Lassés des discours politiques insipides, des surenchères d’une classe politique plus encline au paraitre qu’à autre chose et des dissensions qui ne cessent de diviser la société civile, les Tunisiens avaient cru, à tort peut être, à un changement de décor au cours de la période post-électorale. Plus de deux mois après l’entrée en fonction du gouvernement Essid, le même sentiment de frustration perdure. En lieu et place de voir toutes les énergies et les volontés se mobiliser vers tout ce qui peut rassembler et unir, l’on constate, non sans amertume, un net déphasage entre les intentions et les effets. Au moment où le pays fait face à des défis graves et s’enfonce, chaque jour un peu plus, dans une crise structurelle, la communication gouvernementale reste aux abonnés absents. Elle n’a pas su jouer le rôle qui lui est dévolu en matière d’alerte de l’opinion publique et de sa sensibilisation quant aux véritables enjeux de l’étape.
Pourtant, la communication est bonne, soutiennent les spécialistes, lorsque l’émetteur obtient l’effet qu’il voulait sur le récepteur, c’est-à-dire quand l’intention égale l’effet. Dans le cas d’espèce, le message véhiculé par la communication gouvernementale ne fait que produire lassitude et désintérêt et, l’effet souhaité reste en décalage par rapport à l’intention.
Ce couac trouve son explication dans la qualité du discours développé, à longueur de rencontres de presse, qui n’a pas produit l’effet escompté. La raison est bien simple : la stratégie mise en œuvre parait inappropriée, ne tenant pas compte des vraies attentes du public cible et ne réussissant pas à le convaincre, en raison de l’ambiguïté du message et de son manque de franchise. A l’évidence, focaliser tous les discours sur les programmes et projets des cent premiers jours du gouvernement, est une gageure. Avec toutes les difficultés dont souffre l’économie, les obstacles qui se dressent, les pressions qui ne font que s’accentuer et les défis lancés, est-il loisible dans cette intervalle de changer de fond en comble la situation, et par quelle baguette magique ? Même s’il reste à peine cinquante jours pour parachever le programme d’urgence annoncé, mettre en place des institutions constitutionnelles, engager des réformes profondes et préparer la note d’orientation du nouveau plan de développement, n’aurait-il pas mieux valu tenir un discours plus réaliste et lisible ! Un discours qui tient compte de la situation difficile et complexe héritée, des attentes exprimées et des revendications sociales qui se sont radicalisées, plutôt que d’entretenir de faux espoirs et des promesses qu’il serait difficile de satisfaire vite.
En matière de communication, il semble qu’on s’est trompé de concept. Les déclarations optimistes des ministres qui se relayent au siège de la Présidence du gouvernement, plus de cinquante jours après leur entrée en fonction, pour annoncer ce qu’ils sont censés accomplir en cent jours, ne peuvent convaincre, ni moins atténuer le malaise ambiant. Tout au plus, ce passage obligé des membres du gouvernement à l’épreuve des médias aurait pu être concevable et acceptable aux termes des dix premiers jours de leur entrée en fonction. D’ailleurs, le lieu réservé à ces rencontres parait étrangement vide. Peu nombreux sont les journalistes qui suivent ces conférences que tout le monde, ou presque, sait d’avance qu’elles ne constituent pas un rendez-vous indiqué pour collecter des informations qui interpellent et qui éclairent l’opinion publique. Programmer le passage de plusieurs ministres pour présenter, sur un ton monocorde, d’hypothétiques programmes, projets et mesures, ne mobilise pas outre mesure les médias.
Il est peut être grand temps, de changer de format, de concept et de rendre ces conférences plus intelligibles et de les organiser d’une façon plus intelligente. Programmer ces conférences deux fois par semaine et, faire en sorte qu’elles donnent lieu à des éclairages profonds, à une information bien étayée et à un échange utile, est plus que nécessaire. Quel feed-back peut en résulter, quand les relais qui transmettent l’information au grand public ne sont pas motivés ou, tout au moins, se voient obligés d’accomplir une corvée, non une mission.
Dans ce domaine, ce qui compte le plus, c’est la qualité de l’information, non la quantité des rendez-vous qui, à plus forte raison, ne peuvent éviter l’écueil des déclarations superficielles et des développements fastidieux.
Ce qui compte, également, c’est de savoir créer de nouvelles traditions, de bonnes pratiques et d’opter pour des stratégies de communication bien réfléchies. Au-delà d’une bonne compréhension et d’une meilleure perception de la part du citoyen, l’enjeu d’une communication bien conçue permet de mieux saisir la complémentarité des stratégies et des actions envisagées. Beaucoup reste à faire en la matière.