Chaque fois que je lis les rapports américains relatifs aux Droits de l’Homme, une crise de fou rire me prend. Car je ne trouve rien d’autre à payer en contrepartie de l’hypocrisie américaine qui a atteint des degrés de naïveté impossibles à décrire. C’est que nous sommes devant un cas grave de « schizophrénie du pouvoir ». L’administration américaine implique une volonté délibérée de brandir des slogans éthiques francs et sans ambiguïté, mais de pratiquer le contraire sur le terrain, sans ambages, là non plus ! En ce sens, nous pouvons concevoir que ce grand pays a perdu sa guerre des slogans, avec des prises de position burlesques, quand il s’agit de Droits de l’Homme et de liberté d’expression.
La première puissance mondiale adopte une typologie d’allégeance dont le critère principal est d’être ou de ne pas être mon allié. Ainsi, n’est un « oasis pour les Droits de l’Homme » que mon allié, serait-il Israël, avec ses crimes racistes, alors que les « foyers de l’oppression » correspondent exactement aux pays qui refusent la politique de soumission, d’hégémonie et d’exploitation. Pour ce qui concerne le fond de ces rapports, tragiquement choquants, nous n’y voyons que des contradictions criardes, à commencer par l’exception de quelques dictatures et démocratures de la liste des pays qui transgressent les libertés individuelles, alors qu’elles se placent de fait aujourd’hui à leur tête, en se dissimulant derrière mille et une couvertures. Ce qui se passe au pays de l’Oncle Sam en termes de confiscation des libertés, d’oppression des minorités, d’intimidation des opinions contraires, d’incitation à la haine et d’attisement des guerres de cultures et de religions, de voyeurisme dont fait les frais la vie privée des citoyens, d’emprisonnement des suspects sans jugement, n’a d’égal que dans les pires dictatures. Quant à l’usage de la torture, «l’idéologie américaine» est désormais entachée par les images des prisons d’Abou Ghrib, de Guantanamo, diffusées à travers le monde, s’embourbant dans la boue du sadisme le plus cruel.
Dans ce pays, la société Walt Disney a été menacée d’être retirée de la liste des bénéficiaires de la réduction d’impôts si elle venait à distribuer le film de Michael Moore «Fahrenheit 9/11». La société a dû céder aux menaces et a décidé de ne pas diffuser le film aux USA ! Idem pour la journaliste américaine Judith Miller qui a fait l’objet d’une injustice flagrante, allant jusqu’à son emprisonnement, parce qu’elle a refusé de livrer ses sources. Avant elle, on a forcé la chaîne CNN à renvoyer son envoyé spécial en Irak Phillip Smaker. Ils avaient forcé aussi la chaîne NBC de limoger Peter Arnett. Et ce ne sont pas là des faits isolés. Cela fait des années que les autorités américaines pratiquent le «no-platforming» qu’on pourrait traduire par «interdiction de tribune». Pire encore. Pendant son mandat présidentiel, Donald Trump a fait fermer pratiquement toutes les cliniques du Sud du pays, pratiquant l’interruption volontaire de grossesse.
De même, les Droits humains les plus élémentaires sont sujets à des agressions inhabituelles. La plus récente est la censure officielle des médias russes. Quant à la liberté de culte, alors là, c’est édifiant. Ce que viennent de faire dernièrement plusieurs Etats américains, dirigés par les républicains évangélistes, pour empêcher la construction de minarets, n’est qu’un maillon d’une longue chaîne de transgression des Droits humains. Pour ce qui est de la minorité musulmane et de ce qu’elle subit en termes de tracasseries, de terreur, c’est devenu presque une pratique routinière depuis les attentats du 11 septembre 2001. De même, cet engagement franc et immuable de l’administration américaine à priver la diaspora palestinienne du droit de retour «afin de conserver le caractère juif de l’État d’Israël» n’est-il pas la consécration criante de la discrimination religieuse !?
Voilà donc, à titre d’exemple, ce qui se passe dans le domaine des Droits de l’Homme aux États-Unis qui se sont érigés en donneurs de leçons gratuites, alors qu’ils feraient mieux de balayer d’abord devant chez eux.
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