Seulement quelques jours nous séparent de l’annonce des résultats définitifs des élections législatives françaises. La bataille pour remporter des sièges au Parlement se poursuit et devient encore serrée en ce second tour déjà entamé depuis le 10 juin courant pour les onze circonscriptions des Français de l’étranger. La 9e circonscription (seize pays du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest) est considérée comme étant l’une des circonscriptions vers lesquelles se tournent le plus de regards vu son poids et les enjeux de taille qu’elle représente. Parmi une vingtaine de candidats au premier tour, seuls le Franco-tunisien Karim Ben Cheikh (Nouvelle union populaire écologique et sociale) et Élisabeth Moreno (Ensemble pour la majorité présidentielle) se sont qualifiés au second tour. Rencontrée par l’équipe de Réalités ce samedi à Tunis, la Ministre chargée de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances dans le gouvernement Jean Castex revient sur les grandes lignes de son programme, ses chances au second tour, ses priorités, les plus grandes préoccupations des Français de l’étranger dont ceux installés en Tunisie ainsi que sur l’avenir des relations de partenariat entre la France et l’Afrique en général et les pays du Maghreb en particulier. INTERVIEW.
(NB : La suite de l’Interview sera publiée dans le prochain numéro de Réalités Magazine qui sera disponible dans les kiosques vendredi 17 juin.)
Si vous aviez à vous présenter à nos lecteurs, que diriez-vous ?
C’est un plaisir pour moi d’être avec votre magazine Réalités. Si je devais me présenter, je dirais que je suis une femme d’Afrique, que je suis une femme d’Europe, que je suis née aux îles du Cap Vert mais que j’ai grandi en France comme beaucoup de Tunisiens qui naissent dans un pays et qui grandissent dans un autre. Que je suis une mère de deux enfants. Que j’ai passé les trente dernières années de ma vie dans le monde de l’entreprise jusqu’à ce que le président de la République Emmanuel Macron et le premier ministre Jean Castex m’appellent pour rejoindre le gouvernement en 2020 où j’étais en charge de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances.
Quels sont aujourd’hui les nouveaux challenges qui vous motivent pour candidater à la députation sur la 9e circonscription ?
Ces défis sont nombreux. Je crois que, paradoxalement, le monde n’a jamais été aussi connecté, jamais nous n’avons produit autant de richesse, jamais nous n’avons eu autant d’outils technologiques scientifiques développés au service des êtres humains, jamais ces derniers ont été aussi développés par l’éducation et la formation. Et pourtant, nous sommes à une époque où jamais nous n’avions été aussi divisés, aussi fracturés. Nous n’avons jamais eu tellement peur de l’avenir pour nous et pour nos enfants et je pense que s’engager en politique en ce moment est important. Pour moi la politique, c’est rendre possible ce qui est souhaitable. Aujourd’hui plus que jamais, il est souhaitable de construire un monde plus sécurisé et plus inclusif où il n’y a pas certains qui réussissent et d’autres qui sont laissés en marge. Un monde qui prend en considération les soucis de la planète; nous avons un environnement à protéger, une nécessité de faire en sorte que l’écologie soit meilleure. On dit souvent que cette planète nous l’héritons et nous devons la laisser à nos enfants dans le meilleur des états. Je pense que tous les défis qui existent aujourd’hui, quels qu’ils soient environnementaux, politiques, sociaux, de conflits… nécessitent que nous travaillons ensemble d’une manière solidaire pour pouvoir sortir de toutes ces difficultés auxquelles nous sommes confrontés. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté de candidater à cette 9e circonscription. D’abord parce que j’y suis née, mes parents y vivent et j’ai mes amis qui vivent partout. J’ai vécu deux ans notamment au Maroc avec ma famille et puis l’Afrique ce sont mes racines, là où mes ancêtres sont nés. J’ai travaillé pendant 15 ans avec cette circonscription et je crois que les seize pays qui composent la composent regroupent tous les enjeux que le président de la République Emmanuel Macron souhaite porter dans cette nouvelle page de l’Histoire qu’il a envie d’écrire entre la France et les pays africains. En tant que franco-africaine, je suis extrêmement fière de pouvoir les porter.
En tant qu’ex-expatriée au Maroc et en Afrique du sud, vous connaissez certainement les plus grandes préoccupations des Français de l’étranger. Si vous aviez à en citer certaines parmi celles que vous jugez prioritaires ?
Elles sont nombreuses et vous avez raison de dire que je les connais parce que je les ai vécues moi-même quand je suis arrivée au Maroc. Par exemple, ma première préoccupation, c’était de savoir où j’allais inscrire mes enfants à l’école pour qu’il aient accès à une bonne éducation et qu’ils préparent correctement leur avenir. J’ai entendu beaucoup de Français et de Françaises que j’ai rencontrés dernièrement me dire que non seulement les frais de scolarité sont beaucoup très élevés mais certains d’entre eux sont un peu inquiets quant à la qualité de la scolarité de leurs enfants. Je tiens quand même à préciser que le réseau AEFE qui compte plus de 550 établissements, nous devons le garder pour que nous enfants gardent un lien avec la culture française et la francophonie. La France doit continuer de rayonner dans le monde parce qu’elle a des projets à porter et tout cela passe par l’éducation.
