En plus de son rôle de facilitateur, l’Etat assume un rôle de première importance dans la stimulation de l’activité économique. Même si les opportunités existent, le mode de fonctionnement des entreprises publiques et leur culture freinent souvent l’initiative, la créativité et leur propension à prendre des risques. D’où, l’importance, avérée du partenariat public privé (PPP). Un mode qui facilite, la prise de décision et d’initiative avec des résultats à la clé. C’est le cas de la STEG International Services (Steg SI) ; qui, grâce à la formule de PPP, a réussi, depuis 2006, à s’imposer non seulement en Tunisie mais, surtout à l’échelle internationale, particulièrement en Afrique. Mohamed Ammar, DG de la STEG International Service, nous livre le secret de la réussite de l’entreprise. Interview.
La STEG International Service (STEG-IS n’est pas vraiment très connue du grand public. Pourriez-vous nous la présenter ?
Créée en 1962, la Société tunisienne d’électricité et de gaz (STEG) a réussi, à s’imposer notamment au Moyen Orient, en tant que réservoir de savoir-faire et d’expertise dans son domaine. Pendant une trentaine d’années, la STEG a été un grand fournisseur de main d’œuvre qualifiée, via des opérations de détachement d’ingénieurs et de techniciens, en faveur des pays du Golfe. Cependant, le statut d’entreprise publique de la société ne permettait pas la flexibilité nécessaire afin de répondre, en temps réel, aux opportunités de développement et d’évolution à l’international dans le domaine énergétique. Le statut public est lourd et la procédure est longue. Il fallait donc, trouver une solution pour mieux gérer l’exportation des services de la STEG. C’est ainsi qu’est née, en 2006, la STEG International Services (STEG-IS). Une entreprise créée dans le cadre d’un partenariat public privé (PPP), et qui a réussi, à s’imposer rapidement comme un opérateur de premier ordre dans le métier de la société mère la STEG.
La création de la STEG-IS est le résultat d’une politique d’externalisation ciblée et valorisante de l’expérience, du savoir-faire et du capital confiance acquis par les différents corps de métier de l’entreprise mère dans les domaines de ses activités nationales et internationales. En d’autres termes, la STEG-IS est le fruit d’une expérience établie et d’un savoir faire confirmé de la société mère STEG. Elle vient, ainsi, répondre, à l’évolution des demandes et des besoins de son environnement national et international dans les secteurs électriques et gaziers. C’est la concrétisation du PPP qui, à mon sens, a apporté ses fruits. Car, elle demeure une filiale d’une entreprise publique, mais avec un statut d’entreprise privée. Partant, sa structure de gestion est plus allégée, tout en collaborant étroitement avec la société mère.
Justement, quel est le statut de la STEG-IS ?
C’est une société anonyme, avec le statut de ce type d’entreprise. Quant à la constitution de son capital, c’est un choix judicieux qui permet à l’entreprise d’avancer à pas sûrs dans un environnement international ouvert et captif. En effet, la STEG, détient 35% du capital; les agents de la STEG en détiennent 20%. Par ailleurs, trois bureaux d’études détiennent chacun 10% et trois banques en détiennent 5% chacune. Aussi, la participation de la STEG et de son personnel au capital de cette nouvelle société, de bureaux d’études tunisiens, de consultants, de banques et des institutions financières locales, constituent un ensemble cohérant et complémentaire regroupant le savoir-faire de la STEG, l’expérience des bureaux d’études dans les marchés national et international et le soutien des bailleurs de fonds. La STEG IS a démarré avec un capital de 500 mille dinars. Aujourd’hui son capital est de l’ordre de 30 MD, et son chiffre d’affaires moyen est de 40 à 45 MD.
Quels avantages procure cette structure spécifique du capital ?
C’est une structure d’une entreprise privée, qui permet à la SIS de répondre, de manière plus souple et conviviale, à la demande de coopération internationale attendue de la STEG. Mais aussi, de contribuer au développement national et régional en offrant un savoir-faire compétitif et de haut niveau. Grâce à cette structure et par là même à la formule du PPP, on tend à valoriser d’une manière structurée et professionnelle, l’expérience et le savoir-faire ainsi que le »capital » confiance acquis par les différents corps de métier de l’entreprise mère au service du développement régional (Afrique, Moyen Orient). En d’autres termes, cette formule intelligente nous permet de puiser dans le savoir-faire de la société mère, à chaque fois qu’on a un marché et de procéder à un détachement du personnel pour une activité déterminée et pendant une période déterminée.
Quels sont les domaines de compétences que vous couvrez ?
Cumulées sur un demi-siècle d’expérience dans la production, le transport et la distribution de l’électricité et du gaz et prouvées sur le terrain par des performances citées comme référence à l’échelle internationale (taux d’électrification de 99,5%, plus de 3 millions d’abonnés électricité et 500 000 abonnés gaz), nos compétences couvrent plusieurs domaines. Il s’agit de l’’élaboration des plans directeurs d’électrification et de distribution du gaz naturel ; les études tarifaires ; la gestion de projets, les études de projets ; les identifications de projets, l’analyse de marchés, d’avant-projets, les études de faisabilité technique et économique, les études d’impact environnemental et social. Sans compter les études de procédés et engineering de base, les inspections d’équipements, la supervision des chantiers de construction, le démarrage d’unités industrielles, la planification et le contrôle des coûts ; la mise en œuvre de projets, l’assistance au maître d’ouvrage, la supervision des Contractants. Par ailleurs, la STEG IS accorde des conseils, de l’assistance, et de l’expertise dans les domaines électriques et gaziers.
