A quoi jouent nos politiques ? Depuis l’annonce officielle du gouvernement d’union nationale par Youssef Chahed, samedi 20 août 2016, les réactions se sont multipliées .
Des réactions qui mettent en évidence un fait douloureux : la détérioration du niveau du débat politique en Tunisie.
Les mauvais perdants
Le premier exemple frappant est celui de Yassine Brahim. Exclu du gouvernement d’union nationale, le président d’Afek Tounes a montré qu’il était un véritable mauvais perdant, à travers un post sur Facebook dans lequel il s’était interrogé si l’équipe Chahed pouvait lutter contre la corruption alors qu’elle compte dans ses rangs Mehdi Ben Gharbia, nouveau ministre chargé des relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l’Homme, et Abid Briki, nouveau ministre de la Fonction publique et de la bonne Gouvernance. Un post que Yassine Brahim a pris soin de supprimer après sa médiatisation. Drôle d’attitude!!
Nidaa Tounes et sa tradition ancestrale de la division
Nidaa Tounes ne fait pas mieux. L’atmosphère de la réunion du bloc parlementaire du parti a été qualifiée de « houleuse » par son propre président, Sofiene Toubel. 19 députés ont menacé de démissionner pour protester contre le gouvernement Chahed. Ce n’est pas sans rappeler les vieilles crises qui ont secoué ce parti et qui ont conduit à son implosion. Nidaa Tounes prouve, une fois encore, qu’il était incapable de faire bonne figure et d’être à la hauteur de la confiance de ceux qui l’ont élu et de la dure conjoncture traversée par la Tunisie.
Autre élément prouvant l’incohérence qui règne au sein de ce parti : Alors qu’Essebsi Fils s’était dit favorable à l’équipe Chahed, appelant à se rassembler autour de cette dernière, le bloc parlementaire du parti n’a encore pas décidé de sa position.
Nidaa Tounes, le parti du président, va-t-il sombrer dans une nouvelle crise ? C’est probable…
Ennahdha avec son « oui, mais … »
Lors de sa cinquième session du conseil de la Choura, le parti de Cheikh Rached a commencé par approuver la composition du gouvernement Chahed, émettant, toutefois, des réserves sur certains ministres. Une position peu claire pour un poids lourd de la scène politique tunisienne, dont les réticences risquent de retarder le processus politique qui permettra à la nouvelle équipe gouvernementale de se mettre, enfin, au travail.
Et après ?
Les autres principaux partis politiques, à l’instar de Machrou3 Tounes, ont préféré attendre encore avant de se prononcer officiellement sur le gouvernement Chahed. Mais l’issue de leurs assises ne laisse aucun doute : il y a de grandes chances pour qu’ils manifestent, eux aussi, leurs réserves vis-à-vis du gouvernement d’union nationale.
Un gouvernement qui a du mal à s’imposer, formé dans l’objectif de satisfaire toutes les sensibilités, et qui affiche certaines contradictions.
Comment peut-on nommer un ancien syndicaliste au ministère de la Fonction Publique, alors que des mesures peu sociale ont été prises (la réduction des effectifs des fonctionnaires) ? Comment peut-on nommer un autre syndicaliste au ministère des affaires sociales, alors que, là également, d’autres mesures peu populaires ont été mises sur la table (prolongement de l’âge de la retraite) ?
Quoiqu’il en soit, le gouvernement Chahed semble déjà se heurter à de nombreux obstacles, alors qu’il n’a même pas encore commencé son travail. Le Front Populaire, fidèle à son habitude, en constituera un. Par la voix de son porte-parole Hamma Hammami, le Front a annoncé qu’il n’accordera pas sa confiance au gouvernement d’union nationale.
La nouvelle équipe Chahed passera devant l’ARP le 26 août prochain pour tenter d’obtenir la confiance des députés. Avec la bénédiction d’Ennahdha, d’Afek Tounes et des députés de Nidaa, il est fort à parier qu’elle obtienne la confiance tant voulue. Mais Ô combien sa tâche sera rude après son entrée en action…