Les membres du gouvernement Essid sont allés vite en besogne, en essayant de se mettre à l’ouvrage pour honorer les engagements pris devant l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Ils viennent de présenter leurs priorités pour les 100 premiers jours, fixées à cinq pour chaque département.
Incontestablement, le volet sécuritaire est le dossier le plus brûlant. En dépit de tous les efforts déployés pour rassurer les citoyens, la complexité de l’évolution de la situation en Libye continue à susciter appréhensions et doutes. D’ailleurs, pour Najem Gharsalli, ministre de l’Intérieur, la lutte contre le terrorisme et le rétablissement de la sécurité, constituent la priorité des priorités du ministère de l’Intérieur. A ce titre, il a indiqué que s’il est vrai que « la situation sécuritaire a enregistré une nette amélioration, il n’en reste pas moins vrai qu’il faut rester vigilants». Tant que des menaces existent, les mesures sécuritaires préventives seront maintenues. L’autres sujet de préoccupation et, non des moindres, se réfère à la question lancinante des Tunisiens de retour de Syrie. Un dossier, le moins qu’on puisse dire, « chaud » et qui exige suivi, vigilance et une attention de tous les instants. S’il est vrai que le ministère continue à assurer le suivi de ces djihadistes revenus au bercail, on est en droit de se demander, si le ministère de l’Intérieur dispose des ressources et de la logistique nécessaire pour contrôler et surveiller, les 500 Tunisiens de retour ? Des personnes qui, force est de le reconnaitre, représentent une menace permanente pour la sécurité nationale.
Sur le plan diplomatique, les priorités définies par Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères, consistent à permettre à la Tunisie de retrouver sa place et son positionnement sur l’échiquier international, en hissant les relations diplomatiques avec nombre de pays frères et amis, à un niveau supérieur. La première priorité annoncée consiste à faire toute la lumière sur la disparition des deux journalises, Sofiène Chourabi et Nedhir Gtari, en Libye, depuis le 8 septembre dernier.
Diplomatie sécuritaire et économique
Le ministre œuvrerait, en même temps, à améliorer les relations avec notre voisin, la Libye. Une question au demeurant difficile, au regard de l’évolution de la situation dans ce pays limitrophe et des menaces provenant des groupes terroristes qui opèrent dans ce pays. La mission s’annonce à la fois délicate et ardue en raison de l’instabilité et des divisions qui rongent la Libye ces derniers temps. Dans la foulée, M. Taïeb Baccouche envisage de développer, d’une part, la diplomatie sécuritaire, en renforçant la coopération avec les pays amis notamment l’Algérie et, d’autre part, la diplomatie économique. Cette dernière approche revêt une importance cruciale au cours de la prochaine étape à l’effet de faire valoir les atouts de la Tunisie en tant que site d’affaires et afin de restaurer la confiance des opérateurs et investisseurs étrangers à s’implanter dans le pays.
En matière économique et financière, les priorités de M. Slim Chaker, ministre des Finances, ont pour point focal de préparer, dans trois mois, la loi de Finances complémentaire afin de lancer un signal fort pour les opérateurs. L’autre orientation stratégique, formulée par le ministre, ambitionne de porter le taux de croissance à plus de 3%. Pour y parvenir, on observe un silence radio sur les mécanismes et les ressources qui seraient mis en œuvre pour atteindre cet objectif.
Par ailleurs, la refonte du système fiscal, l’élargissement de l’assiette des assujettis et la consécration de l’équité fiscale, se positionnent en bonne place dans le carnet du nouveau ministre.
Le plus grand chantier attend particulièrement M Mohamed Salah Ben Aissa, ministre de la Justice. La mise en place notamment du Conseil supérieur de la magistrature, dont le projet de loi portant sa création doit être approuvé par l’ARP, six mois au maximum après la tenue des élections législatives. Il en est de même pour la mise en place de la Cour constitutionnelle qui devrait entrer en activité au plus tard, un an après les élections législatives. Le plus grand et le plus urgent chantier demeure l’adoption de la loi anti-terroriste.
Caisses de sécurité sociale : un dossier brûlant
Pour Ammar Yumbaï, ministre des Affaires sociales, son action sera focalisée sur la mise en œuvre de la décision relative à l’augmentation de la prime octroyée aux familles nécessiteuses qui passerait de 120 dinars à 150 dinars et bénéficiera à quelques 230 000 familles.
Vient ensuite, la mise en place de l’assemblée des Tunisiens résidants à l’étranger qui sera chargée de concevoir une stratégie d’immigration. Parallèlement, il sera question de la mise en place d’une feuille de route pour la régularisation du dossier des blessés et martyrs de la Révolution et le soutien aux personnes handicapées. Le déficit alarmant des caisses de sécurité sociale, qui a atteint 840 milliards de dinars au cours des deux exercices 2014 et 2015 nécessitera une action soutenue et des mesures appropriées afin de contenir ce déficit abyssal.
Le traitement de ce dossier ne sera pas une sinécure, les solutions envisagées risquent de se heurter au refus de l’UGTT, qui loin de proposer des choix alternatifs, exprime un refus catégorique à l’augmentation de l’âge de la retraite à 62 ans.
Le ministre de l’Environnement et du développement durable, Nejib Darouiche, a promis de trouver une solution qui rendrait à l’ile de Djerba tout l’attrait qu’elle mérite. Y parviendra-t-il ? Là est toute la question. L’état de l’environnement dans nos villes est devenu un sujet de préoccupation qui implique outre, des mesures énergiques, une adhésion volontaire des Tunisiens. Il faut espérer et attendre.
Mme Samira Maraï, ministre de la Femme, de la famille et de l’enfance, a défini six principales mesures urgentes. Il s’agit de réviser le cahier des charges ainsi que les programmes des garderies d’enfants; de finaliser le programme national sur la violence faites aux femmes, de développer la présence de la femme dans la prise de décision, de collaborer d’une façon horizontale avec tous les ministères sur le sujet de la femme et de traiter les difficultés économiques des femmes rurales, qui représentent 35% des femmes tunisiennes.
En matière d’enseignement, aussi bien supérieur, que celui de l’éducation nationale, les deux ministres vont marcher sur un champ de mines. Pour le premier, Chiheb Bouden, il s’agirait de mettre en œuvre le projet de réforme à caractère participatif validé par le gouvernement sortant. Il aura également à préparer la prochaine rentrée universitaire, réviser le cahier des charges pour l’enseignement supérieur privé, résoudre le conflit avec les étudiants grévistes des écoles d’ingénieurs et de créer une commission indépendante pour la validation des diplômes du secteur privé.
Le second a défini trois domaines d’intervention prioritaires. Il s’agit respectivement du rétablissement du prestige culturel et social de l’école et de l’enseignant, de la consécration de la vocation de ce département en matière de savoir et de trouver une solution concertée au dossier de l’examen du baccalauréat.
Autant de priorités que les ministres sont appelés à en donner une traduction effective dans un laps de temps relativement court. Au regard de l’ampleur des problématiques et des attentes, concrétiser environ cent vingt points en cent jours se présente comme une mission périlleuse, mais elle offre l’opportunité à ce gouvernement de donner le bon ton qui lui permettra par la suite d’engager des réformes encore plus complexes.
Nada Fatnassi