Gestion des finances publiques : La vision implicite de l’Exécutif

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L’état des finances publiques peine toujours à se stabiliser. Les maux socioéconomiques qui continuent à frapper de plein fouet le pays depuis la révolution se sont soldés par des déséquilibres flagrants en termes de déficit et dette publics. Le besoin de redresser la barre semble poussif face aux nouvelles pressions sur les finances publiques.  

Par Bechir Ben Mohamed

 Lors de la dernière entrevue avec la ministre des Finances, le prédisent de la République a clamé l’impératif de la justice fiscale, le renforcement des dépenses imprévues et le soutien des banques aux services publics.
Ces consignes, qui s’inscrivent dans le paradigme du « compter-sur-soi », témoignent à la fois d’une gestion « pragmatique » des difficultés économiques à l’œuvre, mais font, en même temps, montre d’une orientation fort risquée vers un financement de l’Etat aux dépens de l’économie.

 Du besoin de l’activisme budgétaire en phase de récession
Les politiques budgétaires sont au cœur des réponses économiques face à la crise. Elles permettent de stimuler la croissance par un ensemble d’incitations favorables au maintien de l’activité du secteur privé.
La reprise de l’activité économique en Tunisie exige le maintien d’une expansion budgétaire en dépit des contraintes de marges. L’enjeu réside dans la recherche de financements appropriés à moindre charge aux fins de soutenabilité de la dette publique. L’activisme budgétaire pour répondre à une récession s’érige en loi économique.

Premièrement, la réforme fiscale s’impose au double plan conjoncturel et structurel. Elle vise à améliorer la neutralité du système fiscal, renforcer les ressources propres de l’Etat, réduire la pression fiscale, promouvoir la justice fiscale et lutter contre la fraude fiscale. L’imposition conjoncturelle de certains secteurs en bonne santé financière a permis de soutenir l’effort interventionniste de l’Etat dans une conjoncture molle.

Deuxièmement, les dépenses imprévues et non réparties ont contribué au lissage des dépenses publiques face aux aléas de la conjoncture. L’évolution de cette catégorie de dépenses atteste du pragmatisme de la politique budgétaire dans la gestion de l’économie.

Troisièmement, le secteur bancaire a beaucoup contribué au financement du budget de l’Etat et au maintien des interventions publiques à un certain niveau « contracyclique », ce qui a fait éviter une dépression économique certaine. Le concours des banques a pu également rationaliser le recours à la dette extérieure et assurer la soutenabilité de la dette publique.
Aussi bien le financement bancaire que la mobilisation de ressources fiscales additionnelles, et la gestion prudentielle du budget, ont relativement favorisé un certain activisme budgétaire favorable à l’activité dans un contexte d’atonie manifeste de l’investissement privé.
Ces facteurs semblent se renforcer davantage sur fond d’une logique interventionniste et protectrice plus prononcée. Cependant, les effets attendus pourraient être contre-productifs, si les choses étaient poussées à l’extrême.

 Des risques d’interventionnisme « excessif »
Si l’amplification de l’intervention de l’Etat est fortement indiquée dans les phases basses de l’activité, le contrôle des équilibres budgétaire et économiques sous-jacents s’avère nécessaire après avoir franchi certains seuils de tolérance.
La vision du pouvoir exécutif, consistant à incarner la justice fiscale, renforcer la « flexibilisation » de la gestion des dépenses publiques et « forcer » le soutien bancaire aux services publics, est porteuse de certains risques qu’il importe de suivre et d’évaluer.
Tout d’abord, la recherche de la justice fiscale,    malgré sa légitimité, ne doit pas désinciter à l’activité en cas de surtaxation des « nantis » sous prétexte de « pillage » et de manipulation fiscale aux dépens des démunis. D’ailleurs, le relèvement du taux marginal supérieur de la taxe sur le revenu des personnes physiques et sur les sociétés a suscité des réactions vivement négatives en termes d’effets vraisemblablement préjudiciables à l’investissement privé et à l’activité économique en général. A vouloir plomber à tout-va le revenu des soi-disant riches, on risque de décourager le capital et contraindre la dynamique productive dans son ensemble.
Ensuite, la programmation des dépenses imprévues et non réparties, si elle est exigible dans certains contextes, le recours à cette catégorie d’interventions publiques ne doit pas être « exagéré » pour éviter les situations d’aléas moral. Les méfaits éventuels d’une telle pratique ont trait à la perte de transparence budgétaire à défaut d’affectation des charges, à une mauvaise prévision budgétaire, mais aussi et surtout à la « manipulation » politique des deniers publics. User de certains postes budgétaires pour inscrire certains projets non programmés dans la loi de Finances initiale pourrait entacher la crédibilité des pouvoirs publics sur fond d’orientation délibérée de certains choix aux fins d’intérêts « politiciens », et ce, malgré la pertinence, voire la légitimité de certains projets. Pour cette raison, la gestion des dépenses imprévues se doit d’être rigoureuse et rationnelle aux fins d’éluder l’incohérence intertemporelle.
Enfin, l’appui du secteur bancaire au budget de l’Etat, quoique nécessaire, doit être balisé. Le recours illimité aux établissements bancaires pour financer le déficit budgétaire serait certainement chaotique. Ses effets négatifs en termes d’éviction du secteur privé, de tensions inflationnistes et d’insoutenabilité de la dette, devraient être hautement considérés.
Ainsi, penser implicitement à mettre à profit les finances publiques pour servir l’Etat social pourrait, sous certaines conditions, favoriser des investissements publics à même de garantir une reprise économique et résorber des dysfonctionnements structurels. Ces conditions relèvent de la rationalité, de la bonne gouvernance et de la prudence.
La gestion des finances publiques doit ainsi trouver un équilibre délicat entre l’activisme contracyclique et une vision stratégique proéconomique sur le long terme. La construction recherchée aura tout son sens.

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