Exposé simple d’un problème complexe
Aurel est né en 1980 dans le sud de la France. Après des études de biochimie, il se consacre dès 2003 au dessin de presse. Publié dans un premier temps dans des journaux montpelliérains, il travaille rapidement pour la presse nationale. Il collabore à «Marianne» et au «Monde diplomatique». Il dessine aussi pour Rue 89. Il a reçu en 2008 le prix de la Parole Libre, décerné au meilleur dessin de presse. Aurel est aujourd’hui dessinateur et journaliste accrédité pour le quotidien «Le Monde», «Politis», «L’Express», «Jazz Magazine», le site Yahoo… Chez Drugstore, il a signé avec le journaliste Renaud Dély les albums «Sarkozy et ses femmes», «Sarkozy et les riches» et «Hollande et ses 2 femmes». Il a aussi publié «C’est dur d’être de gauche» en 2012 et «Monde de merde» en 2013, deux recueils de dessins de presse commentant l’actualité de ces années respectives. Aurel est aussi un passionné de musique, qu’il lie dès qu’il le peut avec le dessin. Il réside à Montpellier.
Synopsis
Un journaliste freelance français part enquêter pour un magazine américain «Struggle» sur les migrants clandestins à travers le monde. Faussement flegmatique, se laissant porter par ses rencontres et ses découvertes, il découvre les accords internationaux, les fonctionnaires peu respectueux de leur rôle social, le recrutement de main d’œuvre clandestine et bon marché. Il rencontre également les « harragas », candidats à la traversée et suit leur périple afin de témoigner de leur histoire. Habitué des enquêtes satiriques, le dessinateur de presse, Aurel, nous montre une autre facette de son talent avec cette fiction politique et sociale basée sur des faits réels issus de plusieurs reportages qu’il a effectués aux côtés de journalistes tel que Pierre Daum du Monde diplomatique. Une plongée sans concession dans les dessous de l’immigration clandestine racontée à hauteur d’homme Son reportage le mène donc d’abord en Algérie, où il rencontre deux «harragas», jeunes algériens prêts à risquer leur vie pour rejoindre «l’eldorado» européen. Voulant suivre leur périple et savoir s’ils ont réussi leur traversée, le reporter se rend alors en Espagne. Il découvre les filières et la coopération politique et économique mises en place entre l’Afrique et l’Europe, pour envoyer travailler dans les immenses serres des plantations du sud de l’Espagne, une main d’œuvre bon marché. Mais ces esclaves modernes, logés dans des bidonvilles où règnent corruption et prostitution, se retrouvent prisonniers de ce no man’s land… Traitant d’un sujet grave et même déprimant, Aurel parvient malgré tout à insuffler une bonne dose d’humour dans cet album, par le truchement de son dessin agréablement caricatural ! Histoire de rendre un peu moins désespérant ce portrait d’une Europe à la dérive…
Clandestino est un ouvrage à double lecture : il y a d’une part le reportage, enquête sociale et sociétale, qui porte les pas d’Hubert d’un point géographique à un autre ; et il y a d’autre part ce voyage intérieur qui le mène de l’état de quadra en quête de sens à celui d’homme nouveau commençant à trouver sa place dans un monde en évolution (permanente).
Constat
Le ton n’est pas pour autant misérabiliste, même si le constat reste ce qu’il est. Et c’est au personnage Hubert Paris, à son tempérament et à ses défauts que l’on doit cela. Grâce à lui, le grave est équilibré par du plus léger et ses questions de découvreur éberlué éloignent le récit d’un reportage froidement chiffré. Les gens qu’Hubert Paris croise, nous permettent aussi de mieux cerner le bonhomme et la situation. La BD est grâce à eux très dialoguée, bien rythmée et fait passer messages, informations et idées, en même temps qu’elle pousse à la réflexion et à l’ouverture des yeux et de l’esprit. Clandestino est une bande dessinée donnant des airs de simplicité à l’exposé d’un problème complexe. Et qui nous rappelle, en passant, que c’est tout près de chez nous que cela se passe.
*Clandestino, reporage d’Hubert Paris
Farouk Bahri