Depuis le 29 juillet 2017, la Tunisie fait face à une série inédite d’incendies qui ont dévoré plusieurs hectares de forêts : 64 000 hectares plus précisément, apprend-on lors d’une conférence de presse tenue au Palais du gouvernement à la Kasbah ce samedi 5 août 2017. L’occasion pour les autorités, représentées par Khelifa Chibani, porte-parole de la Garde Nationale, Habib Abid, directeur général des forêts au sein du ministère de l’Agriculture, Mouldi Yahmadi Colonel de l’armée nationale, et Salah Korbi, Chef de la salle centrale des opérations de l’Office national de la protection civile, de fournir des précisions sur la situation.
Les causes des ces catastrophes naturelles sont à la fois naturelles et criminelles. L’hypothèse d’un acte terroriste n’est pas à exclure d’après le porte-parole de la Garde Nationale, mais rien ne peut être confirmé en l’absence de preuves selon lui.
La situation est sous contrôle selon la Protection Civile
Depuis le 29 juillet dernier, 94 incendies se sont déclarés en Tunisie dans 8 gouvernorats, selon le Chef de la salle centrale des opérations de l’Office national de la Protection Civile. Les soldats du feu, épaulés par l’Armée, les gardes forestiers et et la Garde Nationale, luttent encore contre les flammes dans 4 gouvernorats : Bizerte, Béja, Jendouba et Kasserine. « Tous les moyens sont mobilisés pour faire face à cette situation et un bon nombre de camions de pompiers est sur place pour maîtriser du feu, et c’est sans compter les centres d’évacuation mis à la disposition des familles dans le lycée de Sejnane et dans la Maison de Culture d’Aïn Draham », explique-t-il lors de la conférence de presse. Il indique, par la suite, que 23 maisons ont été touchées par les flammes.
« La situation est sous contrôle et elle tend à s’améliorer. 35 camions de pompiers sont mobilisés pour y faire face, la vigilance est maximale et toutes les précautions ont été prises », déclare-t-il, assurant qu’aucune perte humaine n’est à déplorer. le Chef de la salle des opérations de l’Office national de la Protection Civile souligne, d’autre part, que la situation est un peu plus complexe dans le gouvernorat de Bizerte, compte tenu de l’étendue de la zone dévorée par les flammes. « La situation est compliquée en raison de plusieurs facteurs : les fortes chaleurs ou encore la situation des habitations », ajoute-t-il.
14 incendies déclenchés le lundi 1er août 2017
De son côté, le directeur général des forêts au sein du ministère de l’Agriculture indique que malgré les derniers épisodes d’incendies observés récemment, la Tunisie reste dans la moyenne. « En 2011, nous avons enregistré 100 incendies, pour 1300 hectares de forêts brûlés par an, 400 incendies pour 4700 hectares brûlés en 2014. Dès 2015, nous avons constaté une baisse de ces chiffres », explique-t-il, soulignant que la situation est normale avec 3 à 4 incendies déclenchés quotidiennement. « Des plans régionaux et un plan national ont été mis en place pour faire face à la situation », assure-t-il.
Néanmoins, ce rythme « moyen » a été brutalement dépassé le lundi 1er août 2017. « Dès 14h, 14 incendies se sont déclenchés, ce qui nous a poussés à nous interroger sur les causes. La commission régionale de lutte contre les catastrophes naturelles s’est réunie en urgence à cet effet pour mettre en place un plan d’action. Le travail est accompli en coordination entre plusieurs gouvernorats », déclare-t-il.
Des actes délibérés pour déclencher les incendies
Sur le plan sécuritaire, le porte-parole de la Garde Nationale appelle à éviter la surenchère dans le traitement des informations. La dimension criminelle des incendies existe, selon lui, et l’hypothèse d’un acte terroriste n’est pas à écarter. « Nous manquons de preuves sur ce point et il est difficile de mener des enquêtes en cas d’incendies étant donné que les preuves disparaissent, détruites par le feu. Nous comptons, ainsi, sur les données fournies par les services de renseignements », explique-t-il.
Le porte-parole de la Garde Nationale, Khelifa Chibani, souligne, à titre d’exemple, que 26 enquêtes ont été ouvertes à Jendouba par décision du ministère public. Dans ce cadre, 4 suspects ont été arrêtés pour avoir mis le feu à une propriété de l’État. La tâche est compliquée, compte tenu des conditions difficiles du traitement du sujet, et des facteurs naturels pouvant aggraver la situation. Un point sur lequel il s’est étalé lors de la conférence de presse.
« Le climat est un facteur important : la température était de 47 degrés à l’ombre à Jendouba et 59 degrés au soleil. Les experts affirment, que dans pareille situation, les bouteilles en verre et les barres de fer peuvent produire des étincelles et déclencher des foyers qui s’embrasent très vite. Il y a également la récolte du miel qui se fait par combustion. Certains citoyens sont, par ailleurs, à la recherche de la Reine des abeilles. Pour pouvoir vendre la production de la Reine au meilleur prix, il est nécessaire de brûler cette production. La combustion se fait, dans des exploitations anarchiques, à l’aide du cuivre. Le pin d’Alep, d’un autre côté et à titre d’exemple, contient une huile inflammable », explique le porte-parole de la Garde Nationale pour évoquer la dimension naturelle des incendies.
Des ouvriers de chantiers qui mettent le feu pour s’assurer un « emploi »
Revenant sur le plan sécuritaire, le porte-parole indique que la plupart des suspects arrêtés sont des ouvriers de chantiers recrutés puis remis au chômage. « Ce sont eux qui ont mis le feu selon l’enquête », déclare-t-il, provoquant ainsi des incendies. Ces ouvriers de chantier « se créent » un emploi puisqu’ils savent qu’ils seront appelés à participer à l’extinction des feux. Il évoque, également, les différends familiaux à l’origine du déclenchement des incendies, relatifs au titre de propriété de telle ou telle morceau de terrain.
D’autres personnes, selon le porte-paroles de la Garde Nationale, ont délibérément mis le feu aux forêts pour libérer des espaces qu’ils peuvent utiliser par la suite pour différentes cultures. « Et rien de tel que des cendres pour servir d’engrais », déclare le porte-parole, qui assure que les investigations sont toujours en cours.
500 unités de l’Armée Nationale mobilisées contre le feu
Intervenant, également, lors de la conférence de presse de ce samedi, le Colonel Mouldi Yahmadi, assure que l’Armée Nationale est activement mobilisée pour faire face aux incendies, en coordination avec les autres intervenants : protection civile, gardes forestiers et unités de la Garde Nationale. « 500 unités de l’Armée nationales sont mobilisées à Sejnane, Tabarka, Aïn Draham et Jendouba. Elles sont épaulées par les équipements de l’Armée, à l’instar des voitures et des camions ayant servi à évacuer la population », déclare-t-il.
Le Colonel précise que 120 vols ont été organisés pour des missions de repérage des flammes et pour l’extinction de ces mêmes flammes, et c’est sans compter les autres unités qui assurent la protection de ceux qui luttent contre les incendies pour les éteindre.
« Nous espérons pouvoir éradiquer le feu à Bizerte rapidement », affirme, de son côté, un autre responsable de la Protection Civile qui assure qu’il n’y a eu que 3 personnes légèrement blessées à cause des incendies et 3 autres cas d’asphyxie sans danger.