Quelles sont les principales réalisations de la STEG IS ?
Le savoir-faire de la STEG, fruit de plus de quarante ans d’expérience, lui a permis de gagner la confiance de nombre d’entreprises étrangères d’électricité et de gaz. Ainsi 670 agents STEG sont actuellement en coopération technique; 23 conventions de coopération ont été signées avec 23 entreprises homologues, dont 11 entreprises arabes. Ces conventions concernent les études, la planification et la réalisation des projets d’équipement, la maintenance et la gestion des infrastructures techniques, la gestion et le contrôle de la gestion de l’entreprise, l’économie de l’énergie, le développement des ressources humaines, la qualité, la sécurité… Depuis quelques années, l’orientation de la STEG est de valoriser ses compétences et son savoir-faire par la réalisation de projets pour le compte d’entreprises arabes et africaines. La STEG-IS, à travers plusieurs projets réussis réalisés dans différents pays africains et au Moyen Orient, a construit un réseau de confiance et un partenariat durable basé sur l’approche gagnant-gagnant et le partage du savoir-faire. Parmi nos réalisations on peut citer la mise en place d’un système de tarification et de gestion de la clientèle pour le compte de l’entreprise mauritanienne de l’électricité; L’étude et la supervision de la réalisation d’un réseau moyenne tension à Djibouti; L’étude et la réalisation de plans directeurs d’électrification rurale au Tchad et au Sénégal ; L’ électrification de 80 villages dans les îles Comores ; L’assistance technique et le conseil pour le développement du réseau de transport d’électricité du Yémen; Le contrôle de l’étude mécanique et la supervision des travaux de construction d’une ligne moyenne tension à Djibouti; L’étude du plan-directeur d’électrification de 25 villes au Tchad, en association avec un bureau d’études suisse et un bureau d’études tunisien. Par ailleurs nous sommes en cours de négociations d’un projet d’étude de réalisation de l’électrification de plusieurs villes et villages au Cameroun. Il s’agit d’un projet d’une valeur de 70 millions de dinars environ, pour lequel la STEG est actuellement en train de rechercher des sources de financement.
Il est à noter que la STEG IS a pris son envol avec la réalisation d’un projet pilote grandiose au Rwanda, relatif à l’amélioration de l’infrastructure pour l’électrification de 4000 logements. Un projet réalisé dans un délai de 6 mois. La réussite de ce projet en a ramené un autre pour l’électrification de 55 mille logements, sur une période de 18 mois. Ce projet a été réalisé avec des compétences tunisiennes du matériel tunisien. Ce qui a fait une tache d’huile en Afrique et a consolidé l’image de marque internationale de l’entreprise. Depuis la société a fait du chemin, et nous sommes passés à un stade supérieur. En effet, au Sénégal, on a créé une société avec un partenaire local et nous avons remporté un appel d’offres pour la réalisation d’un projet d’électrification de logements, et sa gestion pendant 25 ans, dans le cadre d’une concession. Il s’agit d’un projet important, d’un coût de 8 millions d’euros dont le financement est partagé entre une subvention de la Banque mondiale, et un prêt contracté auprès d’une banque sénégalaise.
Est-ce à dire que l’Afrique représente des opportunités intéressantes ?
L’Afrique est le marché du monde. Cependant, en Tunisie on n’y a jamais cru. L’Afrique connaît une véritable dynamique de croissance. Mais encore faut-il savoir exploiter les opportunités qui s’offrent pour replacer la Tunisie sur l’échiquier africain. Ce qui manque aujourd’hui, c’est la volonté politique d’établir une stratégie adéquate pour les investissements tunisiens en Afrique. Les autorités tunisiennes devraient désigner des ambassadeurs tunisiens en Afrique, capables de maîtriser les problématiques économiques. Des représentants qui peuvent négocier et promouvoir les échanges commerciaux, les investissements pour mieux intégrer la Tunisie dans son continent. Il faut y voir la nécessité de réinventer notre propre avenir, en faisant de l’Afrique notre nouvelle frontière. C’est là que nous devons chercher le supplément de croissance qui nous fait défaut pour équilibrer nos échanges extérieurs, lutter contre le chômage des jeunes et résorber la fracture régionale. Notre principal partenaire européen ne pourra plus, à lui seul, nous offrir une telle opportunité. L’Afrique est devenue le champ ouvert de rivalités entre d’anciennes et de nouvelles puissances industrielles, elle constitue un enjeu économique et géostratégique majeur. L’Afrique, au taux de croissance de 5%, accueille 20% des IDE du monde par an, 42% des IDE inter-continents, ainsi que 17% d’échanges commerciaux inter-continents. Aujourd’hui, nous avons besoin d’actions concrètes. En d’autres termes, d’une stratégie claire pour reconquérir l’Afrique, et développer l’investissement.
La Tunisie est appelée à déterminer comment aborder ce vaste continent, avant qu’il ne soit trop tard. Car l’Afrique séduit et attire toutes les puissances du monde. Alors autant veiller à se faire une place, dès à présent, du moment que les atouts et les opportunités sont là. Il faudrait mettre en place une stratégie et une vision basée sur une diplomatie agissante et efficace, d’une proximité effective, d’un déploiement financier, par un accompagnement des banques.