L’Association Voix de Femmes a présenté ce jeudi 7 mars 2024 une étude évaluant les performances du Ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes Âgées pour l’année 2023, en utilisant l’indicateur de genre « Gender Meter ».
Cette étude s’inscrit dans le cadre de l’engagement continu du département de plaidoyer de l’association à surveiller et évaluer l’intégration de l’approche genre par les gouvernements et les ministères successifs, tout en analysant le degré d’alignement des politiques publiques sur les besoins sociaux et économiques des femmes ainsi que des groupes vulnérables.
Précédemment, l’Association Voix de Femmes avait présenté une étude portant sur l’intégration de l’approche genre dans les textes législatifs tunisiens relatifs à la sécurité, adoptés entre 2019 et 2020, évaluant ainsi la performance du gouvernement d’Elyes Fakhfakh dans ce domaine.
En outre, l’association avait publié une étude sur l’activité politique, la stratégie de communication et les initiatives législatives de l’ancien chef du gouvernement Hichem Mechichi, ainsi qu’une autre étude évaluant la performance de la présidence de la République et de l’ancienne cheffe du gouvernement Najla Bouden dans ce domaine, suite aux mesures exceptionnelles adoptées le 25 juillet 2021.
Dans le cadre du « Gender Meter », la performance du Ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes Âgées pour l’année 2023 a été évaluée en compilant des données provenant de plusieurs sources, y compris des statistiques officielles, les activités du ministère pendant l’année 2023, les études publiées sur son site officiel et ses pages sur les réseaux sociaux, ainsi que les décisions et ordonnances publiées au Journal Officiel. Ces données ont été analysées de manière objective, et des recommandations ont été formulées pour renforcer la performance du ministère dans ses domaines d’intervention.
L’étude a abordé quatre axes principaux : l’activité « administrative » du ministère de la Femme, de l’Enfance et des Personnes Âgées pour l’année 2023, sa stratégie de communication la même année, sa vision de l’autonomisation économique des femmes et la stratégie du ministère en matière de lutte contre la violence faite aux femmes.
En ce qui concerne l’aspect administratif, la ministre des Femmes a émis 87 décisions en 2023, la plupart étant liées aux nominations et aux promotions à hauteur de 86,2 %, tandis que certaines concernaient les questions organisationnelles et structurelles du ministère. Les décisions administratives étaient très rares, représentant seulement 1,14 %.
Quant à la stratégie de communication du ministère, elle s’est limitée à une présentation des intentions sans fournir de résultats ou d’éléments concrets découlant des plans de développement publics, ni une évaluation scientifique.
Le troisième volet de l’étude a examiné la vision du ministère concernant l’autonomisation économique des femmes, qui a montré une multiplicité des programmes sans résultats tangibles, voire des échecs face à l’augmentation du chômage des femmes. En effet, ce dernier a atteint 21,1 % par rapport à celui des hommes (13,2 %). De plus, ces programmes ne répondent pas à la définition de l’autonomisation, car ils limitent les femmes à des prêts contraignants et les obligent à traiter avec des parties spécifiques en plus des procédures administratives complexes.
Enfin, le dernier volet a abordé les crimes de violence contre les femmes, avec un nombre de meurtres atteignant un niveau alarmant de 25 crimes signalés par « Voix de Femmes » en 2023. Cela soulève plusieurs questions sur le rôle du ministère dans ce domaine, en particulier en l’absence d’une stratégie efficace pour lutter contre ces crimes, ainsi qu’en raison de la rareté des décisions prises pour y faire face et de l’absence quasi totale du rôle confié à l’observatoire national de lutte contre la violence faite aux femmes.
L’étude a conclu au manque de coordination du ministère avec les différentes parties prenantes impliquées dans la mise en œuvre de la loi fondamentale n°58 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Elle a également noté que les programmes d’autonomisation économique manquaient d’indicateurs scientifiques pour évaluer leur efficacité, ou de chiffres et de pourcentages prouvant leur réalisation d’objectifs, ce qui les rend des programmes flous qui ne répondent pas aux besoins réels des femmes. Cette situation souligne que leur conception et leur exécution se font sans la participation des femmes et sont déconnectées de leurs besoins réels, ce qui rend la performance du ministère en deçà de ce qui est attendu alors que les meurtres de femmes en Tunisie continuent, ainsi que leur famine et leur appauvrissement.