Grève générale : les dérives d’un syndicalisme bafoué

Annoncée depuis octobre dernier, la grève générale dans la fonction publique de ce jeudi 22 novembre 2018 à vécu quelques heures. Un peu partout sur le territoire national, des fonctionnaires et des agents de l’État se sont rassemblés en masse pour dénoncer le manque de réactivité du gouvernement vis-à-vis de leur principale revendication : l’augmentation salariale.
Rien que sur la place de Bardo, devant le siège de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), on compte près de 30 000 personnes qui se sont rassemblées : des syndiqués, des syndicalistes et des personnalités politiques devenues expertes en matière de récupération. On pense notamment au député de Nidaa Tounes, Sofiene Toubel.
C’est avec une fierté manifeste que les syndicalistes ont annoncé les chiffres sur la mobilisation. Le taux de réussite de la grève générale, si l’on fait la moyenne des gouvernorats, dépasserait les 95%. C’est sans doute une excellente nouvelle pour le secrétaire général de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), Noureddine Taboubi. Lui qui est devenu celui qui souffle le chaud et le froid dans le pays.

Il faut mériter les augmentations salariales
Mais qu’en est-t-il de la Tunisie ? La grève générale de ce jeudi, selon certains experts économiques, a coûté plus de 150 millions de dinars à l’économie nationale, et c’est sans compter le désagrément causé aux citoyens, aux élèves dans les établissements scolaires, aux chefs d’entreprise voulant effectuer des démarches administratives, et à bien d’autres.
Il ne s’agit nullement de dénigrer l’UGTT et les grévistes. Revendiquer une hausse des salaires est plus que légitime, compte tenu de la crise économique qui secoue le pays. Mais si l’on examinait la situation de plus près ? La productivité moyenne d’un fonctionnaire est de 8 minutes selon les statistiques, et c’est sans compter les retards et les absences : 58% des fonctionnaires ne respectent pas les horaires administratifs et 18% sont souvent absents selon l’Union tunisienne du service public et de la neutralité de l’administration. Tant d’éléments qui affectent lourdement la productivité des fonctionnaires. Dans ce contexte, la logique économique elle-même exclut toute augmentation salariale sans une contrepartie productive. Les conséquences sont constatables au niveau de l’inflation qui a atteint des sommets depuis janvier 2018 : 7,4% en octobre 2018. Autrement dit, augmenter les salaires d’un côté provoquera une hausse des prix de l’autre côté, et ainsi de suite. De ce fait, pour appliquer une hausse des salaires, elle doit être accompagnée d’une hausse de la productivité.

Un syndicalisme mal compris
Dans ce contexte explosif, le gouvernement est pris entre deux feux, et c’est d’ailleurs ce qui a attisé la colère de Noureddine Taboubi : la pression du Fonds Monétaire International (FMI) qui exige la maîtrise de la masse salariale dans le secteur public et celle de l’UGTT. Les syndicalistes, avec l’opposition qui ne manque pas une seule occasion pour faire entendre sa voix, crient au scandale et à la violation de la souveraineté nationale.
La grève est un droit légitime et constitutionnel. Cependant, en Tunisie, on en a abusé depuis 2011 : éducation, industrie, et maintenant la fonction publique. Elle constitue, certes, une forme de mobilisation, mais dans un contexte de crise comme celle que traverse la Tunisie, la mobilisation doit être menée sur un autre plan : le travail, et non pas le refus de travailler. L’image des syndicalistes est aujourd’hui bafouée en Tunisie à cause des agissements de ceux qui prétendent l’être. Bien entendu, il ne s’agit pas de mettre tout le monde dans le même sac. On se souvient de ce que le mythique humoriste français Coluche avait dit à leur propos : « Les syndicalistes ont tellement l’habitude de ne rien faire que lorsqu’ils font grève, ils appellent ça une journée d’action ». Cette déclaration illustre parfaitement ce qui se passe aujourd’hui.

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