Industrie pharmaceutique : Taïeb Zahar tire la sonnette d’alarme

A la veille du Forum Médical de Réalités, le président du Forum International de Réalités (FIR), Taïeb Zahar, est revenu sur les enjeux de l’industrie pharmaceutique tunisienne et sur les menaces qui pèsent sur elle. D’ailleurs, le forum, qui se tiendra du jeudi 28 au vendredi 29 juin 2018 à Hammamet, constituera l’occasion de soulever les problématiques du secteur et de sortir avec des recommandations.
Intervenant dans Expresso ce mercredi 27 juin 2018, Taïeb Zahar a souligné que l’industrie pharmaceutique est sortie du lot par rapports aux autres. Alors que l’investissement a baissé dans les autres industries, ce n’était pas le cas dans le domaine pharmaceutique. « 300 MDT de dinars ont été investis dans le secteur. Unimed a investi 81 MDT. Saiph, pour sa part, a investi 50 MDT, au même titre que Medis (50 MTD). Il y a des hommes d’affaires courageux qui continuent à investir, malgré les difficultés et un contexte qui n’est pas forcément favorable. Il y a encore des personnes qui croient en l’industrie pharmaceutique », a-t-il expliqué au micro de Wassim Ben Larbi.

La crise des médicaments, une crise de gestion
Taïeb Zahar considère que l’industrie pharmaceutique doit être encouragée. Y investir, revient à investir dans la sécurité sanitaire du pays. « Il faut garantir un minimum de médicaments en Tunisie », a-t-il dit.
La crise de la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT) était aussi au centre de l’intervention du président du FIR. « L’institution doit 480 MDT aux laboratoires. D’un autre côté, la CNAM lui doit 440 MDT. Quant aux hôpitaux, ils doivent 400 MDT à la PCT », a-t-il rappelé.
De ce fait, selon Taïeb Zahar, la PCT n’est pas impliquée dans la crise actuelle. Ce sont ses anciens responsables qui doivent être blâmés étant donné qu’ils ont rempli une fonction qui n’est pas la leur, à savoir celle d’une banque. « Lorsqu’un client achète sans pouvoir payer, les transactions doivent être interrompues. Or, la PCT a continué à fournir des médicaments aux hôpitaux », a-t-il fait valoir.
Il rappelle également que les budgets des hôpitaux comprennent d’ores et déjà les coûts des médicaments. Si l’on ne réclame pas son argent, il ira ailleurs, selon Taïeb Zahar. Dans ce contexte, l’Etat, rappelle-t-il encore, a débloqué une ligne de crédit de 500 MDT sur 5 ans au profit de la PCT. « C’était la moindre des choses. La PCT va ainsi pouvoir rembourser les laboratoires, notamment ceux de nationalités étrangères. Il n’y aura plus, de ce fait, de crise systémique », a-t-il déclaré.

Le manque de réactivité de l’administration : une entrave au développement du secteur
D’autre part, Taïeb Zahar note que le manque de médicaments n’a pas été observé au niveau des produits locaux. « Malgré les difficultés, les laboratoires tunisiens ont continué à fournir des médicaments, alors que la PCT leur doit de l’argent », a-t-il souligné.
Le président de la FIR insiste, également, sur l’importance de faire participer l’opinion publique et la presse au débat sur l’industrie pharmaceutique. C’est, d’ailleurs, l’un des objectifs du Forum Médical de Réalités. « Nous devons vulgariser les problématiques et les résoudre. En Tunisie, il faut savoir que l’industrie pharmaceutique est récente. Avant les années 90, c’était la PCT qui s’en occupait avec l’Institut Pasteur. Elle couvrait 6% des besoins du pays. Aujourd’hui, nous couvrons entre 50 et 60% de nos besoins. Le Chef du gouvernement table sur 70%. On peut y arriver et même plus mais cela nécessite une volonté politique et une administration réactive », a-t-il expliqué.
Les questions administratives seront au cœur du Forum. Taïeb Zahar explique qu’un produit pharmaceutique nécessite, pour être commercialisé, une autorisation de mise sur le marché (AMM). Or, avec les difficultés administratives, un laboratoire n’obtient son AMM que 3 ans plus tard, ce qui risque de mettre à mal son business plan. C’est un obstacle qu’il faut dépasser selon le président du FIR. Le Forum Médical de Réalités, par ailleurs, commencera par un diagnostic du secteur, selon Taïeb Zahar, afin d’identifier les points qui bloquent. La question des exportations des médicaments sera débattue. En ce domaine, on peut faire mieux selon lui. « L’équivalent de 100 MDT ont été exportés en 2017, pour un chiffre d’affaires de 700 MDT. Le potentiel d’investissement est énorme en Afrique », a-t-il noté.
En Tunisie, d’après Taïeb Zahar, un producteur n’est pas forcément protégé. Or, ce n’est pas le cas à l’étranger. « Si l’on souhaite réduire l’importation de médicaments au profit de la production nationale, il faut booster les exportations que l’on pourra multiplier par 2 ou par 3 », a-t-il dit.

Le danger des multinationales sur l’industrie nationale
L’autre élément qui sera au cœur des débats est l’Accord de Libre échange complet et approfondi (ALECA), qui constitue une menace pour l’industrie pharmaceutique nationale selon Taïeb Zahar. De fait, l’accord comprendra un chapitre sur les médicaments, ce qui suscite de nombreuses interrogations selon lui. « Si on accepte ces accords, cela constituera le coup de grâce pour l’industrie pharmaceutique en Tunisie », a-t-il mis en garde.
Pour un médicament princeps, à titre d’exemple, l’ALECA propose une période de 24 à 25 ans pour qu’il soit enfin fabriqué en générique, ce qui risque d’affecter lourdement les fabricants du générique. Ce n’est pas tout : en fabriquant un générique à partir d’un princeps, le laboratoire est exempté, selon Taïeb Zahar, de tests cliniques et pharmacologiques, car ils ont d’ores et déjà été effectués lors la fabrication du princeps. L’ALECA prévoit la suppression de cette mesure, ce qui obligera les fabricants de génériques à effectuer leurs propres tests. Par conséquent, les prix vont augmenter.
« Il faut faire barrage à tout cela car il s’agit de conditions inacceptables. Il est possible que certains lobbys internationaux veulent détruire les industries nationales. En 2040, il n’y aura que 5 ou 6 laboratoires dans le monde. Or, celui qui détient les médicaments domine le monde », a-t-il encore prévenu.
Comme elles l’ont fait en Europe de l’Est, les multinationales achètent des usines nationales pour les fermer juste après. « Dans la stratégie des multinationales, les industries nationales doivent disparaître. De ce fait, il faut renforcer l’industrie nationale et la protéger. On ne doit aucunement dépendre de l’étranger en matière de médicaments », a conclu Taïeb Zahar.

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