Fragments d’une Tunisie contemporaine au Mucem: l’art au service de l’Histoire

Le vernissage du deuxième volet de l’exposition muséale temporaire intitulée « Traces … Fragments d’une Tunisie contemporaine » a eu lieu mardi 3 novembre 2015 au bâtiment Georges-Henri Rivière au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) à Marseille.
Cette exposition, qui met en lumière la richesse de la création contemporaine en Tunisie, et où, des œuvres d’art (Photographie, vidéo et art numérique) de plusieurs artistes tunisiens sont à l’honneur, se poursuivra jusqu’au 29 février 2016.

Pour Mme Sana Tamzini, commissaire d’expositions et présidente du Forum des associations culturelles en Tunisie, cette exposition cherche à préserver des pratiques, des lieux et des événements importants qui ont marqué un jour la mémoire collective des tunisiens et qui, pourtant,risquent de tomber dans l’oubli.

« Fragments d’une Tunisie contemporaine » est le fruit d’une pensée, que j’ai partagée avec Thierry Fabre, responsable du département de la programmation culturelle et des relations internationales au MuCEM. Le thème de cette exposition « Traces » a été choisi car la Tunisie -en dépit des efforts de plusieurs générations-souffre d’un problème d’effacement et de disparition.  Et c’est, à travers cette exposition élaborée par plusieurs regards de création tunisienne contemporaine, qu’on cherche à mettre en avant ces mémoires collectives, en voie de disparition. » a affirmé Sana Tamzini à Réalités Online.
La présidente du Forum des associations culturelles en Tunisie a tenu à souligner que le deuxième volet de Fragments d’une Tunisie contemporaine se distingue, notamment, par l’exposition de 4 œuvres du grand photographe tunisien Abdelhak Ouertani, que nous avons pu emprunter à la collection privée Al Bannani. Ces photographies, réalisées en 1894, dans une Tunisie colonisée,  « font tout simplement apparaître  ce qui aurait, tout à fait pu disparaître ».

Les temps Modernes

Faten gaddes, série «Les temps modernes», 2009 © Faten Gaddes

L’artiste photographe et architecte, Faten Gaddès, qui prend part à cet événement par la mise en exposition d’une série de photos datant de 2009, a affirmé à Réalités Online qu’elle cherche à sauvegarder une partie de l’histoire de la Tunisie postmoderne et à protéger les traces que nos ancêtres ont laissées, à travers l’intérêt qu’elle porte aux lieux et aux bâtiments laissés à l’abandon.
« J’ai pris, dans l’urgence, des images du bâtiment de la STEG à la Goulette, quelques semaines avant sa destruction totale par les autorités sous le régime de Ben Ali. Ce bâtiment, assez imposant par son architecture mussolinienne, et qui date de plus d’un siècle, aurait pu être préservé en tant que monument historique, ou musée d’art moderne. » a-t-elle indiqué.
Faten Gaddes estime que les photos qu’elle a prises représentent un témoignage sur ce bâtiment historique, qui a été totalement démoli alors qu’il ne dérangeait personne. « Ce qui choque le plus, c’est que rien n’a été reconstruit sur ce terrain. Cela rappelle l’organisation terroriste l’Etat Islamique, qui détruit des monuments archéologiques  datant de dizaines de siècles. Le terrorisme était présent en Tunisie, mais sous d’autres formes. » a-t-elle regretté.

Le dernier Arifa, Petite histoire du monde invisible

Augustin le Gall, Sans titre, série «Le dernier Arifa. Petite histoire du monde invisible. 2013» © Augustin Le Gall

Augustin Le Gall, Photographe français, installé depuis cinq ans en Tunisie, cherche quant à lui- à travers la mise en exposition d’une série rare de portraits du ‘Arifa’, Riadh Ezzawech, initié du culte Stambali, culte de possession musico-thérapeutique implanté en Tunisie par d’anciens esclaves et migrants venus d’Afrique subsaharienne- à faire découvrir aux observateurs, ce monde mystérieux en voie de disparition.
« Je voulais, à travers cette exposition, faire revivre les traces de ces traditions, qui disparaissent petit à petit, en l’absence de transmission entre les différentes générations. En effet, peu d’importance était accordé à cet ancien rituel, comparé à d’autres rituels issus de la bourgeoisie tels que Sidi Bousaid ou Saida Al Manoubia » a expliqué Augustin Le Gall à Réalités Online .

Fragment d’une révolution

Wassim Ghozlani, série «Fragments d’une révolution», 2011. Collection de l’artiste © Wassim Ghozlani/Hans Lucas

La série «Fragments d’une révolution», réalisée entre janvier et février 2011, découle de ma forte envie de sauvegarder des moments aussi importants de la mémoire tunisienne que ceux de la révolution. J’ai réagi, dans l’urgence, afin de sauvegarder une trace des manifestations et des grands sit-in qui ont suivi la révolution, tels que le sit-in Kasbah 1 et Kasbah 2. J’ai pris les slogans et les vœux du peuple tunisien qui ont été tagués à ce moment là sur les murs de la présidence du gouvernement et sur les murs des institutions à proximité. Ces murs qui ont été, malheureusement, repeints quelques jours après l’achèvement des événements protestataires. On aurait du préserver ces murs tagués qui représentent un symbole important de l’histoire de la Tunisie post révolutionnaire. » a affirmé le photographe Wassim Ghozlani à Réalités Online. Et d’ajouter : « C’est dans le cadre de l’exposition Fragments d’une Tunisie Contemporaine que j’expose pour la première fois ces images. C’est un choix personnel, car je ne voulais pas surfer sur la vague de la révolution pour me mettre en avant ».

« Perles de Famille », l’œuvre du couple d’artistes Wadii Mhiri et Houda Ghorbel

Houda Ghorbel & Wadi Mhiri, Perles de famille, capture de la vidéo. Vidéo de 8’38 », 2014. © Houda Ghorbel & Wadi Mhir

En exposant une vidéo intitulée « Les perles de Famille », le couple d’artistes Houda Ghorbel et Wadi Mhiri cherche à ressusciter les souvenirs à travers les photos familiales. Commençant par une naissance et finissant par la mort. Les images sont recouvertes de semoule. Elles paraissent chaque fois qu’ on caresse les perles de ‘mhamsa’. Une mise en scène de la préparation de la ‘mhamsa’ qui rappelle les mouvements de la ‘oula’, un événement annuel traditionnel qui se faisait dans les vieilles maisons et qui risque de disparaître un jour.
« En tant que cousins, Houda et Moi, on a vécu plein de souvenirs ensemble. On a donc choisi de mixer les photos de familles avec les traditions et les rituels qui sont en voie de disparition ». a affirmé Wadi Mhiri à Réalités Online.

On conseille vivement la visite de ce deuxième volet de « Traces… Fragments d’une Tunisie contemporaine ».

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