Grève des enseignants: Regards croisés

 

Lycée

Alors que le risque d’une année scolaire blanche plane sur les parents et les élèves, pris au piège dans le bras de fer entre ministère et syndicat de l’enseignement secondaire, des déclarations de plus en plus virulantes et accusatrices  sont échangées, entre les deux parties en présence.

De fait, la crise s’est intensifiée et les négociations bloquées, chaque partie campant sur sa position.

« Nos négociations avec le syndicat portent sur deux volets. Le premier concerne les règlements et les régularisations et nous sommes disposés à les satisfaire, le second porte sur les primes. Nous avons répondu favorablement au sujet de la prime des examens, la surveillance et la correction, mais pour les autres : la prime pédagogique, de déplacement, de risque et de rendement, ce n’est pas à nous de trancher. Nous comprenons les revendications des enseignants, mais nous attendons la décision du gouvernement ainsi que la réponse du ministère des Finances. Pour le moment, les négociations sont bloquées au niveau des primes et à cause d’elles », nous déclare Mondher Dhouib, Directeur général de l’enseignement secondaire pour expliquer les raisons du blocage.

Néanmoins, outre le volet pédagogique suspendu à cause de la grève, cette crise a révélé plusieurs crises latentes. L’enseignant est accusé d’avoir couronné ainsi des années d’échec en matière d’enseignement, étant responsable, selon les parents, de la dégradation du niveau scolaire. L’enseignant pointe le ministère et les gouvernements successifs leur imputant la responsabilité de programmes vidés de valeurs et de choix politiques catastrophiques sur le niveau de l’enseignement. Dans tout cela, l’élève, d’un côté victime du système et, de l’autre, de plus en plus difficile à gérer en classe, se révolte contre tout le système. Au-delà de tout cela, la relation déjà fissurée entre enseignant et élève semble se briser. A ce titre, Linda Essefi. Aissaoui, professeure d’informatique met l’accent sur le volet moral de la crise et surtout sur les répercussions de cette dernière sur la relation enseignant-élève. Elle lance un cri de détresse.

« Je suis pour les revendications des enseignants, mais on aurait dû attendre la fin des négociations de l’augmentation salariale de la fonction publique. Je suis aussi opposée au maintien de la grève administrative et donc ne pas faire passer les examens, tout en continuant à donner des cours, mais à vrai dire, je n’ai pas d’alternative à présenter. Cette méthode m’a parue inefficace et en plus n’a fait que susciter colère et insultes à notre égard. Une grève proprement dite aurait eu un impact plus fort. Je ne suis pas non plus d’accord avec les exigences financières du syndicat. Ce qui me fait surtout mal, c’est la dégradation de la relation entre enseignants et élèves. Tout l’argent du monde ne pourra la rétablir. Je reste perplexe dans l’attente de voir ce qui va suivre. On a fait une grève et après ? En un mot, c’est l’incompréhension d’une enseignante, la douleur d’une enseignante et la peur d’une enseignante de l’avenir que j’exprime. »

La réforme, une exigence pas encore discutée

La crise économique et l’incapacité budgétaire de l’Etat ne sont peut-être pas les seules raisons au refus des parents de voir les enseignants décider des grèves successives et à des moments précis pour revendiquer des augmentations salariales. Quelque part, il y a la notion du mérite. On entend souvent les parents critiquer le niveau de l’enseignement, imputant la responsabilité aux enseignants eux-mêmes. En réponse une enseignante a lancé un appel se défendant ainsi que son corps de métier. L’enseignant ne serait, selon elle , qu’un exécutant d’un programme qu’il doit enseigner, un programme qui ne cesse d’être modifié et qui n’a pas le niveau requis. Elle impute l’absence de l’esprit de synthèse, d’analyse et de réflexion à l’effondrement du niveau en langues arabe et française, puisque cette dernière est un outil de communication.

Les enseignants exigent, aujourd’hui, une augmentation salariale tout en exigeant aussi la réforme de l’enseignement. Une réforme de fond, de contenu, mais aussi de forme, des filières, de l’enseignement professionnel supprimé et de la continuité entre les niveaux scolaires.

Une autre enseignante, par contre, avoue que l’enseignant, voulant s’assurer une meilleure situation financière s’est limité au rendement pédagogique minima au sein des établissements scolaires pour se consacrer aux heures supplémentaires. Ainsi, ils ont failli à leur devoir dans l’élaboration de meilleurs programmes et dans l’encadrement des élèves, sacrifiant même, selon elle, des enfants que la précarité empêche de suivre des cours particuliers et se retrouvent arrachés des bancs de l’école. Encore une fois, la question financière est remise sur le tapis et il semble qu’y répondre garantirait un meilleur rendement et surtout un meilleur niveau de l’enseignement en Tunisie.

Hajer Ajroudi

 

Related posts

Charles-Nicolle : première kératoplastie endothéliale ultra-mince en Tunisie

Affaire du complot : Qui sont les accusés en fuite ?

Une opération sécuritaire inédite : Saisie de plus d’un million de comprimés d’ecstasy (Vidéo)