La prestigieuse organisation américaine, Projet Mondial de la Justice, dont la présidence d’honneur est assurée par des personnalités célèbres telles que l’ancien président des Etats Unis Jimmy Carter ou au aussi l’ancienne présidente de l’Irlande Marry Robinson, a choisi le Tunisien Kamel Ayadi pour être son candidat à un prix international sur l’engagement à long terme pour la lutte contre la corruption. Sa candidature a été également appuyée par quatre autres organisations internationales de renom, basées
respectivement à Londres, Genève, Paris et Ottawa, en plus de personnalités tunisiennes ayant consigné leurs témoignages par des lettres officielles. Dans leurs lettres d’appui, les organisations donnent un témoignage vibrant sur les qualités du candidat tunisien, ses travaux et son engagement au niveau national et international pour cette cause.
Cette information nous fait revenir à un fait que nous avons traité sur ce même espace, il y a juste trois mois, concernant, justement, Kamel Ayadi, et ce à la lumière de cette consécration internationale et la reconnaissance nationale dont celui-ci a fait l’objet suite à sa récente nomination par le Président de la République à la tête d’une importante institution qu’est le Haut Comité du Contrôle Administratif et Financier.
Ce fait portait sur une campagne lancée par l’association I Watch à l’encontre de Kamel Ayadi au mois d’Août, alors qu’il était ministre de la Fonction Publique. Cette campagne, appuyée par un pseudo-rapport d’investigation intitulé »Kamel Ayadi et le business de la formation continue » nous a interpellé pour prendre position à l’encontre des allégations avancées et qui étaient, de notre point de vue, sans fondements surtout que le timing choisi pour mener cette campagne était, le moins qu’on puisse dire, intrigant. D’autant que la personne dont il était question était connue pour son intégrité tout au long de sa carrière. Ce qui était intrigant aussi, c’est que I Watch, dans son rapport d’investigation, n’avait révélé aucune implication ni aucun abus commis par Ayadi en sa qualité de ministre ou au titre de l’une de ses précédentes responsabilités publiques. Tout tournait autour des activités de formation qu’il a déployées dans le cadre associatif. Ces formations ont été selon I Watch organisées par l’une des associations qu’il préside avec l’implication d’un cabinet de formation patenté. En l’occurrence, le Centre International Contre la Corruption (CICC) qui est la filiale du GIACC basé à Londres et l’Institut Mondial de l’Ethique et du Leadership, qui, d’après I Watch, est la propriété de l’ancien ministre.
Suite à la publication de notre article, un des responsables de l’association nous a contactés pour nous informer qu’il voulait user de son droit de réponse. Mais il n’en fut rien et cela nous a encouragé à mener notre propre enquête pour vérifier où était l’erreur.
Sans aucune intention de créer une polémique autour de cette question, nous revenons sur le sujet par souci de neutralité et en vue d’éclairer nos lecteurs sur les raisons de notre prise de position, surtout après la déclaration publique du journaliste de Saraha FM, Walid Ferchichi sur Nessma TV, qui a affirmé que l’un des militants de I Watch qu’il avait invité pour une émission radiophonique lui avait indiqué que son association a commis des erreurs et s’est particulièrement trompée en s’attaquant à la personne de Kamel Ayadi (voir extrait de l’intervention:
https://www.youtube.com/watch?v=hbLXM8WWdOg&feature=youtu.be
Des erreurs flagrantes
Les documents qui sont en notre possession montrent qu’I Watch avait tout faux car l’organisation internationale GIACC reconnait la collaboration de sa filiale à Tunis, le CICC, avec le cabinet pour organiser des activités de formation et qu’elle n’a aucune objection à ça, surtout que cette coopération était stipulée explicitement dans le contrat de représentation, dont nous détenons une copie. Un autre document montre que le cabinet IMEL n’est pas la propriété de Kamel Ayadi, ni de son épouse depuis 2012. I Watch semble s’être basée sur des documents qui ne sont pas à jour. Faut-il rappeler que ni la loi tunisienne ni aucune loi au monde n’interdisent à un responsable public la possession d’actions dans une entreprise ou de posséder carrément une entreprise privée. Ce qui est interdit, dans ce genre de situations, ce sont les conflits d’intérêt, c’est-à-dire lorsqu’un responsable public utilise son pouvoir pour favoriser sa propre entreprise. Or I Watch n’a révélé aucun abus de pouvoir ou conflit d’intérêt.
Parmi les documents en notre possession, et dont on ne citera pas la source, certains prouvent que la formation dispensée par l’association CICC en collaboration avec le cabinet cité n’est pas motivée par le profit, mais plutôt avait pour objectif la diffusion des connaissances et le renforcement des capacités des intervenants dans le domaine de la lutte contre la corruption. Nous avons pu constater que la phrase suivante était toujours mentionnée dans chaque appel à candidature pour toutes les sessions de formation: « les candidats qui ne sont pas capables de mobiliser une prise en charge des frais de formation par leurs employeurs sont admis gratuitement ». En outre, les revenus générés servent aussi à financer les activités de l’association ainsi que des actions de formation totalement gratuites organisées dans les régions de l’intérieur. Une liste de centaines de personnes parmi les cadres du secteur public et les militants associatifs ayant bénéficié de formation à titre gratuit avec prise en charge des frais d’hébergement, figure parmi ces documents. Cette formule donne une certaine autonomie et une indépendance à l’association par rapport aux sources de financement, en ce sens qu’elle lui permet de financer ses activités à travers ses efforts propres et son expertise. Cette approche citoyenne et sociétalement responsable a suscité, selon certaines sources, l’admiration des partenaires étrangers, puisque l’argent ne représente plus un obstacle à l’accès au savoir, du moment que ceux qui ont les moyens payent pour ceux qui n’en ont pas.
