Mezri Chekir ou le repos du guerrier

Grand commis de l’État, Mezri Chekir qui vient de disparaitre à 80 ans, a fait ses classes, aux côtés des bourguibiens de pure souche.  Natif de Monastir, qui vient de lui rendre un hommage, digne, sinon émouvant, ce fils du bled, nourri, de  culture révolutionnaire  post coloniale, imbu des préceptes bourguibiens, n’a pas tardé à l’ombre de Mohamed Mzali, et sous la houlette de Bourguiba, d’émerger, du lot pour occuper les plus hautes fonctions, de l’État. Il a  entamé sa carrière sur les  chapeaux  des roues  en tant que gouverneur de Gafsa région chaude s’il en est, et où Bourguiba a voulu tester ses capacités d’homme politique d’abord,  de gestionnaire ensuite. Après   ce  baptême  réussi, on lui confia Bizerte, où il ne laissa que des amis, et un bilan plus que satisfaisant. Son passage à l’office appelé à l’époque du planning familial, et de la population  est à marquer d’une pierre blanche, tant sa réussite  avait  forcé l’admiration, et la considération  du premier ministre de l’époque le grand Hédi Nouira. 

Navigateur d’exception, il appartient, à cette cohorte, de plus en plus restreinte, d’hommes libres,  capables, dans la pleine mesure de leur capacité, d’affronter l’extrême, et d’y survivre. ce qui lui a valu, cette réflexion de Bourguiba , lors d’une cérémonie à Carthage de présentation des résultats  de l’ONFP, dans les zones rurales,  où la ligature des trompes  battait son plein.  « ce Mezri Chekir, bien que parti de rien (comme tous ceux qui ont réussi), me rappelle par sa fougue, son opiniâtreté, son amour du devoir bien accompli, ma jeunesse. Qu’il poursuive et je le nommerai ministre !», ce qu’il ne tarda pas à faire, au grand dam des jaloux, et des haineux qui, enviaient sa réussite. Ministre de la fonction publique et de la réforme administrative, pendant 4 ans, il jeta les bases, d’un plan de restructuration, (retraite, mutation, mise en disponibilité, assurance maladie, accidents du travail etc.) dont les fonctionnaires de l’État, tirent profit jusqu’à nos jours. Propulsé membre du bureau politique, du parti socialiste destourien, il  se verra confié par Bourguiba plusieurs missions ponctuelles notamment à l’étranger : affaire palestinienne, pourparlers avec l’UE, émissaire auprès des chefs d’Etat maghrébins, etc.

Proche, des milieux culturels, depuis le lancement de la T.V. tunisienne, en 1966, à laquelle il a grandement contribué avec Béchir Ben Slama, au cabinet de Mohamed Mzali, il restera depuis, de par sa grandeur d’âme, l’ami des artistes, et le mécène que l’on consulte, le père, l’ami, le conseiller de cette corporation, à la sensibilité si particulière et attachante.

Ceci côté jardin, côté cours maintenant :

Le déclin commença avec  la  bataille de succession de Bourguiba, ses adversaires ayant décelé chez lui, une grande capacité de nuisance à leur plan machiavélique de prise de pouvoir, et remarquant qu’il était le gourou de Mzali, sinon sa tête pensante, ils décidèrent de l’éloigner de ce dernier, en l’envoyant grâce à des complicités à Carthage, au bord du lac Leman, en tant qu’ambassadeur auprès des organismes de l’ONU à Genève, avant qu’une cabale ne fut lancée à son encontre par les chiens de service, qui  décidèrent de l’abattre politiquement… En vain, ou presque.

Pour conclure, disons qu’aujourd’hui, dans  ce monde où la bravitude  a laissé la place aux turpitudes, la Tunisie a mérité de cet homme,  et de beaucoup de ses semblables,  qui ont bâti l’État moderne… en voie de décomposition.

 

Sejir Chebil

 

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