Grève des agents du secteur de la santé : Retour sur deux journées pas comme les autres

En signe de protestation contre le ministère de tutelle, la Fédération générale de la santé relevant de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a décidé d’une grève dans tous les établissements publics de santé les 11 et 12 septembre 2014. Certes, la grève a concerné les paramédicaux et les administratifs, mais elle a retenti sur l’activité du personnel médical. Retour sur deux jours d’activité ralentie et sur les raisons de la grève.

Selon le ministère de la Santé, la grève a été suivie à 60%, selon le Syndicat, ce taux serait plutôt de l’ordre de 90%. Le grand perdant de cette grève c’est le patient-citoyen. Pas de consultation de médecine générale, de consultation de spécialité, de bilan biologique, et radiologique, pas d’intervention chirurgicale, de médicaments, etc.  Donc tous les rendez-vous pris, souvent depuis des semaines, voire de longs mois sont annulés. Toutes les structures de santé étaient ouvertes, le personnel médical présent, mais sans ces femmes et ces hommes qui font tourner la machine «établissement de soins» rien ne peut fonctionner. Avant chaque consultation ou examen complémentaire, il faut inscrire le malade, recevoir l’argent, lui fournir un reçu, lui établir une fiche médicale si c’est un nouveau malade, sinon retirer l’ancienne, lui donner un numéro de consultation, etc. Sans les agents de la santé, le personnel médical ne peut pas assurer son travail.

Les raisons de la grève

Les principales revendications de la Fédération générale de la santé concernent six points. Il y a tout d’abord le fameux article 2 de la fonction publique qui concerne la prime de nuit que la Fédération aimerait voir augmentée et généralisée à tous les agents de la santé, y compris les administratifs qui travaillent la nuit. Le syndicat réclame la mise en place d’une prime de pénibilité pour les agents de la santé qui sont confrontés quotidiennement à des conditions et des situations très spéciales, pénibles et où les violences ne sont pas exceptionnelles. La question de l’APC (activité privée complémentaire) pratiquée par les médecins, chefs de service, professeur de médecine a été évoquée par le syndicat qui réclame son abolition par le ministère. Cette activité, payante pour les patients, est pratiquée au sein des hôpitaux avec le matériel et le personnel de l’hôpital, qui, lui, n’est pas payé en conséquence et doit subir ces consultations qui se terminent souvent très tard le soir. Le 4e point évoqué dans les revendications des agents de la santé concerne la mise à niveau des hôpitaux, promise depuis plus de dix ans par les différents gouvernements et qui n’est qu’à l’état d’ébauche selon le syndicat. Ce dernier réclame également la généralisation des consultations de spécialité dans les régions où elles font défaut. Au 6e point, l’on trouve les équipements des structures hospitalières : dépassés ou en quantité insuffisante.

Toutes ces questions ont été discutées par le syndicat et le ministère de la Santé lors des  accords du 4 juillet 2014. À cette occasion, quatre commissions mixtes ont été créées. Deux commissions ont terminé leurs travaux, mais pas les deux autres et il semble que ce retard a été la cause du déclenchement de la grève.

De son côté, le ministère a demandé d’attendre la fin des travaux et de reprendre entre-temps le dialogue, ce qui aurait été refusé par le syndicat. Il semble que les négociations vont se poursuivre au niveau du ministère des Affaires sociales qui va faire office d’interface entre le ministère de la Santé et le syndicat des agents de la santé.

Deux jours de grève

Que font les responsables, quand le personnel de la santé est en grève ? Car n’oublions pas qu’il s’agit d’un secteur très délicat qui a ses exigences. Nous avons interrogé Monsieur Khaled Salem à ce propos. Il est le directeur du groupement de soins de base dans le gouvernorat de la Manouba.

«Dans des situations pareilles, il faut faire preuve de beaucoup de vigilance. Nous restons à la disposition des citoyens. Il faut d’abord les rassurer, leur expliquer qu’ils n’ont rien à craindre pour leur santé, que les services d’urgence fonctionnent et qu’on est là pour les soutenir et les diriger en cas de besoin. Le premier jour de la grève, nous avons fait plus de 200 km à parcourir toutes les structures de soins qui relèvent de la direction régionale des soins de la Manouba. Nous les avons toutes visitées, nous nous sommes attardés dans les régions les plus éloignées, nous avons rencontré les citoyens, nous avons discuté avec eux, car les risques de débordements violents existent. Nous nous sommes assurés que les ambulances étaient bien là, prêtes à toute urgence. Nous avons vérifié les conditions de sécurité de nos établissements et de celles des agents qui sont présents, même s’ils sont en grève. Nous avons vérifié s’il existe des cas urgents de patients qui doivent impérativement prendre leurs médicaments et nous les leur avons procurés auprès de la pharmacie de l’administration. Un patient sous psychotropes ne peut se passer de médicaments et on ne peut pas par la suite lui reprocher d’être violent. Même le soir nous nous sommes déplacés pour vérifier si tout allait bien, car nous craignons les effractions, les vols de médicaments, etc.»

Samira Rekik

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