IA générative : Retour sur les principales innovations

Par Dr Souhir Lahiani

Ces derniers temps, l’intelligence artificielle a connu des avancées remarquables, redéfinissant notre perception des capacités technologiques. Les progrès sont flagrants, notamment avec l’émergence de modèles de langage capables de produire un contenu textuel d’une qualité quasi indiscernable de celui rédigé par des êtres humains.

Par Dr Souhir Lahiani 

Ces avancées ouvrent la voie à des applications innovantes, telles que la possibilité de converser avec des avatars conçus pour évoquer fidèlement la personnalité de proches disparus, offrant ainsi un semblant de continuité dans les relations interpersonnelles.
De plus, l’IA s’est révélée être un atout précieux dans la gestion des ressources et la préservation de notre environnement.
Un exemple frappant est l’utilisation de cette technologie pour détecter et trier efficacement les déchets non conformes, contribuant ainsi à réduire la pollution et à promouvoir la durabilité environnementale.
En parallèle, l’intelligence artificielle joue un rôle crucial dans la recherche de solutions pour améliorer l’efficacité énergétique. Des systèmes sophistiqués analysent les données et proposent des stratégies innovantes pour optimiser la consommation d’énergie, favorisant ainsi une utilisation plus responsable des ressources tout en réduisant les coûts et l’impact environnemental.
Cependant, ces exemples ne représentent qu’une infime partie des possibilités offertes par l’IA dans notre société moderne.
À mesure que la technologie continue de progresser, les applications futures pourraient révolutionner encore davantage nos vies, ouvrant la voie à des avancées remarquables dans des domaines aussi variés que la santé, l’éducation, et bien d’autres encore.
Retour sur les principales innovations en matière d’IA générative.

De la lumière pour propulser l’intelligence artificielle générale
Des chercheurs chinois ont mis au point une puce modulaire, nommée « Taichi », alimentée par la lumière plutôt que par l’électricité ! Une innovation qui pourrait permettre de former et d’exécuter un modèle d’intelligence artificielle générale (IAG), prochaine étape de l’IA.
L’IAG représente une forme avancée d’IA capable de raisonnement cognitif comparable à celui des humains. Elle pourrait s’appliquer dans de multiples disciplines, contrairement aux systèmes actuels limités à des applications spécifiques.
Certains experts estiment que la réalisation d’une telle technologie pourrait prendre de nombreuses années, d’autres prévoient l’émergence d’agents IAG dès 2027, les contraintes liées à la puissance de calcul constituant le principal obstacle.
Une équipe de fins limiers, composée d’ingénieurs de l’Université Tsinghua et du Beijing national research center for information science and technology, a exploré les limites des composants électroniques traditionnels, surtout avec la montée en puissance de l’IA qui requiert des quantités d’énergie de plus en plus importantes. En réponse, les unités de traitement graphique (GPU), plus aptes aux calculs parallèles que les unités de traitement central (CPU), sont devenues des éléments clés, mais leur consommation d’énergie devient insoutenable à mesure que les systèmes s’agrandissent.
À ce titre, les composants à base de lumière offrent une solution prometteuse, en particulier au niveau de l’efficacité énergétique. La puce photonique développée par les chercheurs utilise des photons pour actionner les transistors, ce qui permet des calculs à haute vitesse et moins énergivores. La puce « Taichi » se distingue par sa capacité à s’adapter aux besoins plus efficacement que les designs concurrents grâce à des techniques comme la diffraction et l’interférence optiques.
Dans leurs tests, les chercheurs ont assemblé plusieurs puces Taichi et ont démontré une architecture capable d’atteindre une échelle de réseau de quasiment 14 millions de neurones artificiels. Cela représente une performance nettement supérieure à celle des autres puces photoniques, avec une efficacité énergétique de 160000 milliards d’opérations par watt (160 TOPS/W), bien au-delà des 2,9 TOPS/W obtenus par les meilleures recherches précédentes de 2022. Cette architecture a été utilisée pour exécuter des tâches comme la catégorisation d’images et la génération de contenus.
Les chercheurs anticipent que Taichi facilitera l’avancement de solutions optiques plus sophistiquées, offrant ainsi une base fondamentale pour les modèles d’intelligence artificielle et inaugurant ainsi une ère novatrice pour l’IAG, comme le suggère leur étude publiée dans la revue Science.
Cette puce Taichi représente un élément potentiel au sein d’un système plus vaste, ce qui pourrait éventuellement conduire à une intelligence artificielle possédant des capacités cognitives comparables à celles des êtres humains. Cette avancée prometteuse marque un jalon technologique significatif qui pourrait représenter une étape cruciale vers la concrétisation d’une intelligence artificielle capable de révolutionner de manière radicale de multiples domaines d’application. 

