Alors que l’influence de la Fifa dans les affaires du football africain est notable depuis le départ de l’ancien président de la CAF, Issa Hayatou, l’élection à la présidence de la Confédération africaine de football, tenue en mars, a consacré le candidat sud-africain, Patrice Motsepe, propriétaire des Mamelodi Sundows. Ce dernier était opposé à trois candidats venus d’Afrique de l’Ouest : l’actuel président de la fédération sénégalaise de football, Augustin Senghor, le président de la fédération mauritanienne Ahmed Ould Yahya et l’ancien président de la fédération ivoirienne, Jacques Anouma. Seulement en raison d’un compromis, à travers le désormais fameux Protocole de Rabat, initié par le président de la Fifa, l’élection est devenue un véritable plébiscite en faveur du candidat Motsepe, malgré la résistance de Jacques Anouma. L’intérêt de cette intervention ? Compter sur les fédérations membres de la CAF en vue des prochaines élections de la Fifa, qui se tiendront en 2023, mais aussi détenir un soutien non négligeable à l’agenda de la fédération internationale.
*La Fifa très impliquée dans les affaires du foot africain
À ce titre, le projet de Super ligue africaine a été abordé à plusieurs reprises et serait à un stade avancé. Réunissant les vingt meilleurs clubs du continent autour d’un championnat, ce projet aurait pour but de générer plus de revenus, donner plus de visibilité aux clubs africains et sur le long terme de retenir les meilleurs joueurs sur le continent. La Fifa porte également le projet d’une Coupe du monde tous les deux ans, soutenu à l’unanimité par les associations membres de la Confédération africaine de football.
D’après le directeur technique de la Fifa, Steven Martens, les deux peuvent cohabiter : « Du point de vue du football, il y a beaucoup d’avantages à cela. Parce que cela rend les éliminatoires plus intéressantes. Vous pouvez conserver la CAN tous les deux ans. La Coupe du monde aura lieu tous les deux ans. Et il y aura ainsi une grande compétition chaque année pour les équipes nationales », a assuré le Belge. L’enjeu financier est de taille, car une Coupe du monde biennale impacterait directement la Coupe d’Afrique des nations, si celle-ci devait se tenir tous les deux ans. En effet, c’est à ce jour la seule compétition africaine rentable, et actuellement c’est plutôt le débat autour d’une CAN tous les quatre ans qui monte. Compte tenu du duel auquel se livrent la Fifa et l’UEFA, la CAF a la possibilité d’être un véritable arbitre. Raison pour laquelle, la Fifa souhaite avoir le continent africain de son côté. Reste à ce que la CAF puisse également y trouver son compte et défendre ses intérêts.
*Le Cameroun finalement prêt à accueillir la CAN
La question de la tenue ou non de la CAN 2021, déjà décalée à deux reprises, a animé les débats tout au long de l’année. Si l’attribution de la CAN, initialement devant se tenir en 2019, a été attribuée au Cameroun en 2014, avant d’être finalement organisée en Égypte, le pays des Lions indomptables a dû faire face à des difficultés à la suite de la modification du nombre de participants annoncé en juillet 2017, soit à moins de deux ans de l’événement. En effet, lors d’un symposium sur le football africain organisé alors à Rabat, la Confédération africaine de football, alors présidée par le Malgache Ahmad Ahmad, avait décidé de faire passer la compétition de 16 à 24 équipes. Ceci a logiquement eu pour conséquence de fausser les plans et le cahier des charges du pays organisateur, et contraint à un report de la tenue de la CAN au Cameroun jusqu’à 2021, en raison d’un besoin d’infrastructures supplémentaires à construire.
La tenue de la CAN, déplacée à janvier 2022 en raison du climat peu favorable en été, a été ensuite vivement contestée, en raison d’un supposé retard au niveau de la réalisation des infrastructures. Pourtant, le Championnat d’Afrique des nations s’étant déroulé en janvier 2020 constituait la meilleure répétition possible pour prouver la légitimité du Cameroun en tant qu’organisateur de la plus grande des fêtes du sport africain. Quatre des sept stades désignés étaient alors utilisés, et seul le stade Olembe, devant recevoir le match d’ouverture et la finale, était alors encore en cours de finalisation. Malgré une intense pression de l’ECA (association européenne des clubs), menaçant de ne pas mettre à disposition ses joueurs, mais également une volonté de la Fifa d’un report de la compétition, le comité exécutif de la CAF a en majorité voté contre l’instauration d’une nouvelle date. La CAN se déroulera bien du 9 janvier au 6 février 2022 comme convenu.
Un homme a été au centre du bras de fer pour un maintien ou un report de la compétition. C’est Samuel Eto’o, le tout nouveau président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) en crise depuis plusieurs années. L’ex-champion du Barça et de l’Inter Milan a soulevé un vent d’espoir dans son pays mais aussi sur tout le continent, en prenant des positions fortes. Au-delà de la tenue de la CAN, il est attendu sur des réformes concrètes notamment sur le football local et son championnat en particulier. Avec Samuel Eto’o, nul doute que la possibilité d’attirer des sponsors conséquents ainsi que des droits télévisés est plus grande que jamais, mais pour cela il doit relever le défi de la bonne maintenance des infrastructures. Avec des résultats probants au Cameroun, qui sait jusqu’où le nouveau président de la Fécafoot peut aller dans son ascension.
