Gouvernance politique et économique: Dysfonctionnements et discordances

Le gouvernement multiplie les erreurs et les maladresses de gouvernance depuis plusieurs mois dans tous les domaines. Cela aggrave encore plus la situation, avec la tendance générale à l’inertie, les lenteurs, les hésitations et recule lors des prises de décisions difficiles.
Lorsqu’il s’agit de bras de fer, il est malheureux de constater souvent que ce sont les pouvoirs publics qui cèdent. C’est comme si l’Etat est encore loin de recouvrir sa souveraineté et le gouvernement demeure encore en position de faiblesse face aux autres partenaires sociaux, notamment l’UGTT. Les pouvoirs publics privilégient les solutions de facilité en agissant sur le court terme, plutôt que d’affronter et résoudre les problèmes grâce à des décisions douloureuses avec des solutions efficaces à long terme.
Dysfonctionnements et discordances se déclinent, désormais, sur plusieurs domaines dont la lutte contre le terrorisme, la gestion du Budget de l’Etat, l’impulsion de l’investissement et la politique fiscale.
A ce propos, et s’agissant de la lutte anti-terroriste, toutes les décisions prises et les mesures adoptées ont manqué d’efficacité. En effet, le gouvernement n’a encore adopté aucune stratégie à moyen terme pour lutter contre ce phénomène qui menace la stabilité du pays. Aucune tentative de mobilisation des forces vives de la nation, ni mise à profit des secteurs d’activité susceptibles de contribuer à cette lutte n’ont été engagées. Résultat : des dizaines de mosquées sont encore hors autorité de l’Etat et où continue à inciter au djihadisme, des centaines de crèches coraniques dispensent encore une culture de l’extrémisme et des centaines de cellules takfiristes sont toujours actives au vu et au su de tous et dans une impunité totale.
Plus grave encore, cette inefficacité affichée et cette incapacité à tirer les leçons de l’attentat du Bardo et de définir une stratégie à même de contrer ces actes terroristes.
Il faut se rappeler, qu’avant l’attentat de l’hôtel Impéral Marhaba, une tentative a eu lieu sur la plage de l’hôtel Riadh Palm (Sousse) et l’attaque meurtrière au musée du Bardo dont les conséquences ont plus que catastrophiques pour le pays.
L’observateur attentif, même neutre, de la scène politique tunisienne, aurait tiré tout de suite une conclusion et pris des mesures sécuritaires draconiennes pour obliger les hôteliers à s’auto-protéger d’abord et adopter de suite des décisions strictes pour sécuriser les zones touristiques. Sachant que le tourisme est un secteur d’activité vital pour l’économie tunisienne, mais très sensible aux effets du terrorisme. Cela n’a pas été fait et l’impact sur le secteur a été néfaste. On a tendance à oublier que le terrorisme est l’ennemi de toute œuvre de développement économique et sociale. Le gouvernement pour sa part fait preuve d’un manque de cohésion flagrant. Pour preuve, le ministère des Affaires étrangères, qui n’est nullement habilité pour cela, vient d’élaborer une stratégie de lutte contre le terrorisme, sans la participation des parties les plus concernées et les mieux outillées pour cela, à savoir les ministères de l’Intérieur et de la Défense ? Cela suscite à n’en point douter de véritables interrogations sur l’entente et la coordination au sein de l’équipe gouvernementale et sur l’autorité du Chef de ce gouvernement sur ses propres ministres. S’ajoute à cela l’organisation du Congrès international de lutte contre le terrorisme qui n’arrête pas d’être reporté donnant l’impression de l’absence d’une réelle volonté de le tenir.
Dans un autre domaine, celui de la gestion du Budget de l’Etat, le gouvernement, au lieu de lutter contre les spéculateurs responsables du taux élevé de l’inflation et de la dégradation du pouvoir d’achat, accorde des augmentations salariales généreuses à la fonction publique. Il consent des dépenses massives à la consommation au lieu de les consacrer à l’investissement générateur de développement pour les zones défavorisées du pays, confrontées à des difficultés. Ces centaines de milliers de dinars auraient pu être consacrés à créer des emplois pour les chômeurs.
Pour boucler le Budget de l’Etat, le gouvernement, au lieu de lutter contre l’évasion fiscale pour trouver les ressources financières nécessaires, emprunte à l’étranger en devises pour payer les salaires de la fonction publique. La dette extérieure frise les 53% du PIB : qui va payer alors que la croissance est en berne ? Pour impulser l’investissement il faut des garanties et des incitations. Or le code de l’investissement est en gestation depuis quatre ans avec des dépôts et des retraits à l’Assemblée ainsi que des modifications. Il vient d’être adopté par le gouvernement et transmis à l’ARP après huit mois d’atermoiements.
Entre-temps l’investissement est resté en panne. Cependant le nouveau texte semble dépourvu de toute incitation fiscale ou financière, alors que pour les IDE, nous sommes soumis à une forte concurrence étrangère. Pour attirer les investisseurs, il faut du concret, alors que le code est également vide de tout contenu qualitatif : les décisions importantes sont transférées aux futurs décrets et mesures ministérielles à venir. Les investissements potentiels ne sont pas plus avancés pour autant.
Il n’y a aucun rapport entre les revendications de la Révolution et le nouveau code : aucune incitation pour le développement régional, aucun encouragement pour les secteurs d’activité économiques prioritaires, créateurs d’emplois, aucune distinction pour l’innovation ou encore les activités à valeur ajoutée élevée (emploi des diplômés du supérieur). Enfin la politique fiscale est loin de s’intéresser aux profits miraculeux des spéculateurs, barons de la contrebande et autres « gacharas », ainsi qu’aux faux forfaitaires qui gagnent des sommes folles mais ignorent le fisc.
Au contraire on s’acharne sur les salariés qui tirent le diable par la queue pour boucler les fins de mois, sans oublier les entreprises structurées qui accomplissent scrupuleusement leur devoir fiscal alors que le fisc leur retient des crédits d’impôts en exerçant des redressements fiscaux.
L’imposition des bénéfices est une maladresse, car les entreprises s’arrangent pour avoir des bilans équilibrés ou déficitaires, en jouant sur les stocks. Pour être efficace, il faudrait imposer le chiffre d’affaires.
C’est à croire que le gouvernement n’a pas de vision à moyen ou à long termes pour ce qui est de l’avenir du pays, n’a pas de schéma de développement à proposer, qu’il est incapable de concevoir et encore moins de mettre en œuvre, un programme cohérent de réformes structurelles. Est-ce une question de manque de volonté ou encore un défaut de savoir-faire ?

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