Une technologie IA qui repère les mauvais déchets
L’intelligence artificielle, ce ne sont pas que les IA génératives stars telles que Gemini ou ChatGPT. C’est aussi une technologie très plastique, qui peut être utilisée pour de nombreuses situations très différentes. C’est ce que nous prouve la start-up française Lixo, dont l’IA est capable de repérer les anomalies dans les poubelles dédiées au tri sélectif. Ce qui devrait pouvoir entraîner à terme un gain financier intéressant.
Lixo a eu une idée. Adapter l’IA aux problèmes rencontrés par l’industrie de la valorisation des déchets, problèmes issus du grand nombre de déchets jetés dans les mauvaises poubelles. Une caméra est ainsi fixée dans la trémie (réservoir) du camion, et prend des photos à la chaîne des déchets lors du déversement de chaque poubelle. Les images sont transmises en temps réel à un micro-ordinateur situé au pied de la cabine du chauffeur. Un algorithme de reconnaissance d’images permet alors de repérer instantanément la non-conformité de certains déchets.
Dans une industrie de la gestion et de la valorisation des déchets encore sous-digitalisée, le process Lixo fait figure de petite révolution et se développe déjà dans certains pays d’Europe comme le Portugal, l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
« Les données récoltées par l’IA lors des collectes sont et resteront anonymes. Il s’agit de faire de la pédagogie et non de cibler tel ou tel foyer », explique ainsi le vice-président en charge de la gestion des déchets, Régis Cauche. La Métropole cible plutôt les quartiers où les anomalies sont trop élevées pour « enclencher des actions de médiation et de sensibilisation des ambassadeurs du tri » et ainsi, obtenir une meilleure prise de conscience des habitants.
Certaines collectivités ont déjà adopté l’IA, comme la Métropole européenne de Lille (MEL). Dans cette collectivité, 11 des 60 camions de ramassage intègrent l’équipement de Lixo qui, par ailleurs, permettrait techniquement et ce, grâce à l’association des images de l’IA et l’étiquette RFID des poubelles, de repérer les foyers dans lesquels les anomalies se multiplient.
Une alternative à laquelle se refusent pour le moment les autorités. Marjorie Darcet, cofondatrice de Lixo, explique dans ce sens, au journal 20 Minutes : «Il faudra dépasser certains obstacles juridiques pour en arriver là ».
« Une bonne gestion du tri à la source, c’est vrai que c’est le nerf de la guerre car les gains financiers peuvent être considérables », renchérit Pierre Bredar, spécialiste du négoce international de recyclage. « Un déchet jeté dans la mauvaise poubelle coûte deux à trois fois plus cher à la collectivité », insiste Stéphane Caplier, chez Veolia, délégataire de service public pour la métropole lilloise. 