*Mondial 2022 : des éliminatoires endiablées, entachées par la crise sanitaire
La course à la qualification à la Coupe du monde aura animé le continent avec des éliminatoires qui ont tenu le public en haleine. Si des pays comme le Sénégal, le Maroc, le Mali, l’Égypte et la Tunisie n’ont pas connu de difficultés majeures durant ce premier tour, les oppositions entre le Cameroun et la Côte d’Ivoire, l’Algérie et le Burkina Faso mais aussi le Ghana et l’Afrique du Sud ont débouché sur des duels forts pour lesquels les Lions indomptables, les Fennecs et les Blacks Stars ont assuré leur place. À la surprise générale, la RDC a arraché sa place malgré une campagne mal embarquée et si la qualification pour le mondial 2018 a été manquée in extremis, il s’agit d’une nouvelle opportunité pour les Léopards de retourner à la Coupe du monde depuis l’équipe du Zaïre en 1974. Paradoxalement, la RDC est la seule équipe barragiste non qualifiée pour la Coupe d’Afrique et fera office de petit poucet lors de ce tour final des éliminatoires de la Coupe du monde. Le Nigeria, malgré un groupe des plus abordables, s’est qualifié en suscitant beaucoup d’inquiétudes, auxquelles l’entraîneur franco-allemand n’a pas résisté, limogé il y a quelques semaines après cinq ans à la tête des Super Eagles. À noter qu’il s’agira de la dernière édition à trente-deux équipes, avant un passage à une coupe du monde à quarante-six équipes, pour laquelle l’Afrique disposera de neuf à dix équipes.
*Sur le terrain Al-Ahly incontesté
Avec une 3e place à la Coupe du monde des Clubs, une seconde Ligue des champions africaine et tout dernièrement une Supercoupe de la CAF remportée aux tirs au but face au Raja Casablanca, le géant égyptien Al-Ahly entraîné par Pitso Mosimane confirme sa totale domination vis-à-vis du reste du football africain. L’entraîneur sud-africain continue d’écrire sa légende et devient à ce titre le premier entraîneur africain à remporter la Super Coupe d’Afrique à trois reprises, et le premier à la gagner deux fois de suite. La perte du championnat égyptien aux dépens de l’éternel rival Zamalek ne perturbe en rien l’hégémonie du Club africain du Siècle et leur dernier affrontement en championnat (victoire de Al-Ahly sur le score de 5-3 en novembre passé) le démontre assez bien. Le club du Caire compte bien remporter une historique troisième ligue des champions consécutive.
En ce qui concerne la Coupe du monde des clubs, la tâche sera plus difficile en raison d’un calendrier qui verra la compétition débuter en pleine CAN. Al-Ahly sera confronté au club mexicain de Monterrey, vainqueur de la Ligue des champions de la zone Concacaf le 5 février, soit la veille du match comptant pour la troisième place et finale de la CAN. Il ne pourra donc récupérer ses joueurs qu’en cas d’élimination de l’Égypte ou du Mali où devrait figurer l’excellent milieu Aliou Dieng, au mieux au stade des quarts de finale.
*La controverse du Ballon d’Or
Le sacre européen de Chelsea mettait en lumière l’impressionnante année réalisée par le gardien sénégalais Edouard Mendy, dont l’apport est visible à l’œil nu et quantifiable statistiquement. Toutefois, si sa deuxième place au classement Yachine, très difficilement accepté par de nombreux observateurs, peut à la limite être justifiée par l’Euro mémorable réalisé par le nouveau gardien du PSG, Gigi Donnarumma, son absence de la liste des 30 nominés au ballon d’or, peut être qualifiée d’injustifiable. Son cas suscite une fois de plus des interrogations sur la légitimité de ces récompenses individuelles bien que s’agissant d’un gardien de but. Le manque de considération pour son année 2021 est une déception pour le public africain, estimant devoir toujours faire plus pour être sur un pied d’égalité que les concurrents.
Une année 2022 tout aussi importante s’annonce avec un enchaînement entre la Coupe d’Afrique des nations puis les barrages de la Coupe du monde de janvier à mars. Les phases de groupe de la Ligue des champions et de la Coupe des confédérations commenceront dès le week-end suivant la finale de la CAN, et les compétitions se poursuivront jusqu’au mois de mai et la Coupe du monde 2022 se tiendra en novembre 2022. Entre-temps, les débats autour de la Super-ligue africaine et la tenue d’une Coupe du monde tous les deux ans s’intensifieront à l’aube des élections de la Fifa pour 2023 deux thèmes cruciaux pour l’avenir du football africain.
(Le Point)