Le Professeur Kassab, 1926 – 1986
« Je veux apporter mon témoignage en hommage à ce grand homme qui a écrit l’histoire de l’orthopédie tunisienne et dire que, pratiquement, tous les orthopédistes tunisiens ont été formés par lui.
En 1981, de retour de mon internat à Paris, il a accepté de m’intégrer dans son équipe en tant qu’assistant, ce qui m’a permis d’exercer ma spécialité et je lui serai toute ma vie reconnaissant.
Je fus tellement subjugué par les qualités de cet homme et sa maîtrise magistrale du Centre d’Orthopédie, que j’ai renoncé à repartir en France où j’avais un poste de chef de clinique.
La Tunisie vit depuis quelques années des moments difficiles et parler en ce moment du Professeur Mohamed Taieb Kassab nous remet du baume au cœur et montre la voie aux jeunes générations de notre pays.
Mourad Kassab , son fils a suivi la même voie pour devenir chirurgien orthopédiste , et à l’occasion du 20e anniversaire de la disparition de son père, il avait déjà écrit un bel article retraçant son parcours, un parcours exceptionnel que vous trouverez ici« .
Maher Ben Ghachem*
*Maher Ben Ghachem est ancien interne des Hopitaux de Paris Orthopédie de l’enfant et de l’adolescent Ancien professeur à La faculté de médecine de Tunis Ancien chef de service à l’hôpital d’enfants
L’homage du Pr. Jean Dubousset*
*Jean Dubousset, né en France , en 1936, est chirurgien orthopédiste pédiatre. Professeur émérite des universités (Université René Descartes). Membre titulaire de l’Académie Nationale de Médecine et de l’académie de chirurgie. Plusieurs fois récompensé pour ses travaux sur la scoliose et les tumeurs osseuses malignes chez l’enfant.
A l’occasion du 30e anniversaire de la disparition de M.T. Kassab , Maher Ben Ghachem, m’a demandé d’écrire un petit mot à cette occasion , ce que j’ai accepté immédiatement avec joie et Honneur .
En effet j’ai toujours considéré Mohamed Taieb Kassab comme un grand Tunisien , un grand serviteur pour son pays, et il était devenu un ami pour moi . Je l’ai connu alors que j’étais interne à Cochin dans le service de Robert Merle d’Aubigné , où il était chef de clinique venant d’arriver de Londres où il avait eu une solide formation orthopédique .
J’ai eu ce que je considère comme un privilège, celui de prendre mes gardes le mardi toujours avec lui, mes collègues n’appréciant pas trop sa rigueur, mais qui, moi, me convenait bien. Il m’a beaucoup appris , car il était toujours disponible , habitant en permanence au 5ème étage du pavillon Ollier.
Puis il est rentré dans son pays et je n’ai plus entendu parler de lui sauf que je le revoyais régulièrement avec joie à l’occasion des congrès de la Sofcot qu’il ne manquait jamais.
Jusqu’au jour où je j’ai vu débarquer à la clinique Labrouste à Paris, un lundi matin, pendant que j’opérais, et Mohamed me demande : «Serais tu d’accord pour venir à Tunis dans le centre orthopédique que j’ai crée à Ksar Saïd, pour 1 ou 2 semaines, 2 fois par an pour nous enseigner l’Orthopédie Pédiatrique ? » « Bien sûr OK , mais que faudra t’il faire ?» lui dis je . Il me répond « tu viendras avec ta femme Anne Marie qui est médecin anesthésiste pédiatre, Tu opéreras 3 ou 4 fois dans la semaine en démonstrations et enseignement des malades que l’on aura vu en consultation et sélectionnés à ton égard, mais que tu verras bien sûr pour confirmer ou non l’indication. Ton épouse endormira les patients tout en enseignant les infirmiers et infirmières anesthésistes du service » .
C’est ce que nous avons fait pendant plus de 15 ans, où j’ai découvert les qualités de Mohamed Kassab, d’organisation et de fonctionnement de Ksar Saîd, et bien sûr sa rigueur que je connaissais déjà. Ce fût une grande époque dans ma vie professionnelle et j’en garde un souvenir merveilleux .
Imaginez par exemple, un des sujets d’enseignement, choisi 6 mois ou 1 an à l’avance, par exemple : Arthrgrippose, ou une autre fois Dysraphismes Médullaire, une autre fois les tumeurs bénignes , malignes , ect … Je faisais le topo, 45 minutes, en montrant les problèmes, les solutions, les interrogations, le plus didactique possible, et ensuite, Miracle! pendant 2, 3 ou 4 heures, on voyait les malades vus avec ce diagnostic par les assistants ou Mohamed lui-même pendant les 6 mois ou un an précédent, tous convoqués pour cette consultation! C’était merveilleux et pour moi ,une des meilleures façon d’enseigner. Merci MT Kassab pour de telles idées .
Merci aussi quand on voyait la rigueur du classement des priorités thérapeutiques instaurées par MT Kassab en fonction des besoins réels du pays : Infections, Traumatologie , Luxations congénitales de hanche , les IMC ne venaient qu’en 4 ème position !!
Merci aussi pour cette visite du samedi matin avec vérification de tous les dossiers et des résultats immédiats, le ton montait vis-à-vis des internes et assistants devant les manquements, les oublis ou erreurs , il débutait en français , puis il se continuait en Anglais lorsque les fautes s’accumulaient , et se terminait en Arabe lorsque elles débordaient le vase !
J’avais remarqué aussi sa manière essayant de toujours être le plus juste vis-à-vis de sa conscience en présence d’un conflit personnel ou administratif.
Je ne parlerai pas non plus des liens affectifs que nous avions tissés l’un envers l’autre pendant toutes ces années
Oui Mohamed Taieb Kassab doit être considéré comme le pilier fondateur de l’orthopédie moderne en Tunisie, et ses élèves qui l’ont respecté et essayé de suivre son exemple sont bien là pour en témoigner .
Oui je respecte sa mémoire et continue d’admirer son œuvre et c’est beaucoup grâce à lui que je considère la Tunisie comme mon second Pays .
Jean Dubousset