Fonds de la BID pour l’innovation : Le défi de la transformation structurelle

Lors de sa 43e réunion annuelle tenue à Tunis entre le 1er et le 5 avril courant, le groupe de la Banque islamique de développement (BID) a annoncé la création d’un Fonds de 500 millions de dollars pour le financement de l’innovation. Une initiative inédite prise à un moment historique où le monde s’apprête à entrer dans une nouvelle ère, celle du numérique et du digital où tout a tendance à se dématérialiser. C’est ce qui est communément appelé la « 4e révolution industrielle ».
Baptisé également « Fonds de transformation », le Fonds pour l’innovation est lancé sur fond de bonne conscience autour de l’importance du rôle des sciences et technologies dans la consécration d’une dynamique de développement exhaustif et durable.
L’enjeu est de taille et l’ambition demeure légitime. Mais, faut-il réunir les conditions de transformation réelle et en assurer la cohérence ? Tel est le grand défi auquel sont confrontés la majorité des pays du Tiers-monde et des pays islamiques en particulier.

De l’enjeu du digital
Le rythme de développement technologique devient fulgurant au point de ne pouvoir imaginer l’avenir. Digitalisation, impression 3D, Big Data, drone, robotique… autant de phénomènes qui annoncent une désintermédiation massive de l’économie mondiale et font sonner la révolution industrielle 4.0. Définie comme « le réseau mondial des activités économiques et sociales qui sont activées par des plates-formes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique », l’économie numérique est désormais un vecteur de croissance, de revenu, de productivité et de compétitivité des pays.
Malgré ses risques et menaces en termes  de sécurité et de transformation en profondeur du marché du travail en raison de la suppression éventuelle de plusieurs centaines de milliers d’emplois à cause de la numérisation, l’économie digitale reste prometteuse et pourvoyeuse de vastes opportunités. Elle est à l’origine de nouveaux secteurs innovants et d’une nouvelle génération d’entrepreneurs et des marchés. Les politiques numériques tendaient à se concentrer sur le seul secteur informatique, elles sont, en fait, devenues récemment plus horizontales, couvrant des domaines tels que la création d’entreprises, l’administration, l’emploi, l’éducation, la santé, etc. Les biens et services numériques se caractérisent par d’importantes économies d’échelle. Les investissements dans le digital sont, par ailleurs, considérés comme les plus productifs.
L’économie digitale est une réalité incontournable à laquelle aucun pays ne peut se dérober. Bien au contraire, tous les pays doivent œuvrer pour en tirer le meilleur et en minimiser les écueils.

De l’apport du Fonds pour l’innovation
Le fonds de la Banque islamique de développement pour l’innovation est dédié au soutien des initiatives dans les domaines des sciences, des technologies et de la créativité afin de faire face aux défis de développement dans tous les pays du monde.
Ce fonds de transformation interviendrait conformément aux objectifs de développement durables des Nations unies aux fins de la sécurité alimentaire, d’une meilleure qualité de vie, d’une énergie propre et accessible et d’une industrie soutenable dans le pays en développement.
Le Fonds doit fournir les financements aux startup et petites et moyennes entreprises originaires des pays membres de la BID susceptibles de développer leurs projets novateurs et faciliter leur échange de technologie. Créateurs, scientifiques, entreprises privées, organisations non gouvernementales, gouvernements et établissements académiques sont tous habilités à accéder aux sources de financement offertes par le Fonds.
Le Fonds opèrera en étroite collaboration avec la nouvelle plateforme électronique de la Banque islamique de développement récemment lancée et dont l’objectif est d’interconnecter et informer les innovateurs dans les pays en développement des opportunités de marché et de financement.
De nombreux experts et conseillers scientifiques nominativement désignés appuieront la mission du Fonds pour atteindre les objectifs de développement socioéconomique moyennant l’intensification de l’usage de la technologie et de l’innovation.

Des conditions de promotion de l’innovation
L’innovation est un processus complexe. Aussi importante qu’elle soit, l’offre de financement ne saurait suffire à promouvoir l’innovation et gagner par-là le pari de la transformation structurelle dans les pays en développement. La promotion de l’innovation est conditionnée en fait par deux éléments de base.

Premièrement, la performance industrielle. La promotion de l’innovation peut difficilement réussir si elle ne s’ancre pas dans une économie industrielle dynamique. En effet, la majorité de la recherche des entreprises se font dans le secteur industriel et la part la plus importante des échanges extérieurs porte sur l’échange de biens. Ainsi, l’absence d’industrie performante est de nature à brider le potentiel d’innovation d’un pays. Les études empiriques ont bien montré que l’absence d’activité manufacturière appauvrit le processus même d’innovation, à supposer même qu’on innove. Le développement des politiques industrielles dans les pays en développement s’avère une condition sine qua non à la promotion, voire au succès de toute politique délibérée d’innovation.

Deuxièmement, la performance du système d’innovation lui-même. Ce dernier renferme un ensemble de composantes regroupées en six piliers ou pôles de compétences qui sont le développement des connaissances (capacité à mobiliser des ressources en faveur de la recherche, aussi bien fondamentale qu’industrielle et le développement expérimental dans les institutions publiques et les organisations privées) ; les ressources humaines (les structures d’enseignement et de formation, l’offre de personnel hautement qualifié et les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie) ; la capacité de valorisation de la R&D (la capacité de protéger un résultat de recherche et/ou de le transformer en un produit ou un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, susceptible d’être commercialisé ou de trouver une application sociale) ; la capacité d’absorption de l’innovation (les capacités liées à la diffusion, à l’intégration et à l’utilisation des nouvelles technologies ou processus ainsi que de nouvelles formes d’organisation) ; l’entrepreneuriat (la capacité de lancer ou de développer de nouveaux projets économiques, éventuellement au départ d’une entreprise existante) ; le financement de l’innovation (les possibilités d’accéder au capital afin de mettre en œuvre des projets d’innovation comportant des risques, de développer des savoirs et/ou de créer et de développer des entreprises).
Afin que le processus d’innovation dans son ensemble fonctionne de manière efficace, il faut que les différentes composantes atteignent individuellement un bon niveau de performance. Ceci implique la nécessité de veiller au développement concomitant des différents piliers composant le système d’innovation.
L’initiative de la Banque islamique de développement pour la création d’un fonds spécifique à l’innovation est à la fois encourageante, responsable et proactive. Des stratégies d’innovation exhaustives, réfléchies et cohérentes susceptibles de suivre l’évolution de l’économie mondiale et de hisser le niveau de vie des populations, sont vivement recommandées aux pays islamiques pour entrer de plain-pied dans la nouvelle ère digitale mais surtout se réconcilier avec l’histoire !

Alaya Becheikh

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