Que font toutes les structures sanitaires des déchets hautement dangereux qu’elles produisent ? Pour éviter les dérives, un manuel cadre de procédures pour la gestion des déchets dangereux d’activités sanitaires a été créé par l’Agence nationale de gestion des déchets (ANGED) et présenté au public concerné et aux médias, lors d’un colloque organisé au cours du mois de juin.
En matière de gestion des déchets produits par les activités de soins, la Tunisie est dans une zone dangereuse. Selon les responsables, personne n’applique rigoureusement les normes en vigueur. La vérité, c’est que ces normes n’étaient pas clairement établies alors que la contamination est une réalité. Avec ce guide, la lacune est maintenant comblée.
16.000 tonnes de déchets des activités sanitaires
Chaque année en Tunisie, 16.000 tonnes de déchets sont générées par les activités sanitaires, dont 40% sont à haut risque pour la santé et l’environnement. On retrouve même des déchets à période radioactive supérieure à 100 jours ! C’est dire l’urgence à régler ce problème dans les meilleurs délais.
L’ANGED définit les déchets des activités sanitaires comme toute matière produite par une opération de transformation, ou tout usage de substances ou de produits dans les établissements de santé et, d’une manière générale, tout objet transporté à jeter ou destiné au rejet. Ces déchets sont issus des activités de diagnostic ou de suivi, des activités préventives, curatives ou soulageantes dans le domaine de la médecine humaine. Les déchets issus des activités de conservation des dépouilles, de recherche, d’enseignement et de production industrielle dans le domaine de la santé sont également considérés des activités de santé.
Les déchets dangereux de santé comprennent les déchets biologiques et les déchets chimiques y compris les déchets pharmaceutiques, ainsi que les déchets inflammables ou explosifs, les déchets piquants (seringues…) ou coupants, en putréfaction et les déchets radioactifs.
La gestion de déchets : un grand chantier à ouvrir
Comme jusqu’à présent il n’existait pas de véritable programme de gestion de ces déchets, chaque établissement de santé «se débrouillait » à sa façon, en les incinérant pour certains. Or ce n’est pas la meilleure solution, car il y a une émanation de produits toxiques fortement cancérigène. D’autres encore les «enterrent», mais ils refont surface au bout de quelques jours. Résultat, ces déchets peuvent se retrouver un peu partout dans la nature, finissent au meilleur des cas dans les décharges, mélangés aux déchets ménagers. La contamination menace tout le monde, aussi bien le personnel des établissements de soins, que les patients, les visiteurs, les ouvriers opérant dans la collecte et le transport de ces déchets et tous les chiffonniers qui font les poubelles.
Les déchets des soins sanitaires sont également de très grands fournisseurs en germes les plus virulents, dont les staphylocoques, les streptocoques, le VIH, les virus des hépatites B et C, les salmonella, shigella, etc. Une enquête réalisée entre 2003 et 2005 à Sfax par l’Association de protection de l’environnement de Sfax, a révélé la présence de l’hépatite B chez 60% des ouvriers municipaux opérant dans la collecte des déchets !
La liste des déchets hospitaliers dangereux est très longue. Un texte officiel datant de 2008 classe rigoureusement tous ces types de déchets. Il y a les biologiques, les chimiques, les radioactifs à moins de 100 jours, à plus de 100 jours, les inflammables pouvant exploser à tout instant, les infectieux, les piquants ou coupants, etc.
De grands dangers pour l’environnement
De l’avis même de la Direction de l’hygiène du milieu et de la protection de l’environnement (DHMPE) le tri sélectif des déchets hospitaliers n’est pas strictement respecté jusqu’à présent dans les établissements hospitaliers, malgré les risques pour l’environnement. Une autre enquête réalisée en 2007 a conclu aux mêmes résultats, elle a montré les lacunes du système tunisien de gestion des déchets d’activités sanitaires. Les conteneurs primaires et secondaires utilisés pour les déchets ne sont pas harmonisés (sacs de différentes couleurs, poubelles plastiques ou contenants en carton ou bacs tractables). Bien que l’intervention de sociétés privées pour la collecte et l’enlèvement interne des déchets soit fréquente, ces sociétés souffrent d’une insuffisance dans la formation de leurs agents. Les zones de regroupement (réduit à poubelles) ne sont pas toujours conformes (construction, usage) avec parfois des sacs de déchets entreposés à même le sol, avec la présence d’autres déchets (ferraille, gravats). Il n’y a pratiquement jamais d’espace spécifiquement dédié aux déchets dangereux dans ces zones. Des ascenseurs non fonctionnels peuvent perturber les opérations d’évacuation des déchets, notamment dans les hôpitaux à structure en monobloc. L’entretien des conditionnements et des matériels de transport des déchets est souvent mal réalisé (produits, protocole). Le danger pour l’environnement et pour la santé est patent et la contamination des sols, particulièrement des ressources en eau, est à craindre. Pourtant nous savons que depuis 2008 a été promulgué le Décret n° 2008-2745 du 28 juillet 2008, fixant les conditions et modalités de gestion des déchets des activités sanitaires de manière à assurer leur traitement et leur élimination sans porter atteinte à la santé publique et à l’environnement. Ce décret précise que les établissements de soins sont tenus d’assurer eux-mêmes le traitement et l’élimination des déchets provenant de leurs activités et qu’ils doivent être dotés d’équipements permettant le traitement et l’élimination de ces déchets selon les normes en vigueur sur le plan national et international, ou conclure des conventions écrites avec des entreprises de services. Mais pour que les dispositions de ce décret soient respectées, il était question d’établir des manuels de procédures relatifs à la gestion des déchets résultants des activités sanitaires, ces guides sont maintenant disponibles. Ils proposent des fiches pratiques «mode opératoire» et fiches «procédures» très détaillées pour chaque type de déchet des activités de soins.
Sur le marché mondial est proposée une multitude d’équipements, à la pointe de la technologie, qui peuvent nous débarrasser une fois pour toutes de cette menace sur la santé et l’environnement. Ces machines sont capables de broyer et de stériliser plus de 75% des déchets d’activités sanitaires. En un temps record, les déchets infectés au départ sont désinfectés à la sortie de la machine. Il faut juste y mettre le prix.
Samira Rekik