Grève sauvage et covoiturage : La part du hasard

« Je hais le mouvement qui déforme

les lignes 

Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris ».

                       Baudelaire.

Un certain sourire égaye le visage des automobilistes bienheureux de circuler sans le stress de l’habituel embouteillage. C’est le jour où la grève sans préavis, dite sauvage, confie métros et autobus aux bons soins des garages. Fatigués, indignés, femmes enceintes, étudiants, ouvriers ou personnes âgées battent le pavé. Navré pour eux mais content pour lui au niveau du non-dit, le privilégié apprécie l’instant où il tient le volant sans changer de vitesse à tout moment. En son for intérieur un diablotin dit, pour lui : « que ce pays est beau sans mes alter-égo ».

Par leur providentielle absence, les autres dressent le miroir où il contemple sa chance. Une problématisation à long rayon d’action genre de réaction. Citons l’une de ces multiples situations.

L’assistance à la noyade inspire aux témoins réunis hors de l’eau tumultueuse et tueuse une sensation nimbée d’ambiguïté. Par un effet de contraste inavoué, l’agonie d’autrui souligne la préservation de ma vie.

Voilà pourquoi sur la terre ferme des plages, l’expression ostentatoire des sentiments solidaires et des airs ébahis compose avec une secrète hypocrisie. Le moins soutenable de par le monde passe en contrebande.

Ainsi le jour de la grève imprévue, le débrayage arrange le conducteur à l’heure où la rue pleure.

Contradictoires, ces deux signaux clignent vers la fréquente ambivalence des mouvements sociaux. Dans ce même ordre d’idées, l’implosion du covoiturage sourd de la grève sauvage. Cet effet collatéral surprend les intéressés aux aléas de la circulation. Depuis l’an dernier, un groupe d’étude auquel je participe mène l’enquête sur les moyens de maximaliser l’usage du covoiturage. En langue arabe, ce mot n’existe pas et à l’orée de l’entretien, les enquêteurs se voient contraints de recourir à une paraphrase avant de passer au vif du sujet. L’exigence de ce préalable aux interrogations débusque la seconde indication.

Pratique encore embryonnaire en Tunisie et devenue routinière ailleurs, le covoiturage donne lieu à une situation où l’introduction du signifiant précède celle du signifié. Le mot devance la chose dirait Foucault. Mais outre ce décalage chronologique, une autre arythmie sépare les avantages objectifs du covoiturage et sa représentation par une faible proportion de l’échantillon. Pour cette minorité, la réticence opposée à l’acceptation de cette pratique rejoint les catégories de pensée mises en œuvre durant la discussion parlementaire où l’ainsi nommée « complémentarité » fut proposée à la place de l’égalité. Par le mélange des genres, une légalisation du covoiturage pourrait importuner les croyants installés auprès des mécréants.

En dépit de ces réserves à connotation religieuse, la majorité finit par admettre les bienfaits mentionnés par les enquêteurs confrontés aux questionnés.

Loin du monde et du bruit

Tel un corps étranger, le covoiturage, processus importé, donne lieu à la dialectique de l’adoption et du rejet.

Une autre conclusion prolonge la problématisation. Le groupe d’étude et l’Agence d’urbanisme du grand Tunis, intéressés par la promotion du covoiturage, mentionnent ses multiples avantages. Entretenu par les embouteillages endémiques, le gaspillage énergétique surajoute ses tares économiques aux dégâts écologiques. Des atouts infigurables confortent les profits quantifiables, dans la mesure où le partage des charges, lors des voyages favorise l’apprentissage de la citoyenneté, art du vivre ensemble aujourd’hui compromis. Les réunions renouvelées finissent par inculquer l’impression de maîtriser plus ou moins, l’œuvre à réaliser. Mais le soudain recours au covoiturage à l’occasion du brusque débrayage et à l’insu de chacun oriente la réflexion vers de nouvelles directions.

