Mise à la porte de la commission d’enquête sur les réseaux d’acheminement des jeunes aux foyers de tension, dont elle était présidente et l’une des fondatrices, Leila Chettaoui devient aujourd’hui une députée indépendante. Dans une déclaration à Réalités Online ce samedi 20 mai 2017, elle aborde l’invitation qu’elle a reçue de la part du bloc parlementaire Al-Horra de Machrou3 Tounes, mais également le travail de la commission d’enquête qu’elle a quittée, ainsi qu’une réunion tenue vendredi 19 mai par la Commission Tunisienne des Analyses financières (CTAF) au siège de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Plusieurs éléments ont été révélés, lors de la réunion, sur des financements suspects de certaines associations en Tunisie, œuvrant principalement dans le religieux selon la députée.
« Mohsen Marzouk porte le projet initial de Nidaa Tounes »
« J’y pense sérieusement », déclare Leila Chettaoui à propos de l’invitation du bloc parlementaire Al-Horra. Elle affirme que Mohsen Marzouk a su préserver le projet initial de Nidaa Tounes, et qu’il continue à le porter au sein de Machrou3 Tounes. « Al-Horra et Machrou3 Tounes représentent une alternative politique dans un paysage politique tunisien où l’on ne sait plus qui est qui. Nidaa Tounes, pour sa part, n’est plus le parti pour lequel nous avons voté en 2014, encore moins le projet que nous avons construit », explique-t-elle.
Leilla Chettaoui précise avoir reçu d’autres invitations de la part d’autres blocs parlementaires, mais elle s’est abstenue de les mentionner. « J’ai évoqué l’invitation d’Al-Horra car ce dernier bloc a abordé publiquement la question, et c’est justement une question à laquelle je vais réfléchir mûrement », déclare-t-elle, et de rappeler : « les alternatives sont nombreuses en Tunisie et elles sont incarnées par plusieurs personnalités, à l’instar de Saïd Aïdi. C’est quelqu’un qui entretenait des relations privilégiées avec la base et les jeunes de Nidaa Tounes. Il faut construire la politique autrement, aujourd’hui ».
« Le travail de la commission d’enquête n’aurait pas arrangé Ennahdha »
Vendredi 19 mai, quelques peu après l’annonce de son éjection de la tête de la commission d’enquête, Leila Chettaoui abordait sur Shems FM « la volonté de certaines parties de garder le silence sur des dossiers traités par ladite commission ». Interpellée sur ces déclarations, l’ex-nidaïsite commence par rappeler le processus ayant conduit à son éviction : allant du parti, passant par le bloc parlementaire, la commission de législation, celle de la sécurité et de la défense et finalement celle qu’elle présidait.
« Pourquoi ne pas m’avoir éloignée dès le départ ? Nous travaillons, au sein de la commission, avec rigueur et transparence, et c’est ce qui a dérangé », déclare Leila Chettaoui. « Vendredi 19 mai, peu de députés étaient présents à la réunion de la CTAF, hormis ceux d’Ennahdha qui étaient présents. C’est à ce moment que la correspondance portant sur mon départ de la commission a été envoyée à cette dernière. Noureddine Bhiri a donc fait son entrée dans la réunion de la CTAF pour parler avec les députés d’Ennahdha présents. Cinq minutes plus tard, ils ont tous quitté les lieux. En voyant cela, difficile de ne pas établir de lien entre la réception de la correspondance par la commission d’enquête et l’arrivée de Noureddine Bhiri à la réunion pour parler à ses pairs », raconte-t-elle encore.
« Peut-on dire qu’Ennadha est indirectement impliquée dans votre éviction ? ». Réagissant à cette question, Leila Chettaoui rappelle qu’Ennahdha a été à la tête de la Troïka. « À la création de la commission d’enquête, peu de personnes croyaient en sa réussite. Cependant, nous avons avancé, lentement, mais sûrement, et c’est cela qui a certainement dérangé », affirme-t-elle.
Des associations, impliquées dans l’acheminement des jeunes, reçoivent des fonds des pays du Golf
D’autre part, l’élue revient sur les détails de la réunion du vendredi de la CTAF. « Des rapports évoquent l’absence de contre-pouvoir face aux 18 000 associations se trouvant en Tunisie. Le flou est total sur leurs activités », indique-t-elle. Leila Chettaoui n’exclut pas l’implication de plusieurs associations dans l’acheminement des jeunes vers les foyers de tension.
« La CTAF a travaillé sur 200 dossiers et les premières conclusions sont édifiantes : l’ensemble des associations sont actives dans le domaine religieux », explique-t-elle. Plus encore : selon la députée, ces associations reçoivent leurs fonds de l’étranger, notamment de la part des pays du Golf et du Moyen-Orient. « Le Qatar est en pôle position », assure-t-elle. « Comment expliquer qu’une association, fraîchement créée, puisse recevoir un soutien financier allant jusqu’à 3 millions de dinars ? Se poser des questions sur les activités menées devient donc légitime », souligne Leila Chettaoui, qui conclut en insistant que la commission d’enquête doit continuer à travailler sur ces points.