Le 2e sujet, c’est la santé. On l’a vu pendant la crise sanitaire. Beaucoup de familles ont été endeuillées parce qu’elles ont perdu un proche et on se rend compte que sans santé, on est rien; on peut avoir les meilleures idées du monde, on peut être richissime mais si on n’a pas la santé on ne fait rien. C’est pour cette raison que la Caisse des Français de l’étranger doit fonctionner non seulement pour les gens qui ont de l’argent et qui ont les moyens mais aussi pour tous les Français, Françaises et binationaux qui vivent à l’étranger. Aujourd’hui, il est temps de la réformer pour faire en sorte que nos compatriotes se sentent bien traités du point de vue santé, ;
Le 3e sujet, ce sont les services consulaires, vous ne pouvez pas imaginer le nombre de personnes qui me disent: quand je vais au Consulat, je ne me sens pas Français parce qu’ on ne me traite pas comme un Français. Les services consulaires ne sont pas à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre et moi je trouve cela extrêmement désolant parce que les services consulaires ce sont les liens institutionnels vers lesquels les Français doivent se tourner lorsqu’ils sont en difficulté à l’extérieur. C’est très important, quand vous êtes à l’étranger, de sentir que quelqu’un est là pour vous aider et vous accompagner.
Le 4e sujet, c’est bien la nécessité de dynamiser nos relations économiques. Je sais que la Tunisie a traversé des moments difficiles à la sortie de cette crise sanitaire, c’est également le cas d’autres pays dans cette circonscription. En France, le président de la République a fait tout pour maintenir les emplois, pour faire en sorte que l’économie ne tombe pas.Il faut que les entrepreneurs qui viennent investir en Tunisie, quand ils viennent ouvrir des restaurants, des gîtes, quand ils ramènent le savoir-faire français, ils deviennent les ambassadeurs de la France et nous devons les aider et les accompagner parce que leur réussite c’est la réussite de la France.
Pour porter la voix des expatriés, la course semble être bien serrée, quelle chance pour Mme Élisabeth Moreno en ce second tour des élections législatives ?
(En souriant NDLR) J’espère que ses chances sont réelles! Tout d’abord, je tiens à remercier tous les Français, les Françaises et les binationaux qui m’ont permis de me qualifier au second tour. J’en suis extrêmement honorée, parce que je suis et j’étais la représentante de la majorité présidentielle mais il y avait une vingtaine de candidats. Pour vous dire combien on aime cette circonscription et combien elle attire. J’ai fais une campagne très volontaire, très terrain, très proximité et je suis allée à la rencontre des parents d’élèves, des professeurs, des retraités et des chefs d’entreprises; petites, moyennes et grandes entreprises. J’ai beaucoup discuté, échangé avec mes compatriotes et tous les problèmes qu’ils m’ont remontés se sont les problèmes que je connais, parce que je les ai vécus. Je tiens également à saluer les personnes qui se sont présentées mais qui ne sont pas arrivées au second tour et qui ont décidé de se rallier à ma candidature. Je pense notamment à Mehdi Reddad, Mohamed Oulkhouir, David Azoulay et Naima M´faddel qui a décidé, elle aussi, de se rapprocher de moi. Nous portons des valeurs communes, nous voulons défendre notre pays, et faire en sorte que la France continue de rayonner, que les Français et les Françaises qui vivent à l’extérieur soient traités comme des Français de l’hexagone. Parce que les Français qui vivent à l’étranger ne sont pas des Français de seconde zone.
Je pense que mes chances sont là. Je respecte également mon opposant mais je crois que porter le programme du président de la République aujourd’hui c’est important. Je crois que notre président a envie de réformer la France, de créer une France où chacun trouve sa place et puisse contribuer à sa grandeur. Les Français de l’étranger doivent contribuer au rayonnement de la France où qu’ils se trouvent. Mes chances sont là parce que j’étais au sein du gouvernement, j’ai la confiance du président de la République, j’ai travaillé avec la première ministre et avec la grande majorité des membres du gouvernement. Je pense que je serais en mesure de faire avancer les sujets sur lesquels les Français de l’étranger nous attendent.
Nous sommes à un moment très important de l’histoire, le monde est en pleine transformation. Je ne pense pas que les Français et Françaises ont envie que nous soyons dans une cohabitation qui va complètement bloquer notre pays. Si pendant cinq années on passe notre temps à faire de la politique politicienne et qu’on ne prenne pas des décisions stratégiques pour faire avancer notre pays, ca sera un drame absolu pour tout le monde, j’espère donc que mes chances sont là…
Propos recueillis par Hajer Ben Hassen
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