23 juin 2015. C’est le deuxième jour de la grève administrative des agents de la santé publique.
Il y a quelques semaines, ils ont observé une grève similaire. D’après les grévistes, leurs revendications n’ont pas été satisfaites depuis. La centrale syndicale a donc décidé de décréter une autre grève administrative d’une semaine.
A 8H.15 tout semble ordinaire à l’hôpital Mahmoud El Matri à L’Ariana. Une foule de patients fait la queue devant le guichet d’inscription. Quelques personnes sont assises sur les chaises d’à côté un tas de papiers à la main. Aux guichets rien ne laisse présager une grève administrative. Les patients payent leurs inscriptions.
« Il n’y a pas de grève », chuchote une infermière. Le ministère de la santé a « menacé » d’avoir recours à la justice. « Vous pouvez vous enquérir de madame la surveillante générale. Elle est membre du syndicat mais elle est contre la grève », poursuit-elle.
Madame la surveillante générale n’est pas dans son bureau. Il y avait fête chez elle hier et il se peut qu’elle arrive en retard. C’est Mme Abdejlil, directrice de l’hôpital qui est installé à son bureau. Après un « avez-vous une autorisation ? » elle passe un coup de fil au ministère de la santé comme si elle demandait l’autorisation de faire une déclaration à la presse. « La situation est très délicate, vous savez », dit-t-elle.
« Une menace ! S’exclame-t-elle. « Dire que le ministère de la santé nous a menacés est un abus de langage ». Pour la directrice, l’administration de l’hôpital et la partie syndicale- toutes deux conscientes des dégâts que peut engendrer une telle grève, ont trouvé un arrangement « interne » et décidé de ne pas participer à cette grève.
À écouter la directrice, le boycott de la grève par les agents de l’hôpital de Mahmoud El Matri se fait en catimini, en interne et sans que la centrale syndicale ne le sache. Cela peut envenimer la relation avec elle selon ses dires. « Nous ne voulons pas que les agents de notre hôpital entrent en conflit les uns avec les autres » ajoute-t-elle.
Lors de la première grève, les agents de l’hôpital Mahmoud El Matri avaient solution qui ménage la chèvre et le chou. En effet, les consultations simples à bas tarif (4 dinars à 80% subventionnées par la CNAM) n’ont pas été facturées. Cela ne pouvait pas grever le budget de l’hôpital. Tous les services dont les tarifs sont un plus élevés (hospitalisation, accouchement, IRM) ont été facturés.
Cette démarche était soutenue par les médecins qui avaient décidé de ne traiter que les patients payants.
« De toute façon, nous ne sommes pas les seuls à avoir procédé ainsi. Les agents de l’hôpital Sahloul, Kassab, Errazzi… avaient fait de même », dit madame Abdejlil.
Il est 8H.35 Mme la surveillante générale n’a pas encore regagné son bureau. M. Arfaoui, membre du syndicat lui aussi se présente un papier à la main. C’est la note ministérielle adressée aux directeurs des hôpitaux et demandant aux agents des caisses de respecter les consigne de travail ordinaires et de se conformer aux règles professionnelles. Tout gréviste pourrait faire l’objet d’une poursuite judiciaire conformément aux articles 96 et 107 du code pénal et l’article 388 du code du travail, insiste le communiqué.
« Comment peut-on qualifier cette note si ce n’est pas une menace ?». se demande M. Arfaoui. Le syndicaliste fait un plaidoyer pour la sacralité de l’engagement syndicale que les agents de caisse ont trahi en acceptant de travailler pendant la grève finit-il par dire.
« Ce n’est pas un arrangement en interne. Les agents ont été menacés par le ministère. C’est pourquoi ils ont décidé de travailler. La dernière fois, les jours de grève ont été prélevés. Mais ils ne savent pas que le prélèvement de salaires devient illégal quand il s’agit d’une grève administrative. Tout simplement parce que les agents étaient présent», regrette-t-il.
Imed l’un des rares grévistes dans l’hôpital tient à faire une nuance : contrairement à ce que le ministère de la santé avance, cette grève n’a pas pour cause le prélèvement des salaires (Pour cela ils sont bien prêts à faire des sacrifices) mais bien pour revendiquer nos droits. Il montre le communiqué de l’Union générale des Travailleurs tunisiens (UGTT) qui énumère les revendications.
À l’extérieur un patient demande s’il y a une grève administrative aujourd’hui à l’hôpital. « Je ne sais pas » répond M. Arfaoui un peu irrité.