C’est la première fois que Hiba Tawaji monte sur la scène du théâtre romain de Carthage. C’est en effet lors de la soirée du 29 juillet 2018 marquant la 54e édition de ce festival international que Hiba avait fait son apparition sur cette scène légendaire après un prélude de musique instrumentale effectué par Oussema Rahabani. Ce couple artistique avait donné naissance à trois albums : La Bidaya wala nihaya, Ya Habibi, HibaHiba Tawaji 30.
À la base Hiba est une comédienne mais aussi réalisatrice. Elle a fait ses études à l’université de Bayrût. Grace à ses performances artistiques et son timbre vocal s’inscrivant dans le genre slow Hiba Tawaji s’impose peu à peu sur la scène musicale libanaise. En 2015, elle est encouragée par Oussema Rahabani, qu’elle avait rencontré pour la première fois en 2008, à participer à la 4e saison de The Voice, la plus belle voix en France. Lors de cette compétition musicale grand public, elle fait une apparition remarquée. Elle réussit à séduire le public mais avant tout elle convainc les 4 coachs parrains de cette émission qui ne sont autres que les fameux : Florent Pagny, Jennifer, Mika et Zazie. Ceux-ci sont séduits à l’aveugle et se retournent pour l’avoir dans leurs équipes respectives (principe du jeu). À travers cette émission, la boule de neige commence à prendre d’autant que l’artiste a été demi-finaliste. La carrière de Hiba Tawaji prend, chemin faisant, une allure internationale. En l’occurrence, en mai 2016, ce sont les producteurs de la comédie musicale « Notre-Dame de Paris » qui la remarquent et l’intègrent. De ce fait, constatant son talent de comédienne, la vigueur de sa voix ainsi que sa capacité de changer de gamme et de mode, sa forte personnalité, son charisme et son charme sur scène, ils lui proposent le rôle d’Esmeralda. Rôle qui lui colle à la peau et qu’elle joue depuis cette date avec troupe avec laquelle elle fait une tournée mondiale.
Sur les pas de Fairouz ?
Depuis maintenant 10 ans et plus particulièrement en 2008, elle fait la rencontre de Oussema Rahbani avec lequel elle entraîne sa voix et fait des exercices. Lui, il la considère comme sa muse, elle l’inspire, lui donne des idées pour produire des mélodies. Celles-ci deviennent des succès commerciaux à l’instar de la Bidaya wala nihaya. Le credo de ce couple est de garder l’identité libanaise en la reliant à une légèreté mélodique et la rendant accessible internationalement. Leur but est donc l’exportation de leur art à travers le monde entier d’autant plus que la communauté libanaise et arabe se trouve partout. Dans cette perspective, s’appuyant entre autres sur le grand patrimoine laissée par la chanteuse Fairouz notamment la chanson Hanna Al Sakran composée par Elyess Rahabani, Hiba veut s’inscrire dans cette lignée de la mélodie courte mais percutante. Elle use donc de cet héritage. Accompagnée de sa troupe (musiciens et choristes) dirigée par le maestro et compositeur libanais, Oussema Rahabani, Hiba Tawji a interprété lors du concert du 29 juillet 2018 des airs de son nouvel album « Hiba Tawaji 30 » à l’exemple Yalla norkos ou encore Inta fallit (tu es parti) en plus des chansons de ses anciens albums comme Holm (Rêve) ou encore Khalas (ça suffit) qu’elle avait interprétée sur un fond d’écran montrant la scène de la capitale française Paris.
Aux rythmes de la Debka libanaise, de la salsa, du jazz ou de la musique électronique, Hiba Tawaji a chanté en arabe et en français, l’amour, le métissage et la joie de vivre. À chaque fois, elle ne manquait pas de solliciter son public à la rejoindre dans sa prestation artistique chaleureuse pleine de jeunesse et de fougue. Ainsi, tout le spectacle durant, Hiba Tawaji s’est emparée du théâtre de Carthage en montrant sa palette de prouesses créatives à travers la maîtrise de l’art du show, un chant énergique, des danses séduisantes et fraîches voire parfois un mood newyorkais très romantique.
Public majoritairement adolescent
Lors de sa prestation, la cantatrice n’a pas manqué de se prendre en selfie en chantant. Elle dit à son public qu’elle va diffuser cela sur les « réseaux sociaux ». Cette nouvelle attitude du créateur sur scène montre que la chanteuse est très jeune en même temps, elle séduit un public jeune en harmonie avec le temps présent et ses incertitudes mais pas au-delà. Hiba fait attention à la mise en scène de ses chansons et a travaillé en ce qui concerne le concert du 29 juillet avec un écran géant donnant à chaque fois une thématique et un background communicatifs à sa performance. Ses chansons sont souvent romantiques et abordent les thèmes de l’amour et de ses chagrins ; le tout de façon très juvénile, consommée et fragile. Le mode des chansons renvoie donc un style qui séduit surtout une population adolescente découvrant la vie et ses affres.
La chanteuse n’a pas de complexe pour dire qu’elle ne veut pas proposer des chansons « élitistes » et qu’elle veut offrir plutôt des chansons « grand-public » c’est-à-dire commerciales qui drainent des foules. De ce fait, l’artiste même si elle travaille avec un des Rahabani, elle s’inscrit dans cette culture libanaise mainstream qui s’exporte bien par sa souplesse et sa légèreté mélodique couplée un accent sexy ; lequel fait tomber sous le charme tout autant la gente masculine que féminine. Entre chant, danse et applaudissement, le public a découvert in fine une artiste complète à la voix forte, douce et fragile. En outre, la cantatrice est capable de chanter dans un français sans accent au point qu’elle fait oublier son identité libanaise. C’est de cette façon qu’elle a interprété avec brio et une grande justesse et force la chanson de Françoise Hardy ‘’Mon amie la rose’’ en plus d’un medley de la comédie musicale française.Promettant au public de retourner, l’artiste a proposé deux chansons de notre patrimoine musical : Sidi mansour, celle qui a fait le succès de Saber Rebai et Ah yakhlila de notre magistrale chanteuse Saliha. La question qui demeure malgré ce concert de qualité est la suivante : Hiba Tawaji laissera-t-elle son empreinte dans le domaine du chant comme l’avait fait cette dernière ? Franchement, on ne le croit pas.
Mohamed Ali Elhaou