Impasse énergétique : Comment s’en sortir ?

Autrefois exportateur de pétrole, notre pays est de plus en plus confronté à un déficit profond et croissant en matière d’hydrocarbures, ce qui pèse lourd sur le budget de l’Etat et sur la balance des paiements, même si le prix du pétrole brut sur le marché mondial est actuellement modéré.
C’est le moment choisi par les protestataires pour soulever de nouveau la polémique improductive de ‘’Winou el pétrole’’ qui jette le trouble dans les esprits et provoque la perturbation dans la production d’hydrocarbures, au point que les ‘‘robinets’’ ont été fermés par les autorités à Tataouine et Kebili.
Nous assistons impuissants à un déferlement, savamment orchestré, de convoitises sur les recettes modestes de l’Etat engendrées par l’exploitation de nos maigres ressources énergétiques.
Les gisements de pétrole et de gaz en cours d’exploitation à Kerkennah, Tataouine et El Faouar, sont devenus des cibles privilégiées pour les masses populaires et notamment les jeunes à la recherche d’emploi. L’énergie considérée comme une manne du ciel est devenue un enjeu politique et social que les habitants de ces régions pauvres veulent partager avec l’Etat, comme si c’était une rente viagère. Certes certains politiques sont derrière toutes les perturbations sociales qui ont débouché sur des évènements dramatiques sur le plan humain et empêchent l’exploitation normale de ces ressources vitales pour notre économie, une instrumentation politique et coupable qui mérite des sanctions sévères de la part de l’Etat. En effet, il y a une exploitation grave de la bonne foi et de l’ignorance des jeunes sans emploi, à qui on fait croire à tort que ‘‘notre pays flotte sur une mer de pétrole’’, que ‘‘les concessions d’exploitation accordées aux compagnies étrangères baignent dans la corruption la plus totale et que les revenus mirifiques empochés par l’Etat doivent leur revenir à concurrence de 20%’’.
Tout cela outre le fait que les compagnies pétrolières ‘‘peuvent et doivent recruter tous les sans-emploi de la région peu importe leurs qualifications’’. Il y a d’ailleurs une confusion terrible qui règne dans l’esprit des profanes qui pensent que les revenus du pétrole constituent des bénéfices nets pour les compagnies et des recettes nettes pour l’Etat ! Alors qu’il faut déduire l’ensemble des charges et des dépenses, l’amortissement des investissements ainsi que les recettes fiscales. Il convient de mettre les pendules à l’heure, car il reste finalement peu de chose pour les bénéfices nets.
En effet, le diagnostic actuel du secteur énergétique est dramatique : une balance extérieure qui accuse un déficit profond et croissant car notre dépendance énergétique dépasse les 60%.
Les recettes en provenance de l’exploitation des ressources énergétiques sont en régression sensible : 6.698 MD en 2012, 3349 MD en 2015 et seulement 2424 MD en 2016.
Mais en fait, la production quotidienne moyenne de pétrole est passée de 66.8000 barils par jour en 2012 à 45.800 en 2016, ce qui s’appelle un effondrement.
Les conditions sécuritaires sont un obstacle à la production : grèves, troubles sociaux, sit-in ont perturbé l’exploitation et provoqué un climat trouble qui décourage et inquiète les compagnies concessionnaires. Il faut dire aussi que les atermoiements de l’Administration, suite aux hésitations de la commission de l’énergie de l’ARP à proroger la validité de certaines concessions comme celle de British Gas ont provoqué l’embarras des concessionnaires et donc engendré la baisse de la production.
La principale préoccupation de nos responsables politiques et économiques actuels, assistés par les experts en énergie de l’Administration et de l’ETAP devrait se focaliser sur les solutions les plus efficaces et les plus rapides pour sortir notre pays de l’impasse énergétique dans laquelle nous nous sommes enlisés.
Il y a lieu de mettre en place tous les facteurs incitatifs et les mécanismes nécessaires pour relancer l’investissement dans le secteur de la prospection énergétique, en attirant de nouveau les compagnies étrangères. Il y a d’abord la protection et la sécurisation de tous les sites énergétiques du pays, afin de permettre aux compagnies de travailler dans des conditions correctes.
Dans le même sillage, l’Etat se doit de veiller à calmer les esprits surchauffés et à raisonner, sinon sévir contre les fauteurs de troubles, mais aussi organiser des campagnes de sensibilisation et de dialogue.
C’est le retour à une stabilité sociale et politique qui permettra de retenir les compagnies pétrolières qui sont déjà là, les inciter à poursuivre leurs activités et ensuite en attirer d’autres.
Des dispositions doivent être prises pour multiplier les forages, ce sont ces derniers qui transforment les découvertes en production concrète, car après avoir réalisé jusqu’à 15 forages par an dans les années 2000, notre pays ne creuse plus que deux ou trois forages par an ces dernières années, ce qui est dérisoire.
Les formalités administratives en matière de concessions pétrolières sont trop longues complexes et fastidieuses, surtout depuis que la constitution impose l’avis favorable de la fameuse commission de l’énergie et de l’Assemblée des représentants du peuple avant la signature de toute convention de concession.
Il y a lieu de trouver des solutions pour alléger les formalités administratives sans pour autant réduire le contrôle qui doit au contraire être renforcé sur les conditions dans lesquelles se déroulent l’exploitation des gisements et l’exécution des contrats.
Il est clair qu’une transparence totale doit entourer les accords signés par l’Etat avec toutes les compagnies.
Il est également essentiel de concevoir un nouveau code d’investissement en matière d’hydrocarbures qui soit adapté à la conjoncture actuelle, celle d’un baril à 50 dollars avec une législation fiscale très lourde pour les compagnies.
D’autant plus que le sous-sol de notre pays n’est pas réputé pour être très riche en matière de gisements pétroliers.
Ce nouveau code doit être plus incitatif pour attirer les investisseurs, car si le Sud et l’extrême Sud de notre pays ont été prospectés en long et en large depuis un demi-siècle, le Nord et le l’off shore recèlent sûrement des gisements modestes à prospecter et à exploiter selon les experts.

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