Grandes surfaces : Régulateurs ou temples de la surconsommation ?

La polémique soulevée par le report d’un an de l’application de l’imposition de 35% au lieu de 25% des bénéfices des grandes surfaces lors du vote de la loi de Finances 2019 par l’ARP, nous interpelle à plusieurs titres. Sans vouloir interférer dans les intérêts des uns ou des autres ou prendre des positions politiques, nous nous proposons d’intervenir dans le débat et d’émettre quelques réflexions relatives au rôle dévolu à la grande distribution dans la promotion de la croissance économique et du progrès social dans notre pays.
La fiche d’identité du secteur des grandes surfaces pourrait être la suivante : 450 magasins répartis à travers tout le pays, notamment les grandes villes, un chiffre d’affaires de l’ordre de 3.000 millions de dinars en 2018.
La grande distribution qui ne représentait que 15% du commerce de détail en 2006 a connu une accélération depuis dix ans pour concentrer 25% en 2017. Plus de 13.500 emplois salariés ont été créés dans le secteur.
Il faut reconnaître que des investissements massifs ont été consentis par des privés dans le secteur. En effet, il s’agit d’une activité très capitalistique, car un hypermarché avec une superficie de vente de l’ordre de 10.000 mètres carrés, une galerie commerciale destinée à accueillir plein de boutiques avec des superficies moyennes, y compris les infrastructures nécessaires pour une bonne intégration socio-économique dans son environnement (vaste terrain, parking, bretelles d’accès à l’autoroute, espaces verts…), représente un coût de l’ordre de 150 à 200 millions de dinars.
Il est susceptible de créer 1000 emplois, même s’il n’y a pas toujours une rémunération équitable et une véritable stabilité de l’emploi.
Le fait qu’il y ait plusieurs différentes chaînes de grandes surfaces, souvent voisines, garantit la libre concurrence : le consommateur a le choix dans le mesure où il n’y a pas d’entente sur les prix entre différentes marques et produits grâce au self-service.
Faut-il rappeler que le succès des rayonnages de fruits et légumes dans les grandes surfaces depuis quinze ans environ, est dû aux pratiques malveillantes des marchands privés qui consistent à vendre au prix fort des fruits de qualité douteuse et suspecte, puisque c’est le commerçant qui sert et impose le produit selon sa propre volonté.
Ce qui est certain, c’est que la grande distribution, qui est une modernisation certaine de l’activité commerciale, a introduit une certaine transparence dans les circuits et permet d’éviter la spéculation et les pratiques frauduleuses, tout en améliorant les conditions d’hygiène grâce au respect de la chaîne du froid et de la traçabilité.
Elle a permis de renforcer le système productif : un fournisseur “référencié” dans les grandes surfaces sécurise le banquier qui peut favoriser ainsi ses investissements.
Il est vrai que les tentations sont grandes pour le consommateur qui doit maîtriser son budget et faire face à l’inflation galopante. Cependant, les grandes surfaces peuvent et doivent faire des efforts pour calmer la flambée des prix sur les articles et produits à usage courant.
Au cours d’une campagne nationale récente de contrôle économique menée par les services du ministère du Commerce, ayant pour cible les grandes surfaces dans plusieurs régions de la République, 70 infractions à la réglementation en vigueur ont été enregistrées.
Selon le communiqué publié par le ministère, 18 infractions relèvent la non-exposition à la vente de produits disponibles en stock, en rapport étroit avec certains produits de base tels le lait, le beurre et le sucre, ce qui ferait penser à un refus de vente ou à une spéculation, 15 autres infractions concernent le non-affichage des prix, ce qui pourrait induire en erreur le consommateur.
11 infractions sont relatives à des augmentations illicites de prix, s’agissant de denrées à prix administrés.
D’autres infractions ont été relevées comme des dépassements de factures, de qualité et de sécurité des produits. Des produits impropres à la consommation ont été saisis, ce qui est anormal et inadmissible.
Une association de défense du consommateur préconiserait la non-fréquentation des grandes surfaces tant que celles-ci n’abandonnent pas la pratique des “marges arrières” et prétend que la marge bénéficiaire globale est de l’ordre de 70%, y compris la fiscalité. Cela pourrait paraître abusif s’il est vérifié et prouvé, ce qui n’est pas le cas.
D’abord, l’ODC ne fait pas grand-chose pour défendre les intérêts des consommateurs auprès des pouvoirs publics, les organiser, les doter d’une culture “consumérique”, leur donner des conseils pour rationaliser leurs dépenses et “prioriser” les achats.
Ensuite, les grandes surfaces en Tunisie ne sont pas en train de “réinventer la roue” : elles pratiquent un concept qui a fait ses preuves en France, en l’adaptant aux réalités tunisiennes.
Les marges arrières ne sont pas interdites par la loi tunisienne dans la mesure où elles sont comptabilisées.
A notre sens, un pacte devrait être établi entre l’Etat, la Chambre UTICA des grandes surfaces et la société civile, comportant plusieurs dispositions relatives à l’encadrement des prix, au statut juridique du personnel, à la formation, à l’assistance, aux œuvres caritatives…

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