Pourquoi les grandes banques quittent-elles l’Afrique ?

Au moment où l’Afrique enregistre les meilleurs taux de croissance et qu’elle est perçue par les grandes institutions internationales, les responsables politiques et les experts internationaux comme la frontière de la croissance globale, les grandes banques internationales semblent déserter le continent pour se replier sur leurs espaces régionaux. Ainsi, la banque Barclays a cédé récemment sa filiale égyptienne à Attijari Wafa Bank. De son côté, Citibank a également vendu sa filiale égyptienne pour la banque égyptienne Commercial International Bank. D’autres grandes banques semblent également se préparer pour faire des annonces dans le même sens, soit pour céder leurs filiales africaines ou pour réduire leur participation.
Cette tendance paraît étonnante par rapport aux possibilités de développement du secteur bancaire dans un continent où la bancarisation est encore faible et aussi, au potentiel de croissance du secteur, compte tenu du boom économique que connaît le continent. Ainsi, la question qui se pose est d’identifier les raisons qui expliquent ce retrait et ce repli des grandes banques sur leurs zones géographiques.
Nous pouvons avancer quatre raisons essentielles expliquant ce repli. La première est relative à l’application des règles de Bâle III qui se sont traduites par des exigences importantes en matière de fonds propres pour les groupes bancaires. Pour remplir ces nouvelles exigences, les banques internationales ont décidé de réduire leurs activités du haut du bilan qui exigent d’importants fonds propres, ce qui a entraîné un recul de leurs activités de détail dans les pays africains.
La seconde raison est liée aux nouvelles exigences en matière de conformité mises en place par les institutions internationales et les organismes de supervision. Depuis quelques années, la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme a été à l’origine de nouvelles procédures de contrôle pour s’assurer de la régularité des transferts et de l’ensemble des opérations bancaires. Or, certains pays africains doivent mettre leurs législations en conformité avec les nouvelles règles internationales, ce qui ne facilite pas les opérations des grandes banques internationales et explique leur retrait du continent.
La troisième raison concerne la concurrence de plus en plus forte à laquelle sont soumises les banques internationales par de nouveaux groupes bancaires africains. Il faut mentionner que le paysage bancaire africain s’est beaucoup transformé durant ces dernières années avec l’émergence de nouveaux acteurs régionaux qui prennent de plus en plus une dimension internationale. On peut citer à ce niveau les groupes marocains comme la BMCE ou Attijari, ou le groupe ouest-africain Eco Bank ou le groupe Afriland First Bank. Ces nouvelles entités ont connu une progression rapide qui trouve ses origines dans une meilleure appréhension du risque, une meilleure connaissance du marché et un engagement pour financer l’entrepreneuriat africain. Ces groupes constituent aujourd’hui d’importants concurrents aux grands groupes internationaux et parviennent à prendre des parts de marché de plus en plus croissantes.
Enfin, il faut noter les transformations profondes que connaît la banque de détail sous l’impact des nouvelles technologies et de la numérisation des services bancaires. Ainsi, le mobile banking et la fintech sont les nouveaux chevaux de bataille des banques africaines qui leur permettent de favoriser l’arrivée de nouveaux clients et l’accès au système bancaire. Or, les grandes banques éprouvent de plus grandes difficultés à opérer ces transformations pour s’adapter aux mutations de la banque de détail.
L’ensemble de ces facteurs explique le retrait des grandes banques internationales de la scène africaine. Ce repli pourrait s’accélérer lors des prochains mois, ce qui ouvrirait la porte au développement des banques régionales. Une opportunité que nos banques doivent saisir pour se développer sur les marchés africains et accompagner ainsi leurs clients qui ont entamé l’aventure de l’internationalisation depuis longtemps.

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