Car la part du hasard dans la transformation sociale relativise la prétention démiurgique des censés la gérer. L’imprévu les rappelle à l’ordre au moment où le désordre de ce débrayage sauvage enfante l’appréciable covoiturage. L’aléatoire hante l’histoire et pour cette raison rédhibitoire, l’historien préfère assigner à son métier la prévision du passé. Quant à l’avenir seul Dieu le sait mais pour Durkheim « Dieu, c’est la société où le spontané subvertit l’organisé ». De cela fuse une foule de sujets encore inabordés.

Comme par magie, les réticences éprouvées envers le covoiturage cèdent face à l’intérêt de surmonter la conjoncture provoquée lors de la grève sans préavis. Ce profit objectif l’emporte sur le ressenti au plan subjectif. C’est pourquoi la « mentalité » n’existe pas, car il n’est de psychologie que sociale.

Lévy-Bruhl réservait la raison à l’Occident et attribuait « la mentalité primitive » aux autres.

Mais voici l’Inde, la Chine, le Brésil ou le Japon sur les hauteurs des nations par la grâce de la raison. En dépit de vrais acquis scientifiques, l’ethnologisme dégage un parfum de racisme.

Une ultime conclusion brille à l’horizon de cette prospection. Le conducteur débarrassé de l’embouteillage, le temps de la grève sauvage, mêle à son éphémère satisfaction, une libération de l’imagination. Au plan symbolique et asymptotique la raréfaction de la circulation, toute relative, pointe néanmoins vers le degré zéro de la croissance économique.

Pour le poète, la beauté rechigne à recourir au « mouvement qui déplace les lignes ». Selon le sage, ennemi juré de la vaine agitation et du bruit « nul bonheur n’est aussi grand que la paix de l’esprit ».

Epicuriens et stoïciens désignaient cette quiétude radicale par le terme « ataraxie ».

Pour une meilleure présence des femmes chefs d’entreprises dans les structures de l’UTICA

La Chambre nationale des femmes Chefs d’entreprises  (CNFCE), en partenariat avec L’Organisation internationale du travail (OIT) a organisé, le 29 janvier dernier, une conférence-débat sur « le renforcement de la présence des femmes chefs d’entreprises dans les structures de l’UTICA ».

Cette action conjointe de la CNFCE et de l’OIT entre dans le cadre du projet «Travail décent pour les femmes en Tunisie et en Egypte : voie à suivre après la révolution», mis en œuvre par l’OIT et financé par le ministère des Affaires étrangères de Finlande (années 2012-2015) et qui a pour but de renforcer les capacités de la femme (en Tunisie et en Egypte) en vue d’une participation active et effective dans le marché du travail et l’amélioration des institutions du marché du travail.

Une étude démontrait que le taux moyen de présence des femmes chefs d’entreprises dans les structures nationales et régionales de l’UTICA ne dépasse pas 10% (soit une femme sur dix élus). En outre, les disparités sont énormes entre les régions lorsque par exemple, le Grand Tunis affiche des taux oscillant entre 9 et 14% selon ses gouvernorats tandis que Sfax ne dépasse pas les 6%. Tozeur reste la ville la mieux représentée avec un taux de 16%.

Parmi les nombreuses recommandations qui ont été retenues durant la conférence, il a été noté :

la mise en oeuvre d’un plan de sensibilisation au niveau des bases de l’UTICA pour mobiliser les femmes chefs d’entreprises dans les Unions régionales et les chambres professionnelles régionales et locales,

Le lancement d’une campagne de formation sur la culture syndicale patronale au niveau régional,

la fixation d’un objectif d’un taux de 25 à 30% de participation des femmes chefs d’entreprises dans toutes les structures de l’UTICA

La prochaine étape de l’action consistera en une planification concrète au niveau régional pour inciter les femmes chefs d’entreprises à s’intégrer aux structures syndicales.

 

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