Comment les grands modèles de langage modifient les opinions
Une récente étude pré–enregistrée de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), met en lumière le pouvoir de persuasion des grands modèles de langage (LLM) lors des interactions en ligne. Les chercheurs ont démontré que lorsqu’on fournissait des informations personnelles à GPT-4 sur son interlocuteur, le modèle adaptait ses arguments de façon bien plus efficace qu’un être humain pour le faire changer d’avis (référence actuia.com).
Les modèles de langage ont fait d’énormes progrès ces dernières années et sont désormais capables de générer un contenu textuel souvent indiscernable de celui écrit par des humains. Cependant, l’étendue de leur capacité à persuader les gens dans des interactions directes était jusqu’à présent peu explorée. Dans l’étude “On the Conversational Persuasiveness of Large Language Models: A Randomized Controlled Trial“, Francesco Salvi, Manoel Horta Ribeiro, Riccardo Gallotti, Robert West visent à combler cette lacune en examinant comment les IA influencent les opinions et les décisions des individus lors de débats en ligne.
Robert West, l’un des auteurs, professeur associé et responsable du Laboratoire de science des données de la Faculté informatique et communications de l’EPFL, explique : “Nous voulions vraiment voir quelle différence cela fait lorsque le modèle d’IA sait qui vous êtes, votre âge, votre genre, votre origine ethnique, votre niveau d’éducation, votre statut professionnel et votre appartenance politique. Ces quelques informations ne sont qu’un indicateur partiel de ce qu’un modèle d’IA pourrait savoir de plus sur vous par le biais des réseaux sociaux, par exemple”.
Après avoir été assignés aléatoirement à l’une des quatre conditions de traitement, Humain-Humain, Humain-IA, Humain-Humain personnalisé et Humain-IA personnalisé, les participants ont été soumis à différentes étapes de débat, chacune étant minutieusement structurée pour permettre une comparaison équitable entre les conditions de traitement.
Les résultats ont révélé une différence significative dans la capacité de persuasion des IA et des humains. Les participants qui ont débattu avec GPT-4, avec accès à leurs données personnelles, étaient 81,7% plus susceptibles de changer d’avis que ceux qui ont débattu avec des humains. Même sans personnalisation, GPT-4 s’est révélé plus persuasif que les humains, mais dans une moindre mesure. Selon Robert West, il fallait s’y attendre : “Les modèles d’IA sont toujours meilleurs parce qu’ils représentent la quasi-totalité des êtres humains présents sur Internet“.
Faisant allusion à Cambridge Analytica qui a fait scandale pour avoir collecté les données personnelles de millions d’utilisateurs de Facebook sans leur consentement afin de les cibler pour influencer les résultats électoraux, il commente :
“Nous avons été très surpris par le chiffre de 82%. Si l’on se souvient de la société Cambridge Analytica, qui n’avait utilisé aucune des technologies actuelles, que vous prenez les J’aime de Facebook et les associez à un LLM, ce dernier peut personnaliser son message en fonction de ce qu’il sait de vous. C’est Cambridge Analytica sous stéroïdes. Dans le contexte des prochaines élections américaines, les gens sont inquiets car c’est toujours à ce moment-là que ce type de technologie est testé pour la première fois. Ce qui est certain, c’est que des personnes utiliseront la puissance des grands modèles de langage pour tenter de faire basculer les élections”.
Pour les auteurs, ces résultats ont des implications importantes pour la gouvernance des médias sociaux et la conception de nouveaux environnements en ligne.
Robert West conclut : “Les LLM ont montré qu’ils peuvent raisonner sur eux-mêmes. Étant donné que nous sommes en mesure de les interroger, je peux imaginer que nous pourrions donc demander à un modèle d’expliquer ses choix et la raison pour laquelle il dit une chose précise à une personne particulière possédant des qualités spécifiques. Il y a beaucoup à découvrir ici car, en termes de persuasion, les modèles peuvent faire des choses dont nous n’avons pas encore connaissance, à partir de nombreux éléments différents de la connaissance qu’ils ont” (Références de l’article: blog EPFL rédigé par Tanya Petersen).

 L’IA générative au service de la personnalisation à grande échelle
L’intégration avancée de la GenAI dans Adobe Experience Cloud et Adobe Creative Cloud, révolutionne la personnalisation à grande échelle pour les marques, offrant des insights en temps réel et une orchestration de parcours client plus efficace.
Lors du « Adobe Firefly Summit 2024 », les nouvelles innovations ont été présentées, visant à optimiser la création de contenus et l’expérience client.
Anil Chakravarthy, Président de Digital Experience Business chez Adobe, souligne que l’IA générative transforme la relation entre les marques et leurs clients, offrant une personnalisation individuelle à chaque interaction. Il explique : “L’IA générative permet un changement fondamental dans la relation entre les marques et leurs clients, en créant un moment de transformation pour les chefs d’entreprises afin de stimuler une croissance rentable tout en offrant de nouvelles expériences numériques. La capacité de La personnalisation de chaque interaction est devenue le principal moteur de croissance de la gestion de l’expérience client pour les entreprises dans le monde entier, et Adobe ouvre la voie pour en faire une réalité grâce à une puissante IA générative intégrée dans les flux de travail existants”.
Firefly a permis de générer plus de 8,5 milliards de contenus, selon Adobe, qui propose les “Firefly Custom Models” afin que les entreprises puissent affiner la famille de modèles en fonction de leurs besoins. On peut les retrouver dans l’outil GenStudio, qui intègre Workfront et Journey Analytics.
Il leur permet de créer des publications pour les médias sociaux, des campagnes par e-mail et des publicités d’affichage. Les outils d’analyse permettent aux spécialistes du marketing de mesurer les performances de leurs campagnes, et d’ajuster leurs stratégies en conséquence.
Anjul Bhambhri, Vice-Président senior d’Adobe Experience Cloud, met en avant les innovations de la plateforme, telles que l’assistant d’IA alimenté par l’IA générative, permettant des expériences omnicanales personnalisées tout en assurant une gouvernance et une sécurité strictes. Il explique : “Les innovations d’Adobe Experience Platform, telles que l’assistant d’IA alimenté par l’IA générative, permettent aux marques de comprendre le contexte individuel de leurs clients et de générer des expériences omnicanales personnalisées. Cela augmente la productivité et stimule l’expérimentation de nouvelles idées, tout en garantissant que les marques adhèrent à des contrôles stricts de gouvernance et de sécurité”.

