Les rapides évolutions enregistrées, en fin de semaine, dans la crise politique qui divise les deux têtes du pouvoir depuis maintenant plus d’un semestre, peuvent-elles annoncer le début de son dénouement ? Très peu probable. Malgré l’intrusion de nouveaux acteurs qui réclament le départ à tout prix de Youssef Chahed et de toute son équipe et la décision prise par Nidaa Tounes de geler l’adhésion du Chef de gouvernement du parti, tout indique que cet épisode marquera le début d’un nouveau feuilleton dans cette crise qui ne cesse de perdurer et de gagner en complexité.
Le départ souhaité de Youssef Chahed des commandes du gouvernement par Nidaa Tounes, l’UGTT et maintenant par le Front populaire, n’est pas pourtant pour demain. Toutes ces parties sont dans l’incapacité totale de mettre fin au statu quo actuel et ne peuvent logiquement précipiter le départ du locataire de la Kasbah. La raison est simple, toutes ces parties ne disposent pas du poids nécessaire qui les habilite à influer sur les événements. Toutes les démarches entreprises par le locataire de Carthage, la croisade diligentée par le Secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, les bons offices du Président de l’ARP et les incartades de Hamma Hammami, n’ont fait que renforcer la position du Chef du gouvernement. Ce dernier a même pris le luxe de ridiculiser ses détracteurs, qui se soucient de tout ce qui est infiniment superflu aux dépens de ce qui est infiniment essentiel. Alors que toutes ces parties n’ont eu de cesse de chercher son départ, Chahed a pris de l’assurance et du poids. Il montre une sorte de dédain à leurs manœuvres, en faisant prévaloir qu’il a une mission à accomplir et qu’il ne songe nullement à jeter l’éponge. En témoigne une action gouvernementale qui gagne en diversité, se souciant comme une guigne d’un environnement immédiat tendu et dominé par le jeu des intrigues, des mauvais calculs et l’amateurisme ahurissant des acteurs politiques. Fort de l’appui d’Ennahdha, d’un certain nombre de figures de son propre camp qui ont préféré couper les ponts avec un parti qui a perdu ses repères et d’autres petites formations, Youssef Chahed ne fait pas simplement de la résistance, il donne la preuve qu’il est devenu maître de son destin. Dans l’autre sens, on ne finit pas de spéculer, de chercher à nouer des alliances et à proférer des menaces tout en ne voulant pas avouer une incapacité manifeste à changer l’ordre des choses ou avoir une emprise quelconque sur la nouvelle donne.
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Décidément, l’UGTT de Noureddine Taboubi ne cesse de surprendre les observateurs les plus avertis, par l’insoutenable légèreté qui habite ses cadres, et qui est en train de pervertir, à la fois, l’action syndicale et le jeu politique dans le pays. Malgré ce dérapage incontrôlé, très peu de voix s’élèvent pour dénoncer le travestissement de l’action de la Centrale ouvrière ou, tout le moins, rappeler les risques qu’elle encourt par le peu de cas qu’elle donne à l’héritage de Hached !
En jouant depuis maintenant plus de sept ans à fond la carte du bras de fer, en cherchant à se montrer qu’elle est la seule force qui compte dans le pays et que, sans son aval, rien ne pourrait être entrepris, l’UGTT entend nous faire croire que sur le plan politique, le destin des gouvernements est tributaire de son assentiment et de ses caprices.
Ce qui dérange le plus, ce n’est pas tant la volonté qui anime l’UGTT d’influencer le jeu politique dans le pays, mais plutôt d’assujettir les acteurs politiques afin qu’ils deviennent ses serviles serviteurs.
Dès lors, comment expliquer que la Centrale syndicale jette tout son dévolu sur la scène politique pour imposer sa solution à la crise politique qui sévit dans le pays, sa guerre ouverte contre un gouvernement qu’elle qualifie de défaillant et d’incompétent, mais qu’elle ne rate aucune occasion pour acculer à accorder des « acquis » à ses adhérents et son appel à l’ARP ( Assemblée des représentants du peuple) pour qu’elle mette un terme, à sa manière, à la crise politique ?
Sans nier le rôle contre-nature qu’elle est en train de jouer, l’on peut dire que ce jeu est contre-productif et ne fait que brouiller davantage les cartes, rendant la solution encore plus incertaine.
L’UGTT oublie peut être que l’ARP a prouvé qu’elle est un terrain de luttes stériles, rarement le réceptacle pour l’émergence d’idées fécondes ou de consensus solides.
Quel pouvoir pourrait tirer l’UGTT en cherchant à imposer aux députés des choix qu’ils ne peuvent assumer ou un rôle qu’ils ne maîtrisent pas ?
Manifestement, il est grand temps que l’UGTT change son fusil d’épaule et reconnaisse que la politique du bras de fer et du fait accompli qu’elle a poursuivie, depuis le 14 janvier 2011, a produit plus de casse qu’elle n’a créé de richesses, renforcé la discorde plutôt que le dialogue ou le consensus et accru le rang des sans-emplois et des exclus que favoriser l’intégration et le bien-être.
La voie du jusqu’au-boutisme choisie a fini par éroder la confiance, accentuer le doute et plonger le pays dans un attentisme assassin. Qui oserait rappeler tout cela à la Centrale ouvrière ?
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