Incohérences assassines

A qui profite la tension sociale à répétition que la Tunisie est condamnée à subir en permanence depuis maintenant plus de cinq ans? A l’évidence, personne ne peut tirer des titres de gloire de cette crise dont les effets constituent, aujourd’hui, à côté du péril terroriste, la plus grande menace à la transition démocratique du pays.

Pourtant, au fur et à mesure que la date du congrès de l’UGTT s’approche, on voit s’accélérer la fuite en avant des structures syndicales sectorielles et régionales qui semblent échapper à tout contrôle et que les enjeux électoralistes les poussent de plus en plus à imposer leur loi et à entretenir les feux de la tension et de la discorde, souvent abusivement .

Ce qui est en train de se passer depuis maintenant des mois au centre hospitalo-universitaire Habib Bourguiba de Sfax, renseigne fort sur le dérapage non contrôlé de l’action syndicale dans notre pays et la confusion qui ne cesse de régner et qui ne peut déboucher que sur l’anarchie et la paralysie du service public. L’annonce d’une grève générale sectorielle dans le secteur de la santé est la manifestation  la plus plausible de cette grave dérive syndicale dont la finalité consiste à pousser les pouvoirs publics à se résigner à des exigences qui ne peuvent annoncer que la fin de l’Etat tunisien.

Il  semble que l’UGTT, qui a pris conscience de la faiblesse du gouvernement et de l’Etat tunisien, ne daigne plus discuter ou négocier, mais préfère la politique du fait accompli, défier l’Etat et prendre,  avec une insoutenable légèreté, en otage le pays et ses intérêts.

Le bras de fer engagé par les structures régionales de l’UGTT à Sfax contre le directeur du centre hospitalo-universitaire Habib Bourguiba, dont le seul crime est d’être issu du corps de l’Armée nationale, et le ministre de la Santé publique qui n’a pas cédé au chantage, est un exemple éloquent de l’incapacité de la centrale syndicale à remettre de l’ordre dan ses rangs et à se remettre en question lorsque son action prend la mauvaise trajectoire, ou quand ses structures inscrivent leurs mouvements dans une logique de l’absurde.

Sans nier la toute légitimité de l’action des structures syndicales qui ont pour mission de représenter  et de défendre les intérêts des travailleurs, le couac réside dans le dérapage incontrôlé que connaît,  depuis 2011, l’action syndicale qui, loin d’apporter des réponses et améliorer véritablement les conditions des travailleurs, a compliqué la situation économique du pays, fait fuir les investisseurs étrangers, précipité la fermeture de nombreuses entreprises, aggravé le rang des chômeurs, sans permettre en échange, à la faveur des augmentations salariales obtenues parfois par le chantage,  d’améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs.

Dans le cas du CHU de Sfax, le combat mené par les syndicats est contre nature. Sous de faux arguments et pour préserver des intérêts occultes, voire douteux, on ne recule pas à paralyser un service public vital et à induire les Tunisiens en erreur parce qu’on persiste à vouloir nous faire avaler  des contrevérités et de faux alibis, comme la voie la plus juste et la plus défendable.

Défendre les intérêts des travailleurs, se constituer en tant que contrepoids dans la société, être un acteur dynamique dans tout ce qui s’entreprend et se conçoit dans le pays, sont tout à fait légitimes et s’inscrivent en droite ligne de ce qu’un syndicat est appelé à assumer, ce qui l’est moins, c’est de transformer cette action en moyen pour faire la loi, non pour défendre des droits légitimes.

************

L’adoption mardi dernier de la loi portant les nouveaux statuts de la Banque centrale de Tunisie (BCT), nous a, subitement, réveillés de notre torpeur. Certes, l’on a fini par prendre conscience du changement profond de la  configuration du paysage politique depuis la scission qu’a connue le parti Nidaa Tounes, frappé par une véritable damnation depuis sa réussite aux dernières élections. Le hic réside,  néanmoins,  dans les risques  qui  commencent à planer et qui peuvent conduire à la dislocation de la coalition au pouvoir qui offre une piètre image. Peu solidaire, ou pas du tout, divisée et pouvant éclater à tout moment.

Une coalition qui travaille sans repères, dans le désordre total et où les calculs partisans sont en train de prendre le dessus sur toute autre considération et que les ambitions démesurées de certains leaders politiques sont en train d’aggraver la fragilité d’un gouvernement qui semble travailler en rangs dispersés et plus que jamais au gré des caprices des uns et des autres.

Ce que fait Afek Tounes est symptomatique de la déconfiture qui caractérise l’action du gouvernement formé  de partis plus enclins à servir leurs intérêts qu’à servir ceux du pays. Le jeu que ce petit parti est en train de vouloir jouer et imposer, alors qu’il compte moins de dix députés à l’Assemblée des Représentants du Peuple, est en contradiction flagrante avec son poids et la qualité du travail que certains de ses ministres sont en train d’accomplir sur le terrain.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana