Hizb Ettahrir : La pleine contradiction 

 

 Par Hajer Ajroudi

« La Révolution, du 14 janvier 2011,  de la liberté et de la dignité  est une apostasie,   la démocratie aussi », scandait un jeune lors d’un rassemblement tenu par Hizb Ettahrir, à l’Avenue Habib Bourguiba, au cœur de Tunis, en ce 14 janvier 2015, date de la commémoration de l’an quatre de la  Révolution. La même personne, entonnait avec  ses compagnons : « La laïcité, c’est du terrorisme, notre califat est à nos portes » ou encore « La laïcité, c’est du totalitarisme, l’Islam est la solution ».
Au-delà de la teneur de ce discours haineux   que ce parti a pris l’habitude de diffuser à tout bout de champ,  ce qui inquiète le plus, c’est la persistance de ses  sympathisants  à crier leur rejet de tout ce qui représente les fondements de la démocratie et de l’Etat civil.

Vraisemblablement, ils se sont trompés de lieu et de temps.  En tenant leur  rassemblement à l’avenue  Habib Bourguiba, lieu emblématique du déclenchement de la Révolution tunisienne de la liberté et de la dignité, ils se sont mis hors-jeu.

Le point noir de cette célébration de la Révolution de la liberté et la dignité, c’est la présence massive des partisans de Hizb Ettahrir (parti autorisé, en 2012, par le gouvernement Ennahdha). Un parti qui récuse l’Etat civil en faveur d’un Etat religieux. Les partisans de ce parti islamiste qui ne reconnaissent ni élections, ni Constitution et encore moins l’Etat civil, appellent à l’instauration du Califat en Tunisie et à la mort de l’Etat civil. Hizb Ettahrir tout en se réclamant comme un parti qui ne prône pas la violence, joue à fond la provocation en déclarant haut et fort qu’il ne reconnait nullement la République et qu’il n’a pas changé ses propres principes.

Agitant leur fameux étendard noir, le même que celui utilisé par Al-Qaïda, Ansar Al charia et Daêch, les partisans de Hizb Ettahrir criaient «Allahou Akbar», «A bas la constitution», ou encore «Non à la laïcité, c’est la loi d’Allah qui va bientôt s’installer».Aux côtés de ces extrémistes, défilaient des ex-dirigeants des Ligues de la protection de la Révolution (LPR), milices dissoutes par décision de justice, qui ont célébré la fête de la jeunesse et de la Révolution en brandissant des pancartes sur lesquelles était écrit le slogan provocateur «Je ne suis pas Charlie.

Lors de cette manifestation,  ils ont scandé des slogans anti-laïcité, appelant à l’application de la Charia.

« La laïcité est  terrorisme, notre califat est à nos porte », « laicité est tyrannie, le califat est le sauveur du pays » ont-ils crié à tue-tête. D’autres slogans anti-régime ont été brandis comme « Serviteurs d’ambassadeurs, Dieu vous surveille ».

A un moment où le pays avance sur la voie de la construction d’un Etat de Droit et de la mise en place des institutions pérennes de la deuxième République, Hizb Ettahrir se fourvoie dans ses propres contradictions. Il use de la liberté d’expression, l’un des fondements de tout système démocratique, tout en refusant toute forme d’expression libre et en classant ses défenseurs comme des apostats.

 

Sahbi Jouini : un discours haineux

Le discours prononcé est une menace pour l’Etat, le drapeau et  les slogans nous rappellent des groupes classés terroristes comme Ansar Al Charia ou Daêch qui prônent la négation de l’Etat et des institutions républicaines. Il s’agit d’un discours haineux appelant à la division, à la disparition de l’Etat civil et à l’instauration du califat. Néanmoins, on ne peut empêcher ce genre de rassemblement, car dans un Etat de droit, les libertés sont protégées, y compris la liberté de manifestation et de rassemblement.  Quant à la teneur du  discours de ce parti légal, on reste circonspect, dans la mesure où on se trouve devant un véritable dilemme. Si des propos similaires ont été proférés par de tierces personnes, ils auraient justifié des poursuites judiciaires, car elles comportent une incitation claire à la haine et à la violence.

Alors que nous avons les mains liés par la loi et sommes tenus de respecter les valeurs de la République, eux en profitent et les bafouent.

 

 

Alaya Allani: « Il n’y a pas de place pour les courants obscurantistes »

 

Comment peut-on préserver l’Etat de droit sans toucher au droit des islamistes dans l’expression de leur orientation ? Peut-on traiter le dossier comme une menace à la sécurité nationale et au régime républicain ou inscrire ce comportement dans le sens de la liberté d’expression et que cela ne représente aucun danger pour le pays?

Cette équation, préserver la liberté d’expression tout en respectant l’Etat de droit est possible mais en appliquant certaines conditions.

D’abord, la liberté d’expression ne mène pas à imposer par la force et sans respect de la loi, ses idées aux autres.

S’agissant des islamistes, ils ont le doit de s’exprimer, comme tout un chacun,  librement sur toutes les questions qui touchent à la vie publique comme la gouvernance, les programmes politiques et économiques ou encore les sujets à caractère idéologique ou la relation entre la religion et l’Etat…toutefois la divergence des opinions doit respecter le droit à la différence et réfuter la violence. Ce qui, malheureusement n’est pas le cas de certains courants religieux qui attaquent leurs opposants et ceux qui pensent différemment, allant jusqu’à les menacer dans leur vie privée.

Pour éviter cela, il est important qu’un débat entre tous les courants politiques et idéologiques soit lancé, même à travers les médias. Ce débat doit mettre face à face des représentants des courants islamiste salafiste et laïc, ainsi que Hizeb Ettahrir, qui continue à développer un discours anticonstitutionnel. Ce débat doit respecter les règles du jeu démocratique dans le strict respect de la Constitution et du régime républicain. Malheureusement, ce débat n’a pas eu lieu quand Ennahdha était au pouvoir, car le mouvement refusait le dialogue avec les courants salafistes, particulièrement Hizeb Ettahrir, tout en les considérant comme un réservoir électoral. Il faut se rappeler qu’Ennahdha semble avoir retardé sciemment sa « confrontation » avec Ansar Al Charia malgré un certain nombre d’attentats commis par ce courant.

A travers son discours et les valeurs qu’il prône, Hizb Ettahrir est loin de s’inscrire dans le processus moderniste de la Tunisie ni reconnaître les principes de la démocratie.

Le fait qu’il soit reconnu en tant que parti légal et que la Constitution de la 2e République garantit le droit de s’exprimer librement, ne l’autorise nullement à bafouer les principes constitutionnels et à ignorer les lois en vigueur.

En fait, je pense, qu’on ne peut faire participer ce courant ou lui donner un rôle dans la vie politique, s’il persiste dans son rejet de la Constitution et son refus de la démocratie.

Tout parti qui prône la haine, la violence et le non respect de l’autre, un parti qui appelle à l’établissement d’un califat et à l’adoption de valeurs rétrogrades ne peut en aucune manière enrichir un débat sur l’avenir du pays. L’obscurantisme n’a pas droit de cité en Tunisie où seule la volonté du peuple prévaut.

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