À l’occasion de la présentation de son 30ème Rapport annuel, la Cour des Comptes a organisé une conférence de presse, jeudi 29 juin 2017, pour fournir à l’opinion publique les principaux axes du document.
Le 30ème Rapport annuel de la Cour des Comptes porte sur la période allant de 2010 à 2015, d’après Néjib Ktari, premier président de la Cour. Il a porté sur de nombreuses institutions et organismes publics, à l’instar de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), le Conseil régional de Médenine, l’Institut National des Statistiques (INS), le gouvernorat de Jendouba, ou encore la Banque de Financement des Petites et Moyennes entreprises (BFPME).
Cependant, l’absence des principales institutions publiques n’a pas manqué de faire réagir à la fin de la conférence de presse. Ni l’Instance Vérité Dignité (IVD) et encore moins les ministères ne figurent dans le 30ème Rapport annuel de la Cour des Comptes. « Pourquoi ne pas avoir enquêté sur l’IVD, le port de Radès, la Douane, ou encore Tunisair, sachant pertinemment les soupçons de corruption qui y pèsent ? ». Face à ces interrogations des journalistes, le premier président de la Cour des Comptes rappelle que l’institution dispose d’un petit effectif et qu’elle travaille en fonction des priorités. Pour le cas de Tunisair, il précise qu’une enquête sur la gestion de la flotte est en cours. « Concernant l’IVD, il faudra attendre la fin de sa mission », ajoute-t-il.
Néjib Ktari, premier président de la Cour des Comptes
Une gouvernance défaillante
Les conclusions du 30ème Rapport annuel de la Cour des Comptes sont, d’autre part, alarmantes sur les questions de la bonne gouvernance financière et administrative au sein des institutions publiques. Plusieurs données chiffrées ont été conjointement fournies par Basma Ben Ghali et Houda Khalil Lafat, respectivement Chef service et Conseillère-adjointe au sein de la Cour des Comptes.
Les premiers constats portent sur les faiblesses dans la gouvernance et le contrôle interne. L’institution parle également de violations de la loi et de la réglementation en vigueur qui ont porté atteinte à la transparence et aux principes de bonne gestion.
Des constats qui nécessitent une attention particulière de la part de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), selon le premier président de la Cour des Comptes.
Explosion des recrutements dans les institutions publiques
Dans le cas de l’INS, la Cour des Comptes déplore des recrutements exceptionnels qui ont gonflé le nombre d’agents de 169% entre 2010 et 2015, ce qui a fait exploser la masse salariale, qui est passée de 5,8 millions de dinars en 2010 à 15,5 millions de dinars en 2015. Autre fait reporté par la Cour des Comptes sur l’Institut : les procédures de travail employées pour établir les statistiques. De fait, la Cour souligne que l’INS n’a pas respecté les normes internationales notamment en ce qui concerne les indicateurs des prix de vente des produits industriels ou ceux relatifs à la production industrielle. L’indicateur de pauvreté a également été remis en question. La Cour des Comptes considère qu’il manque de précision et d’objectivité.
Autres institutions évoquées par la Cour : les ministère de l’Éducation et celui des Sports et de la Jeunesse. Les observations portent essentiellement sur les recrutements exceptionnels qui ont eu lieu dans les deux ministères entre 2010 et 2015, période caractérisée par de fortes tensions sociales à partir de 2011. Dans ce contexte, 2792 agents ont été intégrés au ministère de l’Éducation et 555 au ministère des Sports. Le tout pour une masse salariale supplémentaire de 82 millions de dinars. « Les personnes intégrées sont celles qui ont bénéficié de l’amnistie générale », déclare la Cheffe de service au sein de la Cour des Comptes, Elle explique, par la suite, que plusieurs recrues ne disposaient pas des compétences requises pour les postes qu’ils avaient occupés.
En ce qui concerne l’ANC, qui a clôturé ses travaux en 2014 suite aux élections législatives, la Cour des Comptes note que seuls 11% des procès verbaux des séances plénières ont été publiés dans le JORT et sur le site de l’ancienne institution. Elle déplore également le retard accusé dans la rédaction de la Constitution du 27 janvier 2014. La Cour des Comptes évoque aussi les primes de 5,174 dinars touchés par chaque députés de l’ANC pour couvrir les frais de logement et de nourriture.
M.F.K