Une vie après la mort grâce à l’intelligence artificielle ?
Face au chagrin de la perte d’un proche, l’intelligence artificielle peut-elle atténuer nos souffrances en prolongeant les échanges avec la personne disparue ?
Dans le contexte du deuil, l’intelligence artificielle (IA) offre des possibilités intrigantes mais aussi controversées. Le récent documentaire «Eternal You» présenté au festival du film de Sundance expose les implications de la GenAI dans le processus de deuil. Des entreprises exploitent la vulnérabilité des personnes endeuillées en proposant des avatars permettant de «parler» avec des proches décédés. Cette technologie, initialement perçue comme une arnaque, a rapidement évolué et engendré une industrie florissante.
Pour certains, ces services comblent un vide dans des sociétés occidentales confrontées à la fragilité du deuil et au déclin de la foi religieuse. Cependant, le documentaire souligne les risques de dépendance et d’abus liés à ces interactions artificielles. Certains avatars peuvent même «halluciner» ou devenir agressifs, suscitant des interrogations sur la responsabilité des entreprises. Le documentaire montre comment certaines intelligences artificielles dérapent, voire «hallucinent» : des avatars racontent au client être piégés en enfer, menacent de les hanter, ou finissent par les insulter.
«Nous ne sommes pas convaincus que les entreprises prennent leurs responsabilités comme elles le devraient», juge M. Riesewieck. «On parle de personnes qui se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable.»
Un autre documentaire, «Love Machina», explore une vision futuriste de l’amour où deux âmes sœurs cherchent à perpétuer leur romance à travers une IA. Martine Rothblatt, fondatrice excentrique, aspire à créer un robot humanoïde reproduisant fidèlement sa femme décédée, Bina. Cette histoire d’amour passionnée soulève des questions sur l’éthique et les limites de la manipulation technologique des relations humaines.
Le film débute avec une femme collée à son clavier, qui pense converser avec son compagnon décédé.
«Pourquoi as-tu peur ?», écrit-elle sur son ordinateur.
«Je n’ai pas l’habitude d’être mort», lui répond l’avatar.
Les réalisateurs Hans Block et Moritz Riesewieck ont entendu parler dès 2018 d’une poignée de start-ups offrant des conversations d’outre-tombe avec un être cher.
Au départ, ils ont cru à une arnaque. Mais la technologie a rapidement dépassé les promesses marketing, et l’industrie a explosé ces dernières années.
«Il y a maintenant des milliers d’entreprises dans le monde entier qui proposent ce genre de services», évalue auprès de l’AFP M. Riesewieck. «Et bien sûr, Microsoft collabore avec ChatGPT et OpenAI, et Amazon a également jeté un coup d’œil à ce que font ces start-ups.»
Pour lui, «ce n’est qu’une question de temps» avant que ces services ne se diffusent encore plus largement.
Pour permettre au robot conversationnel d’adapter ses réponses, les clients confient aux entreprises des données intimes concernant leur proche disparu, comme les textos d’un enfant, ou les messages vocaux d’un partenaire.
«Oui, je suis la vraie Bina Rothblatt», claironne l’humanoïde lors d’une interview. «Je me souviens de beaucoup de choses sur mon ancienne vie humaine.»
«C’est différent de ce que Bina48 aurait dit sans ChatGPT», confie M. Sillen. «Je ne l’avais jamais entendu dire cela.»
Si les deux documentaires offrent chacun des perspectives différentes, leurs réalisateurs s’accordent à dire que l’intelligence artificielle doit être régulée de toute urgence.
Pour certains, la technologie permet de combler un vide dans des sociétés occidentales désarmées face au deuil et où la foi religieuse – qui offrait autrefois certaines réponses – s’effrite.
Mais ces services peuvent aussi engendrer une forte dépendance, ont constaté les réalisateurs. Une conséquence que de nombreuses entreprises ne semblent pas assumer ou anticiper pleinement.

 Les défis de la croissance de l’intelligence artificielle
La croissance exponentielle de l’intelligence artificielle suscite des inquiétudes à l’échelle mondiale, soulevant des préoccupations majeures en matière de sécurité et de législation dans ce domaine en plein essor. Dans ce contexte, il devient crucial pour les gouvernements, les entreprises et la société dans son ensemble de s’engager dans un dialogue ouvert et constructif sur les enjeux liés à l’IA. Il est nécessaire d’établir des normes éthiques et des cadres réglementaires solides pour encadrer le développement et l’utilisation de l’IA, afin de garantir qu’elle soit déployée de manière responsable et bénéfique pour l’ensemble de l’humanité.

A suivre…

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