Fonds de la Zakat de Fethi Laayouni : voilà pourquoi ça pose problème

La polémique enfle encore au sujet de la création du fonds de la Zakat par la municipalité du Kram. L’initiative, rappelons-le, a été prise par le président du Conseil Municipal du Kram, Fathi Laayouni, qui avait assuré, dans une précédente déclaration à Réalités Online, que tout était en règle au niveau de la loi et que la transparence sera le mot d’ordre.
Toutefois, il faut rappeler que cette initiative présente de nombreuses zones d’ombres et met, surtout, en évidence la mauvaise interprétation du code des collectivités locales (CCL) et du principe de la décentralisation du pouvoir. Celui-ci est, en effet, garanti par la Constitution de 2014, mais en aucun cas, il n’octroie aux responsables régionaux le droit de bâtir un État dans l’État. Plus encore : le domaine religieux, selon l’article 6 de la Constitution, relève de la seule compétence de l’État. Autrement dit, il n’y a que l’État qui a le droit de gérer les mosquées, les fonds de la Zakat (s’il y en a) et, en somme, les affaires religieuses.
Il faut aussi rappeler que l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) avait rejeté, lors de l’examen de la loi de Finances 2020, la proposition de loi relative à la mise en place d’un fonds national pour la Zakat.
En d’autres termes, l’idée ayant été rejetée au niveau central, peut-on contourner la loi, à l’aide d’un autre texte de loi, en agissant sur le plan local, c’est à dire au niveau des communes? Et c’est là que réside toute l’ambiguïté des interprétations que l’on puisse faire du CCL. Le code des collectivités locales autorise, en effet, la création d’un fonds municipal dédié aux dons, mais pas d’un fonds de la Zakat à proprement parler.

Le gouvernorat de Tunis dépose un recours auprès du Tribunal Administratif
Le gouverneur de Tunis a mis du temps pour réagir et a fini par décider de déposer un recours auprès du Tribunal Administratif contre la décision de Fethi Laayouni qui, d’ailleurs, avant même la création de ce fonds, a ordonné la mise en place de pancartes indiquant « son emplacement » (Faut-il préciser qu’il hébergé au siège même de la municipalité ?!).
Revenons à nos moutons. Pour le gouverneur, la municipalité du Kram n’a pas respecté la décision du ministère des Affaires Locales et de l’Environnement qui a exprimé son refus de créer le fonds de la Zakat. Dans un communiqué, le gouvernorat de Tunis a rappelé que toute municipalité est tenue de respecter l’article 4 de la loi fondamentale du 9 mai 2018 relatif au CCL. « Toute initiative émanant d’une collectivité locale doit être prise dans le cadre du respect de la Constitution et de la loi, tout en respectant l’unité de l’État », peut-on y lire.
Le gouverneur de Tunis a justement rappelé l’article 6 de la Constitution qui stipule que l’État est le seul garant de la religion en Tunisie. Autrement dit, pas question pour les collectivités locales d’y intervenir.
Ensuite, le gouvernorat de Tunis rappelle que les finances des municipalités, conformément à la loi fondamentale du 9 mai 2019 relative au CCL, sont gérées selon les principes de la comptabilité nationale et par un comptable public désigné par le pouvoir central.
Autre article du CCL cité par le gouverneur, l’article 138 qui « stipule que la condition de l’ouverture d’un compte spécial consiste à ouvrir un compte auprès du Trésor public et auprès du même gestionnaire public de la collectivité pour collecter les dons qui devront être obligatoirement alloués au financement de projets d’intérêt public. Les dispositions de cet article concernent les dons faits pour réaliser des projets d’infrastructure tels que les jardins d’enfants, les terrains de sport, les bibliothèques ou les installations culturelles et n’incluent pas la zakat », précise-t-il.
La municipalité du Kram est normalement au fait de tout cela, d’autant que le gouverneur assure avoir envoyé une correspondance au président du Conseil Municipal du Kram à ce sujet. On n’arrive toujours pas à comprendre le pourquoi des agissements de Fethi Laayouni, lui qui est pourtant juriste. Les textes sont pourtant claires. Mais ce qui pose problème c’est leur interprétation et l’interprétation que l’on fait de la décentralisation du pouvoir.
Dans tous les cas, le Tribunal Administratif devrait trancher.

Sur le même sujet

Related posts

Un bus fonce dans un café à Kairouan : frayeur, chaos et plusieurs blessés à déplorer (Vidéo)

Coopération tuniso-chinoise : Chargement du premier lot de bus King Long à destination de la Tunisie

Transtu : Déraillement d’une rame du métro n°6