Inflation : Le consommateur, complice ou victime ?

Selon les statistiques officielles de l’INS, entre janvier 2010 et avril 2017, l’inflation des prix à la consommation a atteint près de 80% pour les légumes, 65% pour les huiles alimentaires et 64% pour les fruits. Les articles d’habillement ont connu une hausse qui oscille entre 60 et 70%.
Le prix des logements a pratiquement doublé, celui des moyens de transport a également flambé, alors que les salaires n’ont pas suivi le même rythme. Dans le meilleur des cas, les rémunérations n’ont augmenté que de 40%, alors que souvent il y a eu une stagnation relative.
Les taux d’inflation enregistrés ces derniers mois restent très élevés, car ils gravitent autour de 5% alors que la référence de base est déjà élevée, ce qui signifie que le processus inflationniste s’auto- entretient lui-même.
Entre l’inflation calculée par les statistiques qui ne touche que les produits de base et l’inflation réelle, celle que nous ressentons dans le budget familial, le pouvoir d’achat des ménages et les comptes des entreprises il y a un monde.
En effet, niveau de vie du Tunisien moyen et même celui des masses populaires aujourd’hui n’a plus rien à voir avec le couffin de la ménagère “indexé” sur les prix des produits de base, sévèrement encadrés par les subventions de la caisse de compensation.
Plusieurs experts économiques évaluent le taux de l’inflation réelle en sept ans à 200%.
L’effondrement continu du taux de change du dinar vis-à-vis des devises les plus concernées par nos échanges extérieurs, l’euro et le dollar US est une importante source d’inflation importée, car plus de 80% de nos matières premières destinées à l’industrie sont importées d’où la répercussion sur le prix-client.
En effet, le dinar a perdu plus de 10% de sa valeur depuis le début de l’année 2017 par rapport à l’euro et il risque probablement avant la fin de cette année d’être coté à 1 euro = 3 dinars.
Quels impacts de cette flambée inflationniste dévorante sur l’économie et la société tunisiennes ? Multiples et graves, d’abord la dégradation du niveau de vie et la régression catastrophique du pouvoir d’achat.
Ensuite, la réduction drastique de l’épargne des ménages : en effet celle-ci est passée de 11,4 % en 2010 à 8,8% en 2014. Il y a un recours intensif à l’endettement bancaire.
L’endettement bancaire des ménages a doublé selon l’INS, il est passé de 10,7 en décembre 2010 à 20,8 milliards de dinars en mars 2017.
Selon la BCT, les crédits de consommation progressent de 15% par an pour atteindre 2,6 milliards de dinar en 2016, soit 12,8% du total des dettes. Pour suivre et faire face aux dépenses de la famille, certaines familles ont dû vendre leurs biens ou s’adonner  à d’autres activités secondaires pour arrondir leurs fins de mois très difficiles.
Une grande partie de la classe moyenne a migré pour se rapprocher du seuil de pauvreté.
La spirale inflationniste décourage l’investissement car les études de rentabilité des projets sont dépassées au bout de 6 mois.
L’inflation encourage la consommation effrénée des ménages.
Pourquoi l’inflation est-elle si forte et si soutenue ?
Parce que l’Etat a perdu une grande partie de sa souveraineté et de son pouvoir en matière de lutte contre la fraude, la tromperie, le vol et autres infractions à la réglementation sur l’hygiène, les prix et le respect des circuits commerciaux, incapable de faire face aux barons de la corruption, de la contrebande et du commerce parallèle. Ces derniers disposent de moyens financiers et des entrepôts nécessaires pour décider des prix et des volumes de produits à écouler sur le marché, c’est la maîtrise des circuits commerciaux occultes.
L’engouement grandissant des citoyens pour la surconsommation a en fait plusieurs causes surtout depuis le 14 janvier 2011 : assouvir les frustrations psy-sociologiques nées depuis la montée en puissance des dissensions politiques sur la scène publique.
Succomber aux tentations soulevées et accélérées par la grande distribution et le “matracage publicitaire” de certaines enseignes industrielles à la télévision.
Ambitions légitimes d’une meilleure qualité de vie, soulevées par la Révolution, mais devenues caduques suite à la crise politique et économique qui sévit dans le pays.
Dans quelle mesure peut-on affirmer que le consommateur, bien sûr victime innocente de cette hausse persistante des prix, mais aussi complice puisqu’il accepte d’être dépouillé de ses maigres ressources par les agents de production fraudeurs et les distributeurs malhonnêtes, du moins les spéculateurs parmi eux alors que l’Etat se montre impuissant à endiguer le phénomène ?
En effet, on constate un engouement sans précédent des consommateurs pour les produits de consommation les plus chers et ce en toute circonstances : toutes sortes de fêtes religieuses, familiales, vacances,… qui sont les circonstances privilégiées par les spéculateurs pour faire flamber les prix.
L’embargo des produits objet de spéculation honteuse, régulièrement, a montré ses preuves dans certains pays, mais le consommateur tunisien ne respecte aucune discipline.
Il faut dire que l’ODC ne fait preuve d’aucune efficacité faute des moyens conséquents, cependant l’Institut national de la consommation réalise des études pertinentes non suivies d’actions de la part des pouvoirs publics.

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