Où êtes-vous, Monsieur le Président ?

Le début de la semaine a vu un vrai festival de visites d’hommes politiques au Palais de Carthage, puisqu’en un seul jour le Président de la République a reçu successivement Mohamed Hammi (Alliance démocratique), Ahmed Nejib Chebbi (Aljoumhouri) et le cheikh zitounien (il faut le préciser) Férid Béji. Ces visites font suite à toutes celles qui ont eu lieu les semaines précédentes et dont les plus illustres ont été celles de Rached Ghannouchi et de Béji Caïed Essebsi. Cela laisserait donc supposer que Moncef Marzouki s’intéresse à la situation politique du pays dont il a la charge. Alors pourquoi, comme le lui a suggéré lors de l’audience qui lui a été accordée le président fondateur de l’Association “Dar El Hadith”, ne fait-il pas entendre sa voix après tous ces contacts ? On nous répondra peut-être que cela ne fait pas partie de ses attributions, mais outre que ce ne serait pas la première fois qu’il en sortirait en bousculant l’étau dans lequel on l’a maintenu, il est bien connu que quand un bateau est en perdition c’est au capitaine de décider des mesures à prendre ! Il est vrai qu’en Une de La Presse du 12 septembre, le journaliste lui reprocha à la fois de préférer s’occuper (c’est moins risqué) de la création d’une Cour constitutionnelle internationale et de sa prose dans Al Jazerra — dont on connaît la sympathie pour notre Révolution —, plutôt que de s’immiscer dans le grand fatras qu’est devenue la situation politique dans son pays !

Il faudrait choisir… Il est vrai qu’on pourrait craindre qu’il ne soit pas tout à fait impartial si l’on en juge par les imprécations du porte-parole de son parti (le CPR), à savoir Imed Daïmi, qui réclame à cor et à cri l’étude immédiate de la loi d’immunisation de la Révolution (dirigée comme on le sait contre BCE et d’autres anciens destouriens) et qui s’oppose farouchement à la dissolution des LPR qui sont la meilleure assurance de la Réaction contre des élections qui risqueraient de faciliter cette alternance que les démocrates — et le peuple avec eux — appellent maintenant de tous leurs vœux. Alors, devant le mutisme du Président, les ténors de la politique tunisienne sont allés chercher un “Monsieur bons offices” chez nos voisins algériens, le Président Bouteflika, dont l’habileté politique n’est plus à démontrer. Nul doute que le plan sécuritaire a été évoqué étant donné son importance, tant pour la Tunisie que pour sa “grande sœur” (comme Lazhar Akremi porte-parole de Nidaa Tounes le disait). En tout cas, rien n’a transpiré de ces rencontres. Ajoutons que l’hôte du Palais de Carthage sera peut-être tenté par “le plan de sortie de crise” que le candidat à la présidentielle, Hechemi Hamdi, a toujours proposé (de Londres bien sûr, tant il n’est pas pressé de rentrer au pays) par le truchement du porte-parole de son parti, Al Mahabba. Quel sera l’augure qu’écoutera Moncef Marzouki ? Il faudrait se hâter !

 

Sécurité et justice : si le ciel sécuritaire et judiciaire s’est éclairé avec la libération si souvent différée de Sami Fehri, il s’est à nouveau assombri avec le mandat de dépôt contre Walid Zarrouk, le SG du syndicat des prisons, pour avoir critiqué le Ministère public en révélant au peuple de “fausses informations” et s’être livré à “des manipulations politiques”. Le “groupe des 25 avocats” va se charger de sa défense et un Comité de soutien a été créé (policiers et personnalités politiques). De son côté, Taïeb Akili, membre de l’Initiative nationale pour la recherche de la vérité sur l’assassinat de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi, a annoncé qu’il détient un document prouvant que le ministère de l’Intérieur était au courant depuis le 14 juillet 2013 (pour Mohamed Brahmi) et que l’intéressé n’a pas été informé des menaces d’attentat le visant. Lotfi Ben Jeddou a ouvert une enquête (en cours.)

De son côté le journaliste Zyed El Héni a été arrêté pour plusieurs affaires, mais remis en liberté jusqu’à ses procès, ainsi que le propriétaire de la chaîne TV Hiwar El Tounssi accusé d’appel à la désobéissance civile, arrêté et libéré le jour même en attendant, lui aussi, son procès. Comme l’écrit La Presse c’est un “vendredi noir” pour les journalistes.

Quant au ministère de l’Intérieur, il continue à faire la chasse aux journalistes : quatre opérations importantes se sont déroulées à Sidi Hassine Sejoumi au cours d’une chasse à l’homme (2 blessés et 2 arrestations) dans la Cité Ghazala de Raoued (une arrestation et de nombreuses armes), à la mosquée Ennour de Tunis (arrestation pour stockage d’armes) et à Sidi Ali Ben Aoun où la mosquée Errahma a été fouillée et où plusieurs arrestations ont été opérées.

 

L’arroseur arrosé : il y a quelques jours, à Zarzis, quatre personnes responsables du départ d’un jeune homme pour le djihad en Syrie, dont un médecin, ont été enlevées et séquestrées par les parents du futur djihadiste. Des proches des kidnappeurs salafistes sont venus de Ben Guerdane pour se venger, mais les forces de l’ordre ont réussi à les chasser (3 arrestations) selon une information publiée par un quotidien local. C’est une bonne leçon et qui devrait inspirer d’autres familles dont les garçons ou les filles ont été ainsi appelés au jihad, quel qu’il soit.

Dans le même ordre d’idées, on a reproché aux autorités de la surveillance des frontières d’avoir exigé une autorisation parentale pour un certain nombre de jeunes gens (moins de 35 ans) qui décident de se rendre à l’étranger. Il est certain qu’il y a là une atteinte à la liberté de voyager seul, mais cette mesure est à même de rassurer les parents qui voient leurs enfants aller se faire tuer à l’étranger (Syrie, Irak, Mali). Comment se sont-ils procuré des visas ?

 

Raouf Bahri    

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