Gaza, le jour d’après

Il ne s’agit pas du film de Roland Emmerich, « The day after » dont la sortie mondiale a eu lieu le 26 mai 2004. On parle ici du jour d’après l’accord de cessez-le-feu à Gaza. La démonstration de force des combattants d’El Kassem a surpris tout le monde et surtout l’Etat sioniste. Oublié lors de la livraison des otages israéliennes, le spectacle désolant, voire apocalyptique, laissé par Israël.
Grande surprise dans les pays arabo-musulmans. Choc en Israël. Les combattants d’El Kassem, intacts, avec toute leur force, leur charisme et leur popularité, refont surface en ce premier jour de cessez-le-feu à Gaza, le 19 janvier 2025, en uniformes de combat et armes à la main, 471 jours après la guerre innommable menée par l’Etat sioniste d’extrême droite, soutenu par la plupart des puissances économiques et militaires occidentales contre la petite enclave de 365 km2 abritant plus de deux millions d’âmes.
Les trois premières otages israéliennes sont remises par les combattants du Hamas aux mains du personnel de la Croix-Rouge en « bon » état, comme l’a constaté, dès les premiers instants, l’institution humanitaire internationale. Le retour des déplacés à leurs maisons en ruine a commencé dès les premières heures du cessez-le-feu, déterminés à s’accrocher à leurs terres et à y rester au risque de leur propre vie. D’ailleurs, des tirs des soldats israéliens ont ciblé des Gazaouis qui tentaient de retourner au Sud, à Rafah précisément, en plus des tirs qui ont visé les proches des détenus palestiniens, devant être libérés ce 19 janvier, venus se rassembler près de la prison militaire israélienne d’Ofer à Ramallah.
Gaza a démontré une capacité de résurrection spectaculaire. Dès le premier jour du cessez-le-feu, les agents des forces de l’ordre en uniformes ont investi le terrain et œuvré pour le maintien de l’ordre public. Une initiative qui paraissait impossible en raison des 15 mois de guerre et des incalculables dégâts humains, d’infrastructures et matériels qui en ont résulté, sachant qu’un nombre important de combattants du Hamas et certains de ses chefs, les maîtres des lieux, ont péri lors de ce conflit asymétrique entre Hamas et l’armée israélienne. Les premiers camions de livraison des aides sont également entrés à Gaza en file indienne, plus de 600 le premier jour, l’opération s’est poursuivie sans le bruit des avions de l’armée israélienne, des bombes larguées et des drones de surveillance.
Tôt le matin, les premiers souks de fortune se sont installés à proximité des décombres, accueillant femmes, hommes et enfants impatients de retrouver l’effervescence d’une vie normale, sans peur, sans persécution.
Mais une question demeure sur toutes les lèvres : de quoi sera fait l’avenir, proche et lointain, de Gaza détruite à 70 % par les bombes et les bulldozers ? La reconstruction de l’enclave est un défi majeur auquel les Palestiniens, déterminés à ne pas quitter leurs terres, ne pourront pas s’atteler sans une solidarité mondiale à large échelle et de plusieurs années. Pour le moment, la reconstruction est citée dans l’accord de cessez-le-feu dans sa troisième et dernière phase sans date ni délai. Pourtant, la situation urge. Les Gazaouis n’ont pas fini de souffrir de l’errance et de la dépossession des moindres attributs d’une vie digne.
Un autre grand défi attend Gaza, encore plus complexe que le précédent, et dont dépend la paix ou la guerre dans l’enclave : sa gouvernance. Qui gouvernera à Gaza et comment ? Les images parvenues de l’enclave ce 19 janvier 2025 ne laissent aucun doute sur le pouvoir de Hamas et de sa mainmise sur l’enclave. La popularité dont jouit le mouvement islamiste, filmée par toutes les caméras présentes au cœur de Gaza lors de la remise des premiers otages à la CRI, ne ferait aucun doute sur les résultats d’élections présidentielles ou législatives si elles étaient organisées, après 471 jours de guerre génocidaire. Mais l’entité sioniste refuse que Hamas garde le pouvoir à Gaza, ses alliés occidentaux et arabes de la région aussi. Par ailleurs, la situation politique dans les territoires occupés est autrement plus compliquée, partagée entre deux régimes politiques : l’Autorité palestinienne dirigée par Fatah en Cisjordanie et Hamas à Gaza, revendiquant chacun la représentation des Palestiniens et de leur cause. Des tentatives de réconciliation des deux parties ont été menées par le passé à travers l’Accord de Doha en 2008 et l’Accord du Caire en 2011 et même un accord en vue de former un gouvernement d’union nationale a pu être discuté en 2014, mais il n’y eut rien de concret. Aujourd’hui, la réconciliation intra-palestinienne et un gouvernement d’union nationale sont on ne peut plus à l’ordre du jour si les Palestiniens veulent reprendre leur destinée en main et contrecarrer l’appétit expansionniste de l’entité sioniste. La conjoncture est d’autant plus propice que le président américain Donald Trump a réitéré dans son discours d’investiture prononcé le 20 janvier 2025, sa promesse de stopper toutes les guerres et de vouloir léguer un monde en paix et sans guerres. Les Palestiniens doivent être les premiers architectes du Plan de paix qui leur convient, il sera plus facile alors à leurs alliés de les défendre dans les instances internationales et onusiennes.
Le déluge d’Al-Aqsa du 7 octobre 2023 a redirigé tous les projecteurs sur la cause palestinienne et fait échouer toutes les tentatives d’enterrement des droits des Palestiniens à un Etat indépendant. En ces temps où la réputation d’Israël est au plus bas à cause des crimes de guerre commis à Gaza et où les Palestiniens, qui ont fait preuve d’une résistance légendaire, bénéficient d’un capital mondial d’empathie, l’occasion est précieuse pour les gens du Fatah et ceux du Hamas de tourner la page des différends et de bâtir ensemble les assises politiques d’un futur Etat palestinien indépendant que la grande majorité de la communauté internationale soutient déjà.
Les Palestiniens sont condamnés à s’entendre, d’autant que l’entité sioniste n’a pas l’intention de lâcher le morceau. L’armée israélienne a déjà annoncé qu’elle se préparait à lancer des opérations d’envergure en Cisjordanie occupée où elle a l’intention de préparer les terrains pour la construction de milliers de nouvelles colonies. Les Palestiniens sont de grands résistants, ils savent gagner des guerres impossibles, mais cela ne suffira pas, il faudra qu’ils réussissent aussi à dépasser leurs rivalités et à investir la politique dans la perspective de bâtir un Etat démocratique capable d’instaurer en leur sein une paix durable.
Pour l’heure, le jour d’après, même s’il est encore tôt pour en parler, n’a pas été celui attendu par Israël et ses amis.
La volonté et la capacité de résistance des Palestiniens ont été plus fortes que la puissance destructrice d’Israël soutenue par les États-Unis.

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