoir la culture écrite roumaine, non seulement en soutenant les auteurs roumains, mais aussi ceux de langue roumaine, qu’ils vivent en Roumanie, à l’étranger, ou en République moldave, par exemple. Au-delà de la participation à des événements comme cette foire internationale, nous avons mis en place des bourses destinées aux traducteurs, qu’ils soient jeunes talents ou traducteurs confirmés. Nous facilitons également la diffusion internationale de la littérature roumaine, notamment à travers des programmes qui soutiennent les éditeurs étrangers publiant des écrivains roumains.
Cette année, nous avons lancé un nouveau programme consacré à la littérature pour enfants, un domaine en plein essor qui mérite une attention particulière. J’espère que les éditeurs tunisiens seront intéressés par la traduction et la publication d’œuvres roumaines pour la jeunesse.
Ce ne sont là que quelques exemples de nos initiatives. Dans un an ou deux, j’espère que nous pourrons partager des réussites concrètes dans ce domaine, avec davantage de livres traduits. Il est déjà important de souligner que nous avons une présence significative ici, avec des auteurs invités, comme Magda Kornetsch, une écrivaine et critique d’art de renom, qui est notre invitée spéciale cette année à la foire. Je suis convaincu qu’à l’avenir, notre présence sera aussi marquante que celle de cette édition. 

Quelles sont les initiatives qui soutiennent l’apprentissage du roumain en Tunisie ?
L’Institut culturel roumain met en place plusieurs initiatives pour encourager l’apprentissage de la langue roumaine. Par exemple, nous organisons chaque année une école d’été à Brașov, une tradition de notre institut, où des étudiants du monde entier viennent apprendre le roumain. Je profite de l’occasion pour inviter les personnes intéressées à participer à ce programme. En outre, nous proposons des cours de langue roumaine dans tout notre réseau.

Qu’en est-il des conditions pour en bénéficier ?
Les conditions de participation à notre programme d’école d’été peuvent être consultées sur notre site www.icr.ro. Ces conditions varient en fonction du niveau de maîtrise de la langue roumaine, mais elles restent accessibles. Nous offrons également des cours de langue dans le cadre de notre réseau d’instituts culturels européens. Bien que n’ayant pas encore de branche en Tunisie, nous espérons pouvoir développer cette initiative à l’avenir.
En collaboration avec l’ambassade de Roumanie, nous pourrions envisager de lancer un programme de cours de langue ici. De plus, je tiens à souligner que nous avons un lectorat de langue roumaine en Tunisie. Raluca Damian, professeure de langue roumaine, sera présente au stand de la Roumanie le mardi 29 avril pour présenter les programmes qu’elle propose ici.

Les touristes roumains reviennent en force en Tunisie. Comment expliquez-vous cet engouement et quel rôle la culture peut-elle jouer pour le renforcer ?
Je suis convaincu que la Tunisie est une destination incontournable pour les touristes roumains. De nombreuses personnes que j’ai rencontrées ont partagé avec moi leurs expériences de vacances ici, et toutes ont souligné des souvenirs positifs et mémorables. Pour ma part, c’est ma première visite en Tunisie, et j’espère avoir l’opportunité de revenir pour découvrir davantage vos sites culturels exceptionnels.
Cet engouement s’explique en grande partie par la relation historique et traditionnelle entre nos deux pays. La Tunisie est un partenaire de longue date de la Roumanie, et je crois que le secteur touristique a un potentiel de développement mutuel considérable. Bien que l’accès direct entre la Roumanie et la Tunisie ne soit pas optimal, l’intérêt des touristes roumains pour découvrir la Tunisie reste fort, particulièrement en raison de la richesse de son patrimoine culturel et de la diversité de ses paysages.

Le mot de la fin ?
Je vous remercie pour cette opportunité d’échanger. La Roumanie, avec sa riche histoire et son patrimoine culturel diversifié, propose des itinéraires fascinants à travers des régions comme le Nord-Est et le Centre, permettant ainsi aux visiteurs de s’imprégner de l’essence même du pays. Nous organisons également d’importantes manifestations culturelles, telles que celles de la région de Dobrogea, qui attirent l’attention internationale. La Roumanie a énormément à offrir, et je suis convaincu que ceux qui s’y aventureront y découvriront une richesse inestimable.

Hajer Ben Hassen, Rédactrice en chef de Réalités Online entourée de Liviu Jicman et de Valentin-CiprianMuntean, ambassadeur de Roumanie en Tunisie

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