Il a osé…

La composition du nouveau gouvernement sera incessamment dévoilée. Selon les bribes d’informations venant de Dar Dhiafa, Mechichi ne fera pas marche arrière : son gouvernement sera composé de compétences indépendantes et résultera de la fusion de certains ministères pour former des pôles dont un chargé de l’économie et du développement.
Malgré toutes les mises en garde, les menaces et les tentatives d’intimidation et de découragement venant de certains partis politiques outrés par la possibilité d’être écartés du prochain gouvernement, Mechichi fait la sourde oreille tout en poursuivant avec  calme et détermination des concertations dont il ne tiendra pas compte. On laisse entendre même que l’équipe gouvernementale est déjà formée. Les concertations ne serviraient donc qu’à convaincre les représentants des blocs parlementaires de l’utilité de son choix et de son efficacité s’il était soutenu à l’ARP.  Et Mechichi a, semble-t-il, réussi puisque non seulement le bloc PDL le soutient et l’a rencontré par deux fois, mais aussi le bloc Al Mostakbal, proche d’Ennahdha et qui a voté contre la motion de retrait de confiance à Ghannouchi, ainsi que le bloc numéro 2 de l’ARP, celui de Qalb Tounes qui a jusqu’ici toujours fait la différence dans le vote parlementaire. En réalité, c’est le bloc de Nabil Karoui qui fait la pluie et le beau temps à l’ARP et non celui de Rached Ghannouchi.
Cette fois encore, si Qalb Tounes fait faux bond à Ennahdha, le gouvernement indépendant de Mechichi passera et obtiendra la majorité parlementaire au vote de confiance.
Mechichi a eu l’intelligence de n’exclure aucun parti de ses concertations et la perspicacité de les exclure tous de son gouvernement. Tout en discrétion, il les a invités à Dar Dhiafa, les a écoutés et a sollicité leur contribution dans l’élaboration d’un plan de sauvetage de l’économie et dans sa concrétisation. Les partis politiques sont ainsi associés au sauvetage du pays, ce qui est leur rôle et leur responsabilité, sans avoir à tenir le gouvernail, chose qu’ils ne savent décidément pas faire.
Mechichi a osé ce qu’aucun autre gouvernement n’a pu faire. Peut-être a-t-il été encouragé par la chute vertigineuse de la croissance, des chiffres jamais atteints depuis des décennies. Mieux encore, il a pu trouver des compétences nationales et non partisanes qui acceptent de se lancer dans l’aventure, plutôt hasardeuse et risquée, vu les niveaux de décroissance atteints, et de relever le défi, sachant qu’elles seront dans le collimateur et le viseur des partis politiques. Si le gouvernement Mechichi passe, Ennahdha perdra… son hégémonie et la mainmise sur l’ARP et sur la Kasbah.
Et quid des élections, de la transition démocratique et de la volonté du peuple ? L’argument électoral a permis aux partis politiques de gouverner depuis 2011 sans reddition des comptes, sans trop s’embarrasser des lois et des réglementations qu’ils ont eux-mêmes débattues et votées au Parlement. Résultat : une contraction record de l’économie de 21,6%, une croissance de -12% à -10% au deuxième trimestre de 2020 et la Covid-19 n’est pas seule responsable de cette misère.  Aujourd’hui, la volonté du peuple est confisquée, non pas comme le prétendent certains, par Kaïs Saïed et son poulain Mechichi mais par des indicateurs économiques au rouge et un taux de chômage de 18% jamais atteint non plus.
Aujourd’hui, c’est un gouvernement de guerre qu’il faut pour sauver la Tunisie, un gouvernement armé de compétences, de savoir-faire, de détermination, de patriotisme et de désintéressement, qui ne ressemble en rien à ceux qui l’ont précédé. Mechichi l’a-t-il vraiment trouvé ? Si oui, tout le peuple doit le soutenir, lui laisser le temps de travailler, d’avancer et ne pas lui mettre les bâtons dans les roues.
Pourquoi tout le peuple ? Parce qu’il s’agit réellement de son intérêt propre et parce que les lobbys politico-financiers et les réseaux économiques parallèles qui se sont enrichis sur le dos de ce même peuple, grâce à dix ans d’impunité et de mauvaise gouvernance, ne laisseront pas en place un gouvernement qui cherchera à remettre les pendules à l’heure du développement.
Ce ne sera pas tâche facile et sans une trêve sociale et politique, aucun gouvernement ne survivra.

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