Manque de précision
Nous avons poussé l’investigation pour donner des réponses à toutes les questions soulevées dans le rapport de I Watch et dans lequel elle énumère le nombre d’associations présidées par Kamel Ayadi qui sont au nombre de quatre. Là aussi l’association a manqué de précisions. Preuve à l’appui, L’association Ingénieurs Sans Frontières, n’est plus présidée par Kamel Ayadi, depuis plus d’un an et un communiqué publié dans les journaux en octobre 2015 donne la composition de son nouveau bureau directeur, de même que ses responsabilités actuelles au sein de la Fédération Mondiale des Organisations d’Ingénieurs sont honorifiques. L’unique association qu’il continue de présider, en plus du CICC, est le Centre de Réflexion Stratégique pour le Développement du Nord-Ouest. Nous nous sommes intéressés à cette association pour voir si les volumes des fonds qu’elle gère peuvent donner lieu à des malversations ou susciter des soupçons de corruption, surtout que cette association est co-présidée par deux responsables de niveau ministériel, en l’occurrence Kamel Ayadi et Chedly Ayari, Gouverneur de la BCT, telle que cela fut mis en relief dans le rapport de I Watch. Une autre surprise: Des relevés bancaires mis par cette association à la disposition des journalistes et dont nous détenons une copie, montrent que l’ensemble des revenus et des dépenses sur plus de cinq ans, depuis la création de l’association n’ont pas dépassé les neuf mille dinars, à l’heure où des associations jeunes gèrent des millions de dinars. Le compte du CICC affiche quant à lui zéro millimes. Les deux associations défient leurs détracteurs et mettent à la disposition de ceux qui le veulent une autorisation d’accès ouvert à ses comptes bancaires.
Le rapport cite également des financements reçus de la part de l’ambassade des Pays Bas, du PNUD, de la fondation pour le futur pour financer des projets gérés par des associations qui ont été présidées par Kamel Ayadi. Dans une lettre officielle, dont nous détenons une copie, l’ambassade des Pays-Bas certifie qu’elle approuve le rapport financier de l’association en question. Idem pour le PNUD et la Fondation Pour le Futur qui n’acceptent jamais de clôturer des projets sans avoir audité les comptes et vérifier les dépenses.
D’ailleurs, selon des sources dignes de foi, Kamel Ayadi ne se présenterait pas à la présidence des deux associations qu’il continue de diriger, pour permettre à d’autres compétences de prendre la relève et se consacrer à sa mission à la tête du Haut Comité du Contrôle Administratif et Financier.
Enfin notre prise de position, considérée en faveur de Kamel Ayadi, avant même de connaître ces données, était basée sur une analyse objective fondée d’abord sur les données fournies par I Watch dans son rapport et qui nous avaient semblé erronées. Il était inconcevable, voire ridicule qu’un responsable ayant, une carrière de 32 ans, ayant géré de la manière la plus intègre des fonds publics qui se comptaient par des milliers de milliards puisse être tenté par des miettes de pauvres associations.
Contacté par nos soins pour savoir s’il avait l’intention de porter plainte contre I Watch, surtout après la déclaration de l’un des militants de l’association qui a reconnu qu’il s’étaient trompés sur son compte, Kamel Ayadi nous a affirmé qu’il n’avait nullement l’intention de le faire et qu’il encourage les associations et les journalistes à dénoncer les cas de corruption, et qu’il ne peut pas se contredire puisqu’il a tenu, du temps où il était ministre, à préparer un projet de loi novateur pour la protection des dénonciateurs. Cependant, il a insisté sur le fait que la dénonciation doit être crédible et doit se faire conformément aux techniques d’investigations reconnues, afin de ne pas attenter à la dignité des gens en faisant circuler des informations fallacieuses et afin de conserver la crédibilité de l’acte de dénonciation qui doit être une source fiable pour la découverte des malversations. Sans cette rigueur, la dénonciation perdra toute sa crédibilité et la loi qui est en cours de discussion à la chambre des députés n’aura servi à rien. L’esprit de la loi est fondé sur la bonne foi du dénonciateur.
Il reste que nous avions tous applaudi au lancement de cette association après la révolution pour renforcer la transparence et mener le combat commun contre les malversations et la corruption et nous ne le regrettons nullement. Nous la voulons efficace et crédible.
Notre propos n’est pas destiné à mettre en question l’action d’I Watch mais à justifier notre position et confirmer notre neutralité. Rien de plus, rien de moins.