Hydrocarbures : Comment relancer l’investissement ?

La flambée actuelle des prix du pétrole brut sur le marché mondial est en train d’approfondir davantage la grave crise des finances publiques, en alourdissant de façon significative la subvention consacrée aux hydrocarbures, alors que le manque de ressources financières pour équilibrer le budget 2018, est déjà de l’ordre de 7 milliards de dinars.
En effet, la subvention réservée à l’énergie dans le budget de l’Etat qui était de 1500 millions de dinars, va doubler pour se situer à 3000 millions de dinars.
L’Etat a augmenté deux fois depuis le début de l’année le prix de l’essence à la pompe et le fera une troisième fois début juillet, mais nous sommes encore loin de la vérité des prix alors que les prix du carburant handicapent lourdement le budget du Tunisien moyen.
En effet, le prix du baril de pétrole brut sur le marché mondial frise les 80 dollars, alors qu’il était coté à 54 dollars lors de la préparation du projet de budget de l’Etat pour 2018.
Le prix de 80 dollars, selon les experts, est appelé à s’emballer dans les mois à venir, lors de l’hiver prochain, pour plusieurs raisons : d’abord l’économie mondiale est en pleine croissance, autour de 3,5% en 2018 selon la Banque mondiale, ce qui fait croître la consommation d’énergie, donc la demande en pétrole.
Ensuite, à cause de la multiplication des foyers de tension, notamment dans les zones de production comme l’Iran, la libye et la Syrie.
Selon l’Institut national de la statistique, notre pays a produit 40.000 barils de pétrole par jour en moyenne durant le premier trimestre 2018 contre 70.000 en 2010.
Cette chute sévère de la production est imputée par l’INS essentiellement aux mouvements répétés et aux blocages au niveau des circuits de transport de la production de la part des travailleurs du secteur et des sans-emplois candidats au recrutement.
Mais, il y a également une pression fiscale considérée par les compagnies pétrolières comme peu favorable aux investissements. Ce constat est également partagé par l’Institut géologique global Pétrolium Servey dans son dernier rapport.
En 2010, il y avait en Tunisie 54 autorisations de prospection accordées à des compagnies pétrolières. En 2018, il n’y a plus que 28, c’est dire l’exode sinon la désaffection vis-à-vis du site Tunisie, tandis que 8 permis de prospection seulement sont à l’étude. Il faut dire que l’article 13 qui soumet les octrois de permis à l’ARP est une source de lourdeurs, de pertes de temps précieux et de tergiversations ne permettant pas de déceler la corruption si celle-ci existe.
Toute augmentation de 10 dollars du prix du baril engendre une dépense budgétaire supplémentaire de 100 millions de dinars, compte tenu du volume de notre consommation nationale en énergie.
La répercussion de la baisse du taux de change du dinar sur le budget de l’Etat, est également lourde : lors de l’élaboration du budget de l’Etat pour 2018, le taux de change retenu était d’un dollar (2,5 dinars).
Vu l’effondrement de la valeur du dinar, tout glissement de 10 millimes du prix du baril engendre un surcoût de 30 MD.
Le déficit de la balance énergétique extérieure s’approfondit de plus en plus, car notre consommation nationale augmente de 3% par an en moyenne, alors que la production baisse de façon sensible.
Nous sommes contraints, pour faire face à la progression de la consommation, de construire une centrale électrique de 100 mégawatts tous les 2 à 3 ans.
Notre consommation énergétique nationale est de l’ordre de 9 millions de tonnes équivalent pétrole et nous importons les 50% en 2018, alors qu’en 2010, notre déficit était seulement de 7%.
Il faudrait signaler qu’il y a deux projets d’exploitation de gisements de gaz qui sont plutôt prometteurs pour l’avenir, dont le premier est en phase d’achèvement. Il s’agit du projet Nawara : les travaux de construction du gazoduc qui doit parvenir jusqu’à Gabès, ont atteint 90% et la mise en service est prévue pour la fin du premier trimestre 2019 selon le PDG de l’ETAP, copropriétaire à 50% du projet.
Le coût de l’investissement est évalué à 400 millions d’euros tandis que la production devrait atteindre 2,7 millions de mètres cubes de gaz et 7000 barils de dérivés du gaz par jour, soit 17% de la consommation nationale.
Le financement ayant été assuré par l’AFD, la BEI et la BAD.
Le gisement de gaz de Zaraat qui exige un investissement de l’ordre de 400 millions d’euros, sera financé également, aussi bien par des institutions financières internationales que par des banques locales. Dès leur entrée en production, ces deux projets vont réduire quelque peu notre déficit énergétique et nos importations de gaz algérien.
Or, les pouvoirs publics ne font pas d’efforts spectaculaires pour développer les investissements extérieurs en matière de recherche, prospection, production et développement d’énergies fossiles.
Nous avons besoin d’urgence d’un nouveau code des hydrocarbures plus incitatif et plus attractif pour les investisseurs étrangers.
La fiscalité tunisienne relative aux productions énergétiques est la plus lourde au monde :entre 75% et 80% de la production vont à l’Etat sous forme d’impôts et taxes. Celui-ci contrôle les compteurs de puisage. Il faut dire que la structure géologique du sous-sol tunisien n’est pas propice aux gisements prospères, productifs et très rentables. Par ailleurs, le taux de réussite des forages est de l’ordre de 15%, ce qui réduit la rentabilité des gisements.
Il faudrait revoir la fiscalité et réduire les formalités administratives trop lourdes.
Nous devons profiter de la haute conjoncture actuelle des prix pour organiser une grande manifestation à laquelle seraient invitées les grandes compagnies pétrolières afin de leur proposer le nouveau code des investissements avec ses avantages fiscaux et financiers, ainsi que le futur code des hydrocarbures, revu et corrigé.

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