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Selon plusieurs membres du Conseil scientifique, la trop faible immunité collective et le relâchement des gestes barrière en France rendent possible une deuxième vague du virus.
Le scénario d’un rebond de l’épidémie de coronavirus s’installe chez les spécialistes. Et notamment ceux du Conseil scientifique. « On a de très grandes inquiétudes », déclare notamment Jean-François Delfraissy dans un entretien à l’AFP et au Monde publié ce jeudi. « Ce n’est pas une certitude et j’espère qu’on va se tromper, mais beaucoup d’éléments font penser qu’il pourrait y avoir un retour du virus sur l’Europe pour la fin octobre ou le mois de novembre ».
*Une immunité collective trop faible
Parmi les explications avancées, la trop faible immunité collective. « Les vagues épidémiques s’arrêtent lors d’une immunisation collective. Or le taux d’immunisation ne dépasse que 12 à 13% au maximum en France et en Europe. En plus le virus circule de manière planétaire, donc on doit s’attendre à une possible reprise épidémique à la période de l’automne », a ainsi estimé le le Pr Bruno Lina lors d’un point du Conseil scientifique avec la presse.
Le virologue au CHU de Lyon s’appuie sur les épidémies passées pour établir cette prévision. « Les deuxièmes vagues des autres épidémies arrivent souvent au milieu de l’automne, en octobre-novembre. Il ne serait pas raisonnable de ne pas s’y attendre. »
« Dans une note publiée en juin, les experts du Conseil scientifique avaient déjà expliqué que les dernières données collectées montrent une immunité collective « très insuffisante pour empêcher la survenue d’une deuxième vague épidémique ».
*Brassage de population pendant les vacances
Outre la faible immunité collective, d’autres éléments laissent craindre un rebond de l’épidémie. Le pic de la pandémie n’a d’ailleurs pas encore été atteint dans plusieurs zones de la planète. « On est extrêmement frappé par ce qui se passe dans l’hémisphère Sud en ce moment, qui est en hiver austral : l’épidémie est en train de flamber, en Amérique du Sud, en Afrique du Sud, en Australie, qui vient de confiner Melbourne alors que ce pays était jusqu’à maintenant extrêmement protégé », appuie le président du Conseil scientifique.
Le brassage de la population lors des vacances peut aussi participer à ce regain. « Plusieurs avions sont arrivés la semaine dernière, soit à Lyon soit à Roissy, avec un certain nombre de personnes qui se sont avérées être positives, en provenance d’Algérie. Je ne fais aucun ostracisme sur l’Algérie, ça pourrait survenir avec d’autres pays », note le professeur Delfraissy.
« Les conditions sanitaires de transport par les compagnies aériennes étaient loin d’être optimales, et il y avait donc un mécanisme de contamination possible à l’intérieur du transport aérien. De plus, il n’y avait pas de consignes particulières pour ces vols, puisque l’Algérie était considérée comme zone verte par la Commission européenne », poursuit-il, précisant qu’au-delà de l’Algérie, le problème se pose « pour d’autres pays ».
*Le respect des gestes barrières en baisse
Santé Publique France notait aussi la semaine dernière que « l’adoption systématique des mesures de prévention, comme saluer sans se serrer la main et arrêter les embrassades et garder une distance d’au moins un mètre, continue de diminuer » avec environ 15 points de perdus depuis la levée du confinement.
« Il y a une perte quasi-complète des mesures de distanciation, en particulier chez la population jeune (…) Si nos concitoyens continuent à s’écarter de ces mesures, le risque d’une reprise, un peu différente, avant la fin de l’été reste toujours possible », estime Jean-François Delfraissy. « On sait que les endroits où il y a des foules, où les gens se touchent, les lieux fermés, sont particulièrement à risque, donc le port du masque et la distanciation sont un élément essentiel. »
*Pas « de circulation massive et silencieuse » du virus
Les spécialistes ne s’attendent pas en revanche à une épidémie aussi grave qu’en mars-avril, en raison des « outils pour mieux lutter contre le virus ». Parmi ces outils : les tests PCR. « En début confinement, nous avions une capacité réduite, entre 3000 et 4000 tests par jour. Aujourd’hui, c’est 10 fois plus, voire 20 fois plus, au point où nous nous trouvons presque en surcapacité de tests », estime ainsi Bruno Lina. En ce moment, le virus reste maîtrisé. « On ne trouve pas pour l’instant de circulation massive et silencieuse dans la population, ajoute Bruno Lina. Quand on intervient sur des clusters, on voit qu’ils arrivent à être maîtrisés. »
Invité mercredi sur BFMTV, le Premier ministre français Jean Castex a affirmé qu’un « plan de reconfinement ciblé » était « prêt » en cas de deuxième vague de coronavirus à l’automne. « Un reconfinement absolu, comme ce qu’on a connu en mars dernier, aurait des conséquences terribles pour le pays. Nous allons cibler. Et c’est le rôle de l’Etat, d’anticiper », a-t-il assuré.